Censure des articles de la loi Entraves : "C'est un bras d'honneur fait aux agriculteurs"
Le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes dénonce les coups de canifs portés par les députés du Nouveau Front Populaire et du bloc central (Modem) à la proposition de loi Contraintes, la dépouillant de son objectif : desserrer l'étau qui asphyxie les agriculteurs.
Le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes dénonce les coups de canifs portés par les députés du Nouveau Front Populaire et du bloc central (Modem) à la proposition de loi Contraintes, la dépouillant de son objectif : desserrer l'étau qui asphyxie les agriculteurs.

Des articles clés de la proposition de loi contraintes sont largement censurés
Alors que députés et membres du Gouvernement semblaient unanimes en début d'année, assurant avoir mesuré l'étendue de la détresse des agriculteurs, promettant moins de contraintes et plus de simplification, voilà que la semaine dernière, les députés membres de la commission du développement durable et issus principalement du Nouveau Front Populaire (LFI, PS, EELV) et du Bloc Centre (dont Modem) ont largement censuré les principaux articles de la proposition de loi pour lever les contraintes à l’exercice du métier d'agriculteur portée par les sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville.
Que vous inspire cette volte-face ?
David Chauve : La proposition sortie du Sénat nous allait bien car elle s'inspirait largement des mesures que notre réseau FNSEA-JA défend depuis plusieurs années déjà. Nous les avions d'ailleurs détaillées noir sur blanc à l'occasion des grandes mobilisations agricoles de l'hiver dernier. Elles étaient courageuses, concrètes et proches des réalités du terrain, peut-être parce qu'elle émanait d'un sénateur (N.D.L.R. : Laurent Duplomb est éleveur en Haute-Loire) lui-même agriculteur.
Ce qui s'est passé, la semaine dernière, en commission "développement durable" nous interroge et n'augure rien de bon pour la suite.
Le cadre général de la loi d'orientation agricole (LOA) a beau être pavé de bonnes intentions, c'est bel et bien, la PPL "contraintes" qui doit permettre de les mettre en musique. En effet, les avancées concrètes sur les moyens de production se trouvent davantage dans la PPL "contraintes" que dans la LOA.
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Que contenait le texte original de la loi Entraves adopté à l'unanimité par les sénateurs ?
Le Sénat avait adopté le 27 janvier à une large majorité la proposition de loi (PPL) dite anti-entraves, puis baptisée "Contraintes" défendue par Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (Union centriste) et visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », censée apporter des « remèdes urgents » et des « réponses concrètes dans les cours de ferme » et mettre fin aux « surtranspositions et surrèglementations » franco-françaises.
L’essentiel des articles portent sur les moyens de production, à commencer par les produits phytosanitaires, aux côtés de l’accès à l’eau et de la législation entourant la construction et l’extension des bâtiments d’élevage.
Sur la gestion de l'eau, l’OFB, le Conseil stratégique sanitaire, les installations classées, la réintroduction des produits phytosanitaires… les propositions initiales ont été non seulement censurées mais durcies par les députés...
David Chauve : Très clairement l'ambition agricole française va avoir du mal à se traduire dans les faits avec ce qui s'apparente en effet à pire qu'un rétropédalage.
On est dans une cacophonie générale où personne ne veut prendre ses responsabilités. Tout le monde joue la montre, les engagements qui ont été pris, une fois de plus, ne se traduisent pas dans les faits. Pire, le groupe Modem a voté à l'unanimité contre cette proposition de loi. Un groupe présidé par Marc Fesneau, l'ex-ministre de l'Agriculture, qui promettait lorsqu'il était rue de Varenne, la main sur le cœur, de libérer l'agriculture française de ses carcans.
Les parlementaires ont fait un sacré bras d'honneur aux agriculteurs lors de ce premier débat. Il y a une responsabilité gouvernementale aussi, car certains sujets auraient pu passer par décret sans attendre le vote de la loi.
La possibilité de recours sur l'assurance prairie aurait pu être validée par un simple décret
David Chauve : C'est le cas notamment de l'assurance prairie. Une mesure que nous réclamons depuis des mois. L'enjeu est la question du recours en prenant en considération les expertises terrain soit par le réseau des fermes de référence et en s'appuyant sur les travaux conduits par les chambres d'agriculture sur la pousse de l'herbe.
À ce stade, la lecture satellitaire n'est pas fiable ni dans un sens ni dans un autre, il nous faut donc des expertises terrain. Il n'y a rien qui se déclenche alors que les paysans payent une cotisation d'assurance de plus en plus chère.
Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à se désengager de l'assurance prairies au regard du manque de fiabilité.
Globalement, comment entendez-vous réagir alors que la FNSEA et les JA ont lancé un appel à mobilisation ?
