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Produire des agneaux toute l’année en agriculture biologique

En Côte-d’Or, Vincent Bizouard élève ses agneaux bio en tirant parti du pâturage et avec une ration optimisée en protéines. Ses objectifs sont avant tout d’atteindre l’autonomie alimentaire tout en étant performant et en limitant le temps de travail.

Vincent Bizouard est installé en Côte-d’Or sur les communes de Châtellenot et Arconcey. En 2014 il a repris 50 hectares suite à la scission d’un Gaec précédent. Double actif à temps plein, il conserve la moitié de la surface agricole utilisée en céréales de vente certifiées en AB et l’autre moitié en herbe où il accueille des vaches. « En 2018 je me suis décidé, mon projet sera 100 % ovins avec production à contre-saison et valorisation en AB en réduisant progressivement mon travail à l’extérieur », explique Vincent Bizouard.

L’exploitation compte 25 parcelles dont les deux tiers sont occupés par des prairies permanentes. L’orge de printemps (2,7 ha) et le méteil (14,4 ha) sont réservés à l’alimentation des animaux. La culture de méteil a permis d’améliorer l’autonomie protéique de l’exploitation. « Par rapport à une production d’agneau calée sur la pousse de l’herbe, la recherche d’autonomie doit être davantage poussée. Dans mon cas, les périodes d’agnelage ont évolué et je les ai réduites à 3 :décembre, mars et juillet. » Sur la campagne 2021-2022, la gestion rigoureuse de la reproduction a permis d’assurer un taux de mise bas de 92 % avec une prolificité de 189 % sur l’ensemble des lots, soit 390 agneaux produits dont 50 agnelles ont été conservées pour le renouvellement.

Du méteil grain pour l'alimentation des agneaux

Lire aussi : « Avec moins de brebis, on produit toujours autant d’agneaux »

Avec une production d’agneaux toute l’année, l’éleveur est obligé d’apporter une complémentation en finition. À son installation, Vincent a opté pour l’achat d’aliment complet avec de la paille. Soucieux de réduire sa dépendance aux achats extérieurs et de valoriser au maximum les ressources disponibles sur son exploitation, il a fait évoluer son système d’alimentation. Il a intégré du méteil autoproduit dans un mélange fermier et a passé un contrat pour de la luzerne déshydratée produite localement à la coopérative de Baigneux-les-Juifs (Côte-d’Or).

« Le mélange méteil-orge que j’utilise, est proche de 1 unité fourragère, mais il est insuffisamment riche en protéines pour être utilisé en tant que tel par les agneaux », explique l’éleveur. C’est pourquoi il est complété avec un apport de luzerne déshydratée (15 % du mélange) et de complémentaire azoté du commerce (15 % du mélange). La luzerne déshydratée ne permet pas de corriger seule le mélange, mais a l’avantage de remonter le taux de calcium de la ration, donc de limiter les cas de gravelle et les dépôts de gras.

Des agneaux vendus à point nommé toute l’année

Lire aussi : « Une exploitation ovine autonome avec peu d’astreinte »

Pour diminuer encore son coût de ration, il a passé un contrat avec un céréalier pour acheter la deuxième coupe de foin de luzerne. « Le céréalier bénéficie de l’aide aux légumineuses et moi je récupère un super fourrage pour engraisser mes agneaux, c’est gagnant-gagnant », précise Vincent Bizouard. L’objectif est de supprimer les achats de luzerne déshydratée relativement chère au regard de son apport dans les rations.

L’éleveur commercialise des agneaux toute l’année. Les trois quarts des agneaux sont vendus via la coopérative Sicarev Coop en AB à 19,6 kg de carcasse et en moyenne à 116 jours. En plus, il réalise de la vente directe auprès de magasins AB et de particuliers sous forme de colis et de saucisses/merguez.

« À partir de 35 kg vif environ, je pèse et je palpe mes agneaux tous les 15 jours. J’assure le tri des agneaux. » La pesée est effectuée en bergerie, les cases les plus proches du parc de contention sont destinées aux agneaux en fin de finition. « Le suivi est fait avec Ovitel, je peux visualiser le gain moyen quotidien de mes agneaux et valider la qualité des rations », précise-t-il. Sur la campagne 2021-2022, 85 % des agneaux vendus à la coopérative ont été classés R3.

