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Plantes NBT : l’Anses démonte les critères proposés par la Commission

L’Anses estime dans un avis que les critères proposés par la Commission européenne pour distinguer les plantes issues de nouvelles techniques de sélection génomique (NBT ou NGT) sont « sans signification ou justification biologique ».

Laboratoire de biotechnologies végétales de céréales à paille
© Nicole Ouvrard

Alors que la commission de l’environnement du Parlement européen doit se prononcer le 11 janvier sur la proposition de règlementation des plantes issues des nouvelles techniques de sélection génomique (NBT) un avis de l’Anses critique sévèrement les critères proposés par la Commission européenne pour distinguer les différentes catégories de plantes NBT (ou NGT en anglais pour New genomic techniques).

Dans un avis publié le 21, l’autorité sanitaire française considère en effet que les critères proposés par la Commission en vue de distinguer les différentes catégories de plantes issues de nouvelles techniques de sélection génomique (NBT) ont été décidés « sans signification ou justification biologique ».

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L’Anses s’est autosaisie du sujet des NBT

Depuis l’encadrement européen des OGM en 2001, de nouvelles techniques de modification génétique des plantes sont apparues, dites nouvelles techniques génomiques (NBT ou NGT), rappelle l’Anses. Le 5 juillet 2023, la Commission européenne a proposé un règlement visant à distinguer certaines plantes NTG de la législation européenne sur les OGM (directive 2001/18/CE), qui pourraient être considérées comme équivalentes à des plantes obtenues par des techniques conventionnelles.

Pour éclairer les discussions sur l’évolution du cadre réglementaire, l’Anses s’est autosaisie afin d’analyser les critères définissant ces plantes NGT de catégorie 1, qui ont été proposés par la Commission européenne. 

Lire aussi : Règlement sur les NBT : pas d’accord entre les États membres

Que prévoit la proposition de règlement de la Commission européenne ?

Parmi les plantes NBT relevant de son champ d’application, deux catégories sont distinguées. 

Les plantes de catégorie 1, mentionnées comme pouvant être équivalentes à des plantes obtenues naturellement ou par sélection conventionnelle, sont définies par des critères d’équivalence aux plantes conventionnelles énoncés en annexe I de la proposition de règlement. Dès lors que leur statut de catégorie 1 serait établi, ces plantes ne seraient plus soumises à toute la législation de l’UE sur les OGM. 

A contrario, les plantes NTG qui ne sont pas de catégorie 1 sont de catégorie 2 et resteraient largement soumises à la législation OGM, dans la limite de dispositions et dérogations spécifiques.

Critères définis par Bruxelles pour la catégorie I des plantes NBT

Selon la proposition de Bruxelles, un végétal NBT est considéré comme équivalent à un végétal conventionnel lorsqu’il diffère du végétal récepteur/parental d’un maximum de 20 modifications génétiques des types visés aux points 1 à 5, dans toute séquence d’ADN partageant une similarité de séquence avec le site ciblé qui peut être prédite au moyen d’outils bio-informatiques.

  1. substitution ou insertion de 20 nucléotides au maximum ;

  2. délétion de tout nombre de nucléotides ;

  3. à condition que la modification génétique n’interrompe pas un gène endogène :

    1. insertion ciblée d’une séquence d’ADN contiguë existant dans le pool génétique de l’obtenteur ;

    2. substitution ciblée d’une séquence d’ADN contiguë existant dans le pool génétique de l’obtenteur à une séquence d’ADN endogène ;

  4. inversion ciblée d’une séquence de tout nombre de nucléotides ;

  5. toute autre modification ciblée de toute taille, à condition que les séquences d’ADN qui en résultent soient déjà présentes [éventuellement avec les modifications acceptées conformément aux points (1) et/ou (2)] dans une espèce du pool génétique des obtenteurs.

Lire aussi : NBT : six critères pour évaluer les risques des nouvelles techniques de sélection génomique proposés par l’Efsa

L’Anses critique les seuils définis par la Commission européenne

Or l’Anses considère dans son avis que « les seuils à ne pas dépasser, fixés à un nombre de 20 modifications génétiques par plante, au site ciblé et aux séquences similaires, et à une taille de 20 nucléotides pour les insertions et les substitutions, ne sont pas justifiés. Pas plus que l’acceptation de toute délétion et de toute inversion sans conditions, ou, dans une moindre mesure, d’une cisgenèse ciblée sans conditions d’orthologie sur la cible ». « L’absence de considération des modifications potentielles hors des sites ciblés et des séquences similaires (à l’exception des éléments transgéniques, de par la définition du végétal NBT) n’est pas justifiée non plus », souligne l’Anses.

Absence de définition d'un végétal conventionnel

L’Anses souligne aussi l’absence de définition de ce qu’est une végétal conventionnel dans la proposition de règlement de la Commission européenne, et appelle à clarifier les définitions de plusieurs termes, comme la notion de « site ciblé » - la spécificité des NBT étant d’agir avec une grande précision sur le génome - ou encore les notions de « matériel génétique » ou « pool génétique des obtenteurs » qui constituent les outils des acteurs de la sélection de nouvelles variétés. 
 

Quelles recommandations de l’Anses pour distinguer les NBT ?

Dans son avis, l’Anses incite, pour la catégorie 1, à envisager des seuils de modifications génétiques qui soient fonction des tailles des génomes de chaque plante, ce qui a notamment son importance pour les plantes polyploïdes, c’est-à-dire ayant plus qu’une paire de chromosomes.
 

L’intragenèse doit bien être exclue de la catégorie I selon l’Anses

En revanche, dans son avis, l’Anses considère que l’exclusion des plantes obtenues par intragenèse (sous-ensemble de la cisgenèse qui consiste à insérer dans le génome une copie réarrangée du matériel génétique composé de deux ou plusieurs séquences d’ADN déjà présentes dans le pool génétique des obtenteurs de la catégorie 1 des plantes NBT) est justifiée. 

« En effet, les réarrangements entre différentes séquences du pool génétique de l’obtenteur caractéristiques des séquences intragéniques ne pourraient apparaître naturellement ou être obtenues par des techniques conventionnelles », souligne l’Anses. L’Anses estime qu’un critère conduisant les plantes intragéniques à être exemptées des exigences de la législation OGM ne serait pas justifiable.
 

Un avis salué par Christophe Clergeau, député PS

« L’analyse de l’Anses est limpide : la distinction proposée par la Commission européenne n’a aucune base scientifique ! Distinguer deux catégories sur la base du nombre de modifications apportées au génome n’a aucun sens, ce sont les conséquences des modifications génétiques qu’il convient d’étudier pour juger de l’innocuité d’une plante issue des nouvelles techniques génétiques », commente Christophe Clergeau, député européen socialiste en charge des dossiers agricoles et environnementaux.

Cet avis est un coup de tonnerre dont toutes les parties prenantes et en premier lieu la Commission et le gouvernement français doivent tenir compte

« Cet avis est un coup de tonnerre dont toutes les parties prenantes et en premier lieu la Commission et le gouvernement français doivent tenir compte mais aussi mes collèges parlementaires », écrit le député qui appelle à remettre le texte à plat. Et de se demander pourquoi Marc Fesneau n’a pas consulté l’Anses « avant d’apporter le soutien de la France à ce texte bancal ». 

Lire aussi : NBT : Marc Fesneau veut que l’Europe accélère sur le sujet

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