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Dans la peau d’un membre du comité Safer

Lors de son rendez-vous Terre de rencontres dans le Cantal, la Safer Auvergne-Rhône-Alpes a proposé un exercice pédagogique pour comprendre le processus décisionnel des attributions de foncier agricole.

 

Les candidatures sont cartographiées pour une meilleure compréhension
© Dossier Safer Aura

Il en va des attributions foncières comme des matches de ProD2 : il est toujours plus facile d’être dans les tribunes que l’homme au sifflet. De refaire le match a posteriori et d’invectiver l’arbitre que de se mettre à sa place. L’illustration en a été donnée jeudi 24 avril par la Safer Auvergne-Rhône-Alpes qui, dans le cadre de son rendez-vous bisannuel baptisé “Terre de rencontres”, a proposé à ses partenaires professionnels et institutionnels cantaliens de participer à un comité technique fictif. 
Dossier à l’ordre du jour : la vente d’un bien de 35 hectares, libres, avec un corps de ferme comprenant une maison d’habitation à rénover et des dépendances (grange, étable, appentis). En lice, cinq candidats : Mme Jeminstalleseule, 39 ans, titulaire d’un BPREA, avec un projet d’installation en cuniculture bio et vente directe (pas encore engagée dans le parcours 3P(1)), candidate sur 20 ha seulement. Deuxième candidat : M. Engaec, 22 ans, titulaire d’un BTS Acse, souhaite s’installer au sein du Gaec familial (père-oncle, 120 ha) en reprenant les parts de son oncle bientôt retraité, son projet 3P est déjà agréé. 

Troisième candidature, complémentaire de la première : la commune veut acquérir les 15 ha restants afin de compenser les pertes subies par les agriculteurs impactés par la future déviation du village, déviation dont l’enquête publique ne démarrera pas avant la fin de l’année. Quatrième postulant : M. Jemensors, 48 ans, candidate sur l’ensemble du bien afin d’améliorer la viabilité de son exploitation en bovins viande (40 ha) et d’installer à terme son fils de 16 ans ; le bâtiment serait rénové en gîte rural géré par son épouse. Enfin, M. Jechange, 35 ans, déjà installé en ovins (70 ha) sur des parcelles mitoyennes du bien ; il céderait 40 ha de terrains situés à 20 km de son siège d’exploitation, mais n’a pas les moyens d’acheter le bâti. Dans tous les cas, les exploitants candidats ont leur siège à moins de 5 km du bien.

Lire aussi sur ce sujet : Safer Auvergne-Rhône-Alpes : « La terre dans tous ses états ! »

Rangs de priorités : un précieux guide  

Choix cornélien... auquel pourraient très bien être confrontés les 21 membres du comité technique Safer Cantal(2). Avec néanmoins une feuille de route pour les y aider : les priorités du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Ce dernier, co-construit par la profession agricole et l’administration, définit des rangs de priorité (de 1 à 7) pour les attributions de foncier agricole. Dans le cas présent, la candidature de 
Mme Jeminstalleseule serait classée en rang 1 car elle postule sur moins de 54 ha, tout comme celle de M. Engaec (155 ha avec le rachat, soit moins de 81 ha par associé). MM. Jemensors et Jechange relèvent du rang 2, la commune du rang 7.
Au terme d’une dizaine de minutes de réflexion et d’échanges, 69 % de l’assistance a opté via son smartphone pour la candidature de M. Engaec, “sachant qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse”, a indiqué Bruno Pitot directeur départemental, dès lors en tout cas que le repreneur retenu relève d’un rang supérieur. Dans le cas contraire, l’administration de tutelle (la Draaf) peut rendre un avis différent même si le comité développe des arguments pour motiver son choix. Cela reste rare mais “c’est arrivé récemment sur deux dossiers”, a souligné Hervé Lavergne, président du comité Cantal et vice-président de la Safer Aura. 

Lire aussi : La Safer Auvergne-Rhône-Alpes présente sa feuille de route 2022-2028

Un arbitrage Safer tout sauf arbitraire

“Le rôle de la Safer, c’est de recueillir l’ensemble des candidatures et les éléments permettant à l’administration (la DDT) d’établir les rangs de priorité. Si on réunit un comité technique, ce n’est pas que pour regarder les rangs, - une IA pourrait le faire -, c’est aussi pour prendre en compte les éléments du territoire, les spécificités du bien..., avoir une réflexion humaine pour un choix éclairé”, a plaidé Alexis Marze directeur adjoint de la Safer Aura, rappelant qu’en comité, toutes les candidatures sont anonymées et les votes et débats confidentiels. Mais aussi que les consultations locales parfois sollicitées n’ont aucune valeur juridique mais une valeur informative, là encore pour éclairer le comité technique.

Des engagements sur dix ans minimum

Une fois l’avis du comité émis et validé, les conseillers Safer ont la délicate tâche d’expliquer ce choix auprès des candidats non retenus. Pour l’heureux élu, l’acte de vente s’accompagne d’un cahier des charges auquel ce dernier est tenu sur une durée minimale de dix ans : engagement à s’installer, respect de clauses environnementales potentielles liées au bien.. Sur les 1 800 opérations annuelles qu’elle réalise, la Safer Aura a décidé de suivre les engagements de 500 dossiers chaque année. Si les engagements ne sont pas tenus, “on essaie de trouver des mesures correctives avec le preneur”, avant d’envisager une remise en cause de la vente le cas échéant, a expliqué Alexis Marze. 

(1) Plan de professionnalisation personnalisé.
(2) La composition du comité technique répond à un cadre réglementaire, avec trois collèges :  socioprofessionnels agricoles (syndicats représentatifs (FDSEA, JA, Confédération paysanne et Coordination rurale dans le Cantal), Groupama, Crédit agricole, Adasea, MSA) ;  acteurs du foncier (président et vice-président de la Safer Aura, FD de chasse, CRPF, Syndicat de la propriété rurale, Chambre régionale des notaires, Cen Auvergne), les collectivités territoriales (AMF et Conseil départemental) ainsi que l’administration (DDT et DDFip). 

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