Veau : « les soins dès les premières heures de vie du veau sont le pilier de notre prévention »
Anne et Jacques Ernwein, dans le Bas-Rhin, font naître 150 veaux charolais en octobre et novembre. L’attention particulière qu’ils portent à la prise de colostrum et aux soins des premières heures sécurise la performance des veaux et leur permet d’atteindre une productivité globale de 1,04 veau par vache.
Anne et Jacques Ernwein, dans le Bas-Rhin, font naître 150 veaux charolais en octobre et novembre. L’attention particulière qu’ils portent à la prise de colostrum et aux soins des premières heures sécurise la performance des veaux et leur permet d’atteindre une productivité globale de 1,04 veau par vache.








Les naissances s’enchaînent d’octobre à novembre sur le Gaec Ernwein, à Oberhausbergen dans le Bas-Rhin. Avec 150 vêlages charolais et un taux de naissance gémellaires porté à 6 %, Anne et Jacques Ernwein, associés sur l’exploitation, ne laissent rien au hasard dans les soins prodigués aux veaux dès leurs premières heures de vie. Grâce à leurs efforts, ils atteignent une productivité globale de 1,04 veau par vache (1).
La qualité du colostrum passée au crible
Tout commence par la prise du colostrum. La vache, coincée au cornadis ou entre deux barrières du box de vêlage, se laisse traire dans un pichet doseur. Anne Ernwein analyse le colostrum au réfractomètre, puis Jacques Ernwein l’administre au veau nouveau-né à l’aide d’une tétine montée sur une bouteille. « Nous regardons à la fois la qualité et la quantité de colostrum. S’il montre moins de 24 % Brix (2), ou si la vache produit moins d’un litre et demi, nous complétons avec du colostrum en poudre », précise Anne Ernwein. Ce geste est indispensable pour tirer profit de la vaccination des mères contre E. coli. « L’exploitation n’a plus non plus de problème de cryptosporidiose depuis qu’ils maîtrisent la prise du colostrum », ajoute Gérard Thiriet, vétérinaire retraité qui a suivi l’élevage pendant près de trente ans.
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Lorsque les veaux ne boivent pas, les éleveurs essaient d’abord de les stimuler. « Je leur chatouille le palais pour les encourager à sucer. Si cela ne suffit pas, je leur chatouille les testicules ou la vulve : c’est ce que fait naturellement la vache », décrit Jacques Ernwein. Si ces tentatives échouent, les éleveurs drenchent le veau pour la première prise de colostrum. « Certains taureaux font des veaux qui ne tètent pas. Malheureusement, on ne peut pas le savoir à l’avance, mais nous faisons attention à ne pas les reprendre », observe Jacques Ernwein. Afin d’intervenir le plus tôt possible au moment des vêlages, les éleveurs se sont dotés d’un réseau de caméras. « De plus, nous fouillons systématiquement les vaches qui donnent naissance à un petit veau, au cas où il y aurait un jumeau, et après des jumeaux pour ne pas manquer un éventuel triplet. »
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Les veaux prématurés nécessitent une attention particulière. « Il faut d’abord les réveiller, car ils dorment profondément », évoque Anne Ernwein. Sur les veaux peu vigoureux qui restent étendus latéralement, les éleveurs réalisent une perfusion de 500 ml de bicarbonate à 1,4 % et de 50 à 100 ml d’Energidex. « Ce produit contient du glucose concentré ainsi que du sorbitol, qui a un effet laxatif. Le veau se lève rapidement », précise Gérard Thiriet. Pour les garder au chaud, les éleveurs enveloppent ces veaux dans des vestes sans manches. « Nous avons réussi à sauver un veau prématuré de 7 semaines. Il pesait 19 kg à la naissance. Pendant les premiers jours, il fallait lui donner à boire un litre de lait toutes les huit heures », relatent les éleveurs. Trois semaines plus tard, le veau, certes petit, est en bonne santé.
Un soin rigoureux du nombril pour limiter les infections
Une fois le colostrum distribué, les éleveurs passent au soin du nombril. Ils vérifient d’abord le cordon ombilical, et arrachent l’artère et le canal de l’ouraque si ceux-ci ne se sont pas rompus hors du ventre. « Il faut bien tenir : j’utilise une pince, ou j’enroule le cordon autour de mes doigts, puis je tire », décrit Jacques Ernwein. « L’objectif est de couper le plus haut possible dans le ventre pour que le cordon ne puisse pas servir de "porte d’entrée" aux microbes », complète Gérard Thiriet.