Maximiser la période de pâturage

Lire aussi : Faire pâturer brebis et agneaux en toutes saisons

L’éleveur souhaite optimiser la période de pâturage et minimiser la présence des brebis en bergerie. Elles disposent d’auges au pré et de poudres en libre-service pour la préparation à l’agnelage. Elles sont rentrées et tondues 3 semaines minimum avant agnelage. En fin de gestation et début de lactation, elles reçoivent du foin de pré de bonne qualité complété avec du méteil, de la luzerne déshydratée, un complémentaire azoté et un complémentaire minéral vitaminé. En 2021-2022, l’arrivée de l’enrubannage de trèfle violet rationné en début de lactation a permis de supprimer la luzerne déshydratée et réduire le complémentaire.

Au printemps, les brebis et agneaux sortent à l’herbe. Au sevrage à 100 jours environ, les agneaux sont rentrés en bergerie pour être finis.

À terme, Vincent Bizouard souhaiterait pratiquer un pâturage tournant au printemps sur les 42 hectares de prairies naturelles à proximité de la bergerie pour maximiser les performances animales et réaliser plus de stocks de sécurité. Lors de la rencontre technique régionale ovine sur cette ferme organisée dans le cadre de Cap Protéines et Inn’Ovin, un atelier a permis de lui proposer un circuit de pâturage adapté à son parcellaire, aux besoins des lots de brebis à nourrir au cours de l’année en fonction de la qualité de l’herbe via l’outil Happygrass. Avec la reprise de foncier, l’éleveur ne s’interdit pas d’implanter ses propres prairies temporaires avec du trèfle. Le semis sous couvert de céréales est une option qu’il envisage. La première coupe serait broyée car il ne souhaite pas faire d’enrubannage. 

Travailler dans de bonnes conditions

Lire aussi : Un système ovin économique en argent et en temps de travail

Dès son installation, Vincent a souhaité travailler dans des conditions optimales. « Il faut s’enlever de la tête que le mouton se fait dans des écuries avec des palettes et deux bouts de ficelle ».

Son investissement de 104 000 euros est raisonné et mûrement réfléchi pour être optimisé toute l’année, avec une surface utile pour les animaux de 1,7 m² par couple mère-agneaux. Des cornadis équipent l’ensemble des cases. Dans le bâtiment comme au pâturage, le circuit des animaux est réfléchi pour limiter le travail. Les brebis pâturent de plus en plus près du bâtiment avec l’avancée de la gestation et les agneaux tournent dans le bâtiment pour terminer leur parcours à côté du parc de tri et de pesée en finition.

Aurore Gérard, chambre d’agriculture de Côte-d’Or

Une économie de 8 euros par agneau et 5 euros par brebis

Produire des agneaux bien finis, à contre-saison et à moindre coût est un défi à relever surtout en agriculture bio. C’est un pari en partie réussi pour Vincent Bizouard qui sort des agneaux de 19,6 kg carcasse en moyenne classés à 85 % en R3, seulement 5 % en O, à 116 jours de moyenne. Entre un aliment complet et un mélange méteil + orge + foin de légumineuses, on peut espérer une économie de 8 €/agneau. C’est 2 500 € environ en plus sur le produit pour 300 agneaux. Il faut toutefois compter un allongement de la durée de finition et des consommations de fourrage supérieures (trois fois plus importantes).

Lire aussi : Pâturer en toute saison pour réduire le concentré

À ces économies sur les agneaux, s’ajoute un gain de l’ordre de 5 €/brebis sur les rations des mères grâce au méteil (estimation Inosys Réseaux d’élevage). Après seulement 5 campagnes en ovins, il est sur la bonne voie pour atteindre son objectif : concilier temps de travail, autonomie alimentaire et performances économiques.

CHIFFRES CLÉS

94 ha dont 2/3 en herbe

Chargement : 0,9 UGB/ha SFP

250 brebis Île-de-France et F1 Grivette*Île-de-France

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