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Bouchons : un impact aromatique maîtrisé

Qu’il soit en liège ou synthétique, le bouchon participe à l’équilibre des vins en bouteilles. Migration de composés, échanges gazeux ou adsorption de molécules : différents mécanismes expliquent les interactions complexes entre un vin et son obturateur.

Les goûts de bouchons sont en net recul. Et ce, grâce à la vigilance accrue des vignerons et aux efforts déployés par les industriels.
© P. Cronenberger

Les bouchonniers ont mis le paquet. De part et d’autre des allées du récent Vinitech, de vastes pancartes vantaient des bouchons « garantis sans TCA ». Véritable bête noire pour l’industrie du liège, cette molécule détectable dès 1,5 ng/l est à l’origine des goûts de bouchon. Mais pas uniquement. « Certains cas sont plus difficiles à expliquer, observe Dominique Meluc, en charge du suivi aval qualité pour le BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne). On ne perçoit pas de défaut à proprement parler mais il peut y avoir un masque aromatique. » Un problème sur lequel alerte le laboratoire Excell. « À des concentrations mêmes infimes, de 1 à 1,5 ng/l de TCA, les vins ressortent moins fruités et moins nets », explique Dominique Labadie, chimiste et cofondatrice de la structure.

Fort heureusement, les efforts déployés par les industriels pour endiguer ce fléau portent leurs fruits. « Aujourd’hui, moins de 5 % des bouchons que nous analysons renferment du TCA, alors qu’on en dénombrait autour de 13 % au début des années 2000 », poursuit Dominique Meluc. Même son de cloche dans le Rhône où le taux de contamination constaté a chuté de 8 % des bouteilles testées il y a quinze ans, à moins de 3 % à l’heure actuelle. Que ce soit sur liège naturel ou sur micro-aggloméré. Il faut dire que les bouchonniers planchent sur le sujet à grand renfort d’investissements. À l’image de Diam, qui a implanté trois usines de traitement pour nettoyer ses bouchons micro-agglomérés au CO2 supercritique. Et ce, afin de garantir des teneurs en TCA en dessous de 0,3 ng/l. « Les traitements au CO2 ou à la vapeur sont plus adaptés à ce type de produits, commente Alain Bobé, directeur du laboratoire Pure Environnement. Dans le cas du liège naturel, il y a un risque de déformation. Ce qui peut rendre les obturateurs inutilisables. » Pour les produits naturels les plus haut de gamme, certaines firmes ont développé des systèmes de tri ultra-sophistiqués, bouchon par bouchon. C’est le cas d’Amorim avec son procédé ND Tech. Une technologie basée sur la chromatographie, qui sélectionne uniquement les produits renfermant moins de 0,5 ng/l de TCA. Le temps requis par analyse est de vingt secondes. « Mais notre objectif est de le diminuer », explique le directeur de recherches Miguel Cabral. Ces deux firmes ne sont pas les seules à plancher sur la question. Cork supply, Ma Silva, Vinventions… garantissent également des obturateurs en liège exempts de contaminations.

Rester vigilant pour éviter l’aéro-contamination

Néanmoins, la prudence reste de mise. Car un bouchon sain peut être pollué lors de son arrivée au chai. On parle alors d’aéro-contamination. Dans ces cas-là, l’apparition des mauvais goûts est due à d’autres composés de la famille des chloroanisoles. Le TBA et le TeCA. Ces molécules se forment par dégradation de chlorophénols, sous l’action de moisissures présentes dans l’atmosphère humide des chais (voir repères). « Il peut y avoir contamination des vins dès lors que le vigneron utilise du matériel stocké dans un environnement pollué », rappelle Alain Bobé. Ainsi, bentonite ou encore bouchons synthétiques peuvent à leur tour devenir vecteurs de mauvais goût. « Nous avons déjà observé des teneurs élevées en TBA, reconnaît Dominique Meluc. Mais nous n’en avons pas trouvé dans nos derniers programmes. »

Et les chloroanisoles ne sont pas les seuls dangers contenus dans le liège, à en croire les chimistes d’Excell. Le laboratoire bordelais attire l’attention sur la présence de MDMP (2-méthoxy-3,5-diméthylpyrazine). Une molécule responsable de l’apparition d’odeurs liégeuses. Elle est produite par une bactérie du sol et détectable dans le vin à partir de 2,1 ng/l. Néanmoins, les teneurs relevées par les scientifiques restent très faibles, de l’ordre de quelques milliardièmes de gramme. « C’est un problème anecdotique », tempère Alain Bobé. Enfin, le laboratoire met également en garde contre la présence de gaïacol, associé à des notes fumées ou de clou de girofle. « En ce qui concerne ces molécules, l’extraction peut être très rapide, constate Dominique Labadie. Cela dépend de la température, mais aussi de la surface de contact entre le vin et la zone du bouchon contaminée. » Quoi qu’il en soit, le transfert se compte en termes de mois. « Au bout d’un an, si les vins ne sont pas touchés, on peut considérer que le risque est écarté », poursuit la chimiste. Une chose est sûre, la lutte contre les mauvais goûts est loin d’être terminée.

Bentonite ou encore bouchons synthétiques peuvent à leur tour devenir vecteurs de mauvais goût
repères

Différentes origines pour les goûts de bouchon

Le TCA ou trichloroanisole (odeur de bouchon), est la molécule la plus connue. La contamination se fait à partir des bouchons en liège. Son seuil de détection est compris entre 1,5 et 5 ng/l.
Le TBA ou tribromoanisole (odeur de moisi), tire son origine dans la transformation des chlorophénols employés pour le traitement des bois. Son seuil de détection est de 0,5 ng/l.
Le TeCA ou tétrabromoanisole (odeur de moisi) vient lui aussi de la dégradation de produits chlorés utilisés pour le traitement des bois. Son seuil de détection est de 12 ng/l.

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