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Ensuite, les éleveurs massent le nombril pour le vider de tout caillot et autres matières, et coupent la peau à trois centimètres. Une fois vidé et coupé, le nombril sèche mieux, ce qui limite le risque d’infection, en particulier pour les mâles qui urinent dessus sinon. « Nous attendons un jour avant de désinfecter le nombril, car à la naissance les vaches ont tendance à lécher abondamment le produit jusqu’à le retirer entièrement », remarque Anne Ernwein.
Une vaccination ajustée suivant la météo
Durant les semaines suivantes, les éleveurs surveillent l’état des nombrils et traitent les infections si elles surviennent. « Les veaux nés par les postérieurs sont plus à risque, car souvent le cordon ne s’arrache pas au bon endroit, rendant la désinfection délicate. Les veaux nés prématurés ou nés par césarienne sont également plus sensibles aux infections, insiste Gérard Thiriet. Aujourd’hui, le progrès génétique a permis de réduire la fréquence des infections, notamment en sélectionnant des cordons plus fins, qui s’arrachent mieux. »
Quelques jours après la naissance, les veaux se voient administrer un vaccin respiratoire intranasal. « Nous les vaccinons par groupe. Quand il fait beau, la vaccination peut arriver vers 15 jours de vie, même si le fabricant préconise de la réaliser à dix jours. Si le temps est humide, nous vaccinons plus tôt pour ne pas prendre de risque », illustre Anne Ernwein. Entre la vaccination et un bâtiment bien ventilé, les éleveurs ne recensent pas de problèmes respiratoires. Selon eux, la prévention joue le rôle d’une assurance : « Le coût des vaccins et des sachets de colostrum correspond à peu près aux coûts vétérinaires et d’antibiotiques que nous aurions sinon. Le gain se fait sur les performances à l’échelle du troupeau », estime l’éleveuse.
« Nous appliquons la marche en avant dans les bâtiments »

- « L’allotement des vaches dans les bâtiments en aire paillée suit le principe de la marche en avant », indique Jacques Ernwein. Les gestantes sont regroupées par lots de 16, avec 14 à 15 m² par vache. « Nous les laissons vêler au sein du groupe pour ne pas les perturber, les vêlages se passent mieux », précise l’éleveur.
- Après la naissance, elles sont placées en box de vêlage avec leur veau. Une passerelle stocke la paille au-dessus des cases. « Ainsi, nous pouvons facilement repailler entre chaque vêlage, afin que les box soient toujours propres et prêts à accueillir le veau suivant. » Pour chaque couple mère-veau, il utilise 12,5 kg de paille pour un box de 12 m².
- Quelques jours plus tard, le couple rejoint les mères et veaux d’un âge proche dans une autre partie du bâtiment aménagée avec des box à veaux. « Nous faisons attention à ne pas mettre les nouveau-nés avec des veaux d’un mois », soulignent les éleveurs. Le box libéré est repaillé.
Des vaches gestantes bien préparées
La qualité du fourrage distribué aux gestantes constitue un point d’attention au Gaec Ernwein pour assurer la facilité des vêlages, la santé du veau et la qualité de la lactation. « La capacité d’ingestion des vaches diminue avec l’avancée de la gestation, elles ont donc besoin d’une alimentation de qualité », affirme Jacques Ernwein. « Toutes les vaches ont une note d’état corporelle de 4, quel que soit leur stade de gestation ou de lactation. Les maintenir toujours en état consomme moins d’énergie que de « faire le yoyo » », insiste le vétérinaire Gérard Thiriet. Accompagnés d’un nutritionniste, les éleveurs ajustent une à deux fois par an la ration unique du troupeau sur la base des analyses des fourrages. « Quand nous formulons la ration, nous raisonnons presque comme un éleveur laitier », relève Jacques Ernwein. Celle-ci s’organise sur une base d’ensilage d’herbe et de luzerne (13,5 kg MS par vache), d’ensilage de maïs (1,8 kg MS), et de pulpe de betteraves cultivées sur l’exploitation (2,5 kg MS). Ils n’achètent aucun complément azoté. « Quand il y a moins de fourrage, on préfère garder moins de vaches pour conserver notre autonomie alimentaire », indique l’éleveur.
Six semaines avant le vêlage, les vaches reçoivent également un complément minéral et vitaminique, ainsi que 100 mg de sélénium. « Au bâtiment, nous le distribuons à l’arrosoir dans la ration. Au pâturage, il est versé chaque semaine dans l’abreuvoir ».