Les brebis laitières sont productrices nettes de protéines
L’élevage de ruminants est souvent pointé du doigt car incriminé de détourner des produits agricoles qui pourraient être utilisés pour l’alimentation humaine. Une étude a été conduite pour voir plus clair et en ovin lait, les résultats sont sans appel.
L’élevage de ruminants est souvent pointé du doigt car incriminé de détourner des produits agricoles qui pourraient être utilisés pour l’alimentation humaine. Une étude a été conduite pour voir plus clair et en ovin lait, les résultats sont sans appel.
L’élevage de ruminants est souvent accusé de détourner des denrées alimentaires qui seraient consommables par l’Homme. Des chiffres variés sont communiqués sur le sujet, et il faudrait entre 7 et 8 kg de protéines végétales pour faire 1 kg de protéines animales en sortie. Pourtant, la FAO atteste que 86 % de la ration des animaux d’élevage n’est pas consommable par l’Homme. Alors qu’en est-il vraiment du côté des brebis laitières ?
C’est ce que Eradal, un projet Casdar, a étudié entre 2017 et 2021. L’objectif était de calculer, dans les filières de ruminants laitiers, l’efficience de conversion des protéines par les animaux, c’est-à-dire le rapport entre ce qu’ils produisent et ce qu’ils ont consommé, à l’échelle de l’année. Pour les brebis laitières et pour un élevage moyen français, on obtient 7,8 kg de protéines végétales consommées par les animaux pour produire 1 kg de protéines animales consommables par les humains (lait et viande).
Cependant, nous ne sommes pas capables de valoriser l’herbe que broutent les brebis au pâturage, ni ne consommons les pulpes de betteraves surpressées ou les drèches de blé, et sommes encore moins friands de l’ensilage. Alors, si l’on prend en compte la part réellement consommable par l’Homme de la ration des brebis laitières en France, celles-ci ne consomment en fait que 11 % de protéines végétales que nous aurions pu consommer nous-mêmes.
Pour aller plus loin, l’efficience protéique nette ou EPN (part consommable des protéines prises en compte dans le calcul) des élevages ovins lait est de 1,2, c’est-à-dire qu’avec 1 kg de protéines végétales consommables par l’Homme et consommées par les brebis, elles produisent 1,2 kg de protéines dans leur lait et la viande. Autrement dit, il faut environ 800 g protéines végétales consommables par l’Homme pour produire 1 kg de protéines animales. Ces résultats positifs s’expliquent notamment par la grande proportion de fourrages et donc la forte valorisation de l’herbe dans les systèmes d’alimentation des troupeaux ovins laitiers français.
Cette EPN est équivalente chez les chèvres laitières (1,1) et supérieure chez les vaches laitières (1,9).
Les leviers pour améliorer l’EPN en élevage sont la part d’aliments de la ration consommables par l’Homme, mais aussi la quantité et la qualité du lait produit (taux protéique du lait). Ainsi, à même niveau de production, on privilégiera alors l’utilisation de coproduits issus de l’industrie et des fourrages de bonne valeur nutritionnelle, tous deux ne comportant pas de protéines en compétition avec l’alimentation humaine.
Cette question de la compétition peut également se poser à l’échelle des surfaces. En effet, les surfaces utilisées pour nourrir les ruminants ne seraient-elles pas mieux valorisées pour nourrir directement l’Homme ? Le projet s’est proposé d’entamer une réflexion sur ce sujet. Cela revient à l’échelle d’une exploitation à quantifier les surfaces utilisées pour produire l’alimentation des animaux (autoproduite et achetée), puis à en déterminer la part arable, c’est-à-dire la proportion des surfaces où l’on pourrait cultiver des végétaux directement à destination de l’alimentation humaine. Il faut ensuite imaginer une rotation adaptée à l’alimentation humaine et durable dans le temps. On peut enfin calculer le rapport de la quantité de protéines végétales potentiellement produites par ces seules surfaces arables sur celles actuellement produites par les animaux sur la surface totale (exploitation et aliments achetés). Les résultats, encore partiels, montrent une grande variabilité selon les hypothèses de rotation et des rendements affectés.
Une première interprétation de ces résultats sera bientôt proposée, tout en gardant en tête que s’il n’y a plus d’élevages en France mais seulement des cultures à destination de l’Homme, se posera alors la question de la valorisation des coproduits de l’élevage et de la gestion des espaces de type landes, estives ou parcours, importantes dans les systèmes ovins laitiers.