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Variez les formes de vos bois

Amphore, menhir, œuf… À la demande de leurs clients vignerons, les tonneliers élaborent des pièces aux formes toujours plus originales. Trois d’entre eux reviennent sur leur choix.

 

Pascal Charles, du domaine François Charles et Fils à Nantoux, en Côte-d’Or

« Les vins élevés en menhirs ont beaucoup de finesse »

« Tout est parti d’une idée : je voulais un contenant en bois qui se rapproche de l’amphore de terre cuite, pour créer un effet de rotation naturelle, tant du vin que des lies, durant l’élevage. Je me suis donc rapproché de mon tonnelier Damy, afin qu’il me crée ce fût. Ce qu’il a fait en 2011, avec un menhir de 320 litres. Depuis, j’en ai acheté cinq autres. Et cette année, j’ai acquis un menhir de 500 litres, auprès de la Tonnellerie Billon. J’essaie d’avoir différents types de grains, des provenances variées. Pour ce qui est de la chauffe, la partie reserrée est plus chauffée que sur un fût classique. Je vinifie tous les ans la Cuvée du Menhir dedans. J’y entonne le vin rouge, du hautes côtes de beaune, juste après le décuvage. La malo s’effectue à l’intérieur, comme s’il s’agissait d’un fût classique. Généralement, elle démarre plus vite dans ces contenants que dans les autres. Je réalise ensuite les opérations classiques telles que les ouillages et le sulfitage. Le vin y passe à peu près un an. Je vide les menhirs avant ou juste après les vendanges. J’assemble tous les menhirs et je les laisse se décanter durant deux mois, avant mise.

Ce contenant favorise réellement la mise en suspension des lies. D’ailleurs, à la fin de l’élevage, presque toutes ont été absorbées par le vin. Au niveau gustatif, je suis très satisfait des résultats. Le vin a beaucoup de longueur et de finesse, il vieillit très bien. Après, nous n’avons eu que de bons millésimes depuis 2011. Peut-être que ce sera un peu plus difficile sur un millésime fluet. Mais les menhirs ne gomment pas l’aspect millésime, et le boisé est moins marqué que sur des fûts de 228 litres. Je réalise à présent entre 3 000 et 4 000 bouteilles de cette cuvée, et je limite les clients pour pouvoir tous les contenter.

Les menhirs ont néanmoins l’inconvénient de ne pas être gerbables, de par leur forme. Il faut donc de l’espace. Pour le reste, ils sont équipés d’un trou de bonde en haut et d’un trou de vidange en bas. Ils sont un peu plus hauts qu’un fût normal. Le nettoyage est un peu plus compliqué. Nous les lavons avec un karcher équipé d’une tête retournante, puis à la vapeur.

Un autre inconvénient pourrait être le prix, car toutes les pièces sont faites de manière artisanale et non à la machine. Mais les menhirs ont aussi un atout œnotouristique. Cela interpelle nos clients, qui les photographient généralement car ils n’en ont jamais vu. Je compte continuer à m’équiper en menhirs, pour développer le volume de cette cuvée. Et pourquoi pas, les tester sur blanc. »

Marc Augustin, du champagne Augustin à Avenay Val d’Or, dans la Marne

« L’amphore fait remonter les lies jusqu’en haut »

« Je dispose d’une amphore de 225 litres depuis deux saisons. Elle a été créée à ma demande par la Tonnellerie de Champagne. J’ai choisi moi-même les bois dans le parc du tonnelier. Je voulais des bois à grains très fins, mais il n’y en avait pas assez, donc nous sommes partis sur du moyen. C’est le tonnelier qui a géré la chauffe, une moyenne, mais j’ai travaillé d’un point de vue énergétique pour ôter le côté boisé. J’ai souhaité partir sur cette forme large sur le dessus et étroite en bas (un peu comme une femme enceinte) afin de favoriser le mouvement des lies. Ainsi, elles sont toujours en mouvement et remontent bien jusqu’en haut. Je préfère cette forme à celle de l’œuf, qui symbolise pour moi l’embryon. Or je veux des vins finis. J’utilise cette pièce pour une cuvée particulière, qui n’est pas encore commercialisée. Je presse le raisin et entonne le moût directement dans l’amphore. L’an dernier, il s’agissait de chardonnay ; cette année, de pinot noir. J’ensemence avec des lies fines de l’année n-1 dynamisées. Souvent, elles contiennent aussi bien des levures que des bactéries lactiques. Je laisse donc la ou les fermentations se dérouler. Je ne fais rien durant neuf à onze mois. Ni batonnages, ni sulfitages. Juste des ouillages. Je déguste régulièrement, et une fois que j’estime que le vin y a passé le temps voulu, je soutire, pour une mise une semaine plus tard. Ce contenant ne confère pas d’arômes particuliers au vin. Il n’apporte pas de gras, mais plutôt de la légèreté. Et de l’énergie. D’un point de vue pratique, il n’est pas plus compliqué de travailler avec une amphore qu’une barrique. Elle est équipée d’un bouchon en haut, et d’un autre en bas, ainsi que d’un robinet. Pour le nettoyage, j’utilise mon lave-fûts habituel. Le seul point négatif est le trépied. Le tonnelier l’a amélioré depuis, mais le mien n’est pas adapté au contenant. Au niveau du prix, c’est onéreux mais ça va encore. Il ne faut pas oublier que l’amphore est réalisée par un homme et non par une machine. »

Erick de Sousa, du champagne de Sousa à Avize, dans la Marne

« L’Ovum est une pièce maîtresse en œnotourisme »

« Je suis équipé d’un Ovum de Taransaud de 22 hl depuis deux ans. Je n’ai pas choisi le bois ni la chauffe de la pièce, car c’est un contenant complexe à réaliser et c’est donc le tonnelier qui sélectionne le bois adéquat.

J’ai acheté l’Ovum afin d’améliorer la qualité de mes vins de réserve destinés à l’assemblage. Nous conservons ces vins sur lies fines, et la forme de l’Ovum permet qu’elles soient toujours en mouvement, ce qui bonifie le vin. Le vin est élevé un an complet dans ce contenant. Il est encore un peu tôt pour connaître l’impact de cet élevage sur l’assemblage final. Mais à la dégustation, le boisé s’est bien intégré. La première année, j’avais un peu peur que le vin soit trop marqué bois neuf. Mais comme il s’agit d’un gros volume, cela n’a pas été le cas. Ce contenant confère davantage de rondeur et de gras ; les lies fines nourrissent le vin et lui apportent de l’onctuosité sans le côté boisé, de l’unami. Cela ne dénature pas le vin. J’utilise ce volume en assemblage, en petite touche, un peu à l’instar d’une épice en cuisine.

L’Ovum n’est pas difficile à employer, le travail est le même que sur un foudre ou un tonneau. Comme je ne l’utilise qu’en élevage, son nettoyage est simple. Je passe un coup d’eau chaude une fois qu’il est vide, et je le réemplis en suivant. Il n’est jamais vide et ne s’abîme donc pas.

Un autre atout de ce contenant est son esthétique. Lorsque je fais des visites dans la cuverie avec des clients, c’est une pièce maîtresse, qu’ils n’ont pour la plupart jamais vue. Cela me permet de parler de l’élevage, les gens sont réceptifs. Ils photographient l’Ovum. Je ne l’ai pas acheté dans cette optique, mais c’est un réel atout pour l’œnotourisme.

Au niveau des inconvénients, il y a le prix. Ce n’est pas donné, mais il faut savoir ce que l’on veut. Une fois qu’on l’a, on ne le regrette pas. »

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