David Chauve : Dans un premier temps, nous allons retourner voir les parlementaires. À cette période de l'année, avec les nombreux travaux dans les champs, il est compliqué d'envisager des mobilisations de masse. Cependant, ce "lâchage" des agriculteurs par les députés et le Gouvernement ne pourra pas rester lettre morte. Nous serons amenés à marquer le coup fortement dans les semaines et mois à venir.
D'autant que tout le monde se focalise sur les phytos, mais il y avait bien d'autres sujets dans cette PPL : l'eau, les installations classées (ICPE), gestion des risques (assurances prairies).
Que propose la loi "Contraintes" sur les produits phytosanitaires ?
David Chauve : Sur les phytosanitaires, la loi proposait tout simplement de gommer les distorsions de concurrence qui subsistent avec nos voisins européens, ne pas laisser les agriculteurs dans l'impasse sans solutions alternatives.
Nous attendons du courage politique. On ne peut pas faire le constat du changement climatique, et s'opposer à une gestion de l'eau plus pragmatique pour permettre aux agriculteurs de produire. Dans un contexte géopolitique incertain, il nous semblait que la sécurisation de notre alimentation en donnant aux agriculteurs des moyens de production avait du sens. Force est de constater que nos élus, ont une lecture à géométrie variable sur ce sujet.
Lire aussi : Laurent Duplomb, le sénateur aux multiples propositions de loi
La proposition de loi "Contraintes" sera débattue en séance publique à l'Assemblée nationale le lundi 26 mai
- La commission développement durable était saisie au fond sur deux articles seulement, ceux qui concernent le rôle des préfets auprès des agents de l'OFB, la définition des zones humides, et l'encadrement des projets de stockage d'eau, contenant des mesures portées par la FNSEA et les JA, qui ont été supprimées par les députés.
- La commission des affaires économiques devait examiner le reste du texte à partir du mardi 13 mai ; l'issue semble compromise pour la modification de la gouvernance de l'Anses, la réautorisation de l'acétamipride, qui ont été rayées, pour avis, en commission développement durable, avec l'assentiment du Modem et de la rapporteure Renaissance. Quant à l'assouplissement des ICPE, son issue est très incertaine.
- La PPL devrait être discutée en séance publique à l'Assemblée nationale le lundi 26 mai.
Vous avez rencontré, vendredi 9 mai, la Préfète de région*. Quelle a été la teneur de vos échanges ?
D.C. : Il s'agissait d'une première prise de contact suite à l'élection des nouveaux présidents de la Chambre régionale d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes et de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons été reçus par le staff au grand complet de la DRAAF, la DREETS, l'OFB, la DDP...Chacun de ces organismes nous a fait un point sur les travaux de simplification, contrôles, et livrer leur approche sur les nouveaux zonages nitrates… La volonté d'accompagner sur le périmètre régional est sincère, mais on sent bien que l'administration reste prise dans la tenaille des arbitrages nationaux.
Sur le volet économique, la promesse de réaliser davantage de contrôles sur le respect de la loi Ega et l'origine a-t-elle été tenue ?
D.C. : La DREETS nous a indiqué avoir multiplié les contrôles, ce que nous demandions avec fermeté. A priori, au niveau des opérateurs régionaux, la loi est plutôt bien respectée. Les contrôles sont réalisés sur l'origine, sur le SRP + 10 (seuil de revente à perte) et sur la prise en compte du prix de la matière première.
- Sur l'origine des produits, 28 % des contrôles en distribution ont constaté une anomalie. 5 % d'entre elles se sont révélées de vraies fraudes qui ont déclenché une amende (2/3 en fruits et légumes et 1/3 en viandes).
- En restauration collective, 7 établissements sur 10 ont été jugés sans problème, 25 % d’anomalies mineures ont été relevées. 5 % de vraies fraudes ont fait l'objet d'une verbalisation.
Plus globalement, la loi Ega, qui demeure notre cheval de bataille pour garantir une rémunération au juste prix, porte ses fruits. La remontée des prix est certes conjoncturelle mais elle est aussi le travail de structuration des prix sur la base des coûts de production. Nous disposons désormais de base de négociations crédibles et légitimes. Les agriculteurs doivent s'en emparer pleinement.
La mesure "provision élevage" a enfin abouti
David Chauve : Certains comptables ont concédé à réouvrir les comptabilités, pour que les éleveurs puissent bénéficier de l'exonération fiscale dès cette année. Ceux qui n'ont pas pu le faire sur l'exercice 2024 pourront le faire dès l'an prochain.
Lire aussi : Comment les éleveurs peuvent bénéficier de la mesure "provision élevage" ?
* Un rendez-vous auquel participaient également Marie-Laurence Michallet, représentante des JA Auvergne-Rhône-Alpes et Michel Joux, président de la Chambre régionale d'agriculture.