Aromaloc : fermenter moins froid en retenant les arômes dans le vin
Conçu pour retenir les arômes durant la fermentation, Aromaloc a fait ses débuts en France l’an dernier. Avec des résultats variables selon les situations. L’appareil pourrait trouver toute son utilité lors de fermentations moins froides, pour économiser de l’énergie.
Conçu pour retenir les arômes durant la fermentation, Aromaloc a fait ses débuts en France l’an dernier. Avec des résultats variables selon les situations. L’appareil pourrait trouver toute son utilité lors de fermentations moins froides, pour économiser de l’énergie.
Les odeurs dans les chais pendant les vinifications en sont témoins : jusqu’à 80 % des arômes produits pendant la fermentation alcoolique peuvent être perdus par évaporation avec le dégagement de CO2. Est-il possible de les retenir dans l’espace de tête de la cuve pour qu’ils enrichissent le vin, tout en laissant passer le CO2 ? C’est l’idée qui a guidé l’inventeur d’Aromaloc, ce boîtier qui s’installe sur chaque cuve avec, à l’intérieur, un dispositif d’extraction et une membrane.
Développé par Juclas (groupe Vason) et commercialisé en France par Gemstab, Aromaloc a été testé en conditions de terrain en 2024 par plusieurs domaines viticoles français. Les résultats sont variables selon les cas. Plusieurs hypothèses sont avancées par le revendeur pour expliquer cette variabilité : le cépage et la matrice vin pourraient jouer un rôle sur les résultats, tout comme la température de fermentation. « Avant de concentrer les arômes, il faut avoir des arômes à concentrer », avance Éric Lecoeuvre, directeur de Gemstab.
Davantage de thiols sur sauvignon blanc
Dans l’Hérault, le domaine de la Baume a conduit un essai sur sauvignon blanc qui a donné des résultats significatifs, avec davantage de thiols sur la cuve Aromaloc, aussi bien à la dégustation qu’à l’analyse. « Nous obtenons parfois des vins avec des concentrations très élevées, qui pourraient servir d’améliorateurs en assemblage », rapporte Éric Lecoeuvre.
Congeler les moûts de sauvignon blanc concentre les thiols
En revanche, en Champagne, sur pinot noir, « nous n’avions pas décelé de différence significative entre le témoin et la modalité Aromaloc à l’issue d’une dégustation type triangulaire », indique Irvin Charpentier, œnologue et chef de cave du domaine Alexandre Bonnet aux Riceys dans l’Aube. L’effervescence pouvant avoir un effet exacerbant, un petit tirage a été réalisé afin de vérifier si la différence se révélerait ultérieurement. Une partie des bouteilles est toujours en élevage sur lattes et quelques bouteilles sont au remuage pour une prochaine dégustation.
Un profil plus franc, avec moins de composés soufrés à la dégustation
En Provence, les constatations divergent. Au Château Roubine, aucune différence significative n’a été notée sur une cuve de mourvèdre traitée Aromaloc par rapport à un témoin issu des mêmes raisins. « Nous avions organisé un vrai essai avec notre alternant, en allant jusqu’à des analyses de thiols, mais elles n’ont pas mis en évidence de différence », déplore Loïc Botcazou, directeur technique et œnologue.
Un test a aussi été organisé au Domaine des Diables, en collaboration avec le Centre du rosé. Toujours en recherche de maximisation des arômes, Guillaume Philip a comparé Aromaloc avec son propre système « maison » sur une cuve de grenache scindée en deux. « À la dégustation, nous avons remarqué plus de finesse, une meilleure harmonie sur le vin Aromaloc. Le profil était plus franc, avec moins de composés soufrés », note le vigneron, qui pointe toutefois les difficultés pratiques liées à l’appareil : « c’est assez onéreux et il faut disposer d’une hauteur sous plafond suffisante au-dessus des cuves ».
Des différences plus visibles à température de FA moins basses
Les différences qu’il a constatées sur sa cuvée ont été confirmées par les dégustations triangulaires organisées par le Centre du rosé, sans qu’elles puissent être caractérisées par des descripteurs précis. Les analyses de composés aromatiques sur des échantillons prélevés tout au long de la fermentation n’ont rien révélé mais « il aurait fallu un essai avec davantage de répétitions », reconnaît Nathalie Pouzalgues, œnologue et cheffe de projet au Centre du rosé.
C’est pourquoi elle a reconduit des essais en conditions contrôlées, sur une même matière première grenache, syrah, cinsault du millésime 2025 au Centre du rosé, avec une variante : la fermentation à plus haute température. « À 22 °C par exemple, la production d’esters est supérieure, tout comme l’évaporation. Les différences devraient être plus visibles. Avec le système Aromaloc, l’intérêt résiderait dans la préservation des arômes dans la cuve tout en dépensant moins d’énergie au cours de la fermentation alcoolique », précise-t-elle. Les résultats sont en phase de dépouillement.
Des essais concluants sur riesling fermenté à 18 °C
Si les vins blancs sont fermentés à froid, c’est parce qu’une température basse favorise la production et la conservation des arômes. Pourtant, deux chercheurs allemands, Magali Blank et Maximilian Freund, viennent de montrer qu’il était possible d’augmenter la température de 14 à 18 °C sans provoquer de diminution significative de la qualité des rieslings. À la clé, une économie d’énergie de 72 à 83 % pour refroidir la cuve.
Pour aller plus loin, ces mêmes chercheurs ont testé si Aromaloc pouvait apporter un plus aromatique. Ils ont comparé des rieslings de 2021 et 2022 vinifiés à 18 ou 21 °C, avec ou sans le dispositif Aromaloc. Les vins ont été analysés un mois après mise en bouteille. Pour la plupart des comparaisons, les concentrations en composés volatils sont supérieures avec Aromaloc par rapport au témoin, avec des gains allant jusqu’à 30 % pour les esters sur le millésime 2022. Les composés aromatiques les plus volatils sont particulièrement récupérés par le système. Les chercheurs concluent que le système a prouvé son efficacité.
Les vins ont ensuite été dégustés par un jury de 38 dégustateurs qui n’a pas toujours détecté de différence significative. Pour le millésime 2021, l’intensité aromatique est jugée supérieure pour la fermentation à 21 °C, avec des descripteurs pomme verte, pêche et fruits tropicaux. Pour le millésime 2022, c’est la modalité fermentée à 18 °C qui ressort plus intense au nez, avec des notes de bonbons acidulés et de citron.
Bientôt une version XL d’Aromaloc
Mis au point en Amérique du Nord, Aromaloc est constitué d’une membrane hydrophobe en silicone, perméable au CO2 mais pas aux molécules plus grosses comme les composés aromatiques, et d’une petite pompe à vide. D’un poids de 9 kg, le boîtier inox s’installe au sommet des cuves fermées hermétiquement pendant la FA. Il est commercialisé en France à partir de 11 000 euros pour des cuves jusqu’à 50 hectolitres. Un modèle de plus grande capacité devrait être présenté prochainement, pour être adapté sur des cuves de 200, voire 400 hectolitres.