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"Notre système naisseur-engraisseur de limousines est totalement autonome en protéines "

Au Gaec NG Blanc dans le Tarn, la luzerne est cultivée dans l’objectif de produire un véritable concentré de protéines. Les céréales sont utilisées avec parcimonie et réservées aux seules catégories à fort besoin.

« Pour l’alimentation de nos limousines, on achète juste des minéraux et du maïs grain dans la mesure où LEUR culture est trop aléatoire sur des terres non irriguées. Le maïs diversifie les sources d’amidon dans le mash fibreux à base de foin de luzerne que nous utilisons pour complémenter les veaux et finir les vaches de réforme », explique Guillaume Blanc, installé en Gaec avec Nicolas, son frère et Michel, son père à Cahuzac-sur-Vère à quelques kilomètres au nord-ouest d’Albi dans le Tarn.

Un territoire vallonné, essentiellement occupé par les cultures et entrecoupé de quelques bosquets. En cette fin octobre, l’été s’éternise. La chaleur dure depuis fin mai et il n’a pas encore véritablement plu. Dans ces conditions, faire pousser de l’herbe devient aléatoire. « Pour des prairies à faire pâturer, on a tout essayé, mais elles ne tiennent pas. La chaleur et le soleil finissent par tout faire disparaître. D’ailleurs chez nous, la part de l’herbe pâturée est modeste. Notre cheptel est essentiellement alimenté de fourrages récoltés. »

Valoriser ce qui ne peut être vendu

Sur cette exploitation à dominante céréalière, ce n’est qu’en 2018 que le cheptel limousin a commencé à être mis en place. Une création de troupeau analysée comme complémentaire des cultures pour l’utilisation de sous-produits, sans occulter le volet agronomique et le précieux fumier. Les bovins valorisent des foins de luzerne de second choix (présence de ray-grass ou de folle avoine), des foins de graminées issus d’achat d’herbe sur pied, des résidus de tri de protéagineux auxquelles s’ajoutent d’importantes disponibilités en paille.

« On a commencé par acheter 27 vaches et depuis on augmente d’une dizaine chaque année. Actuellement on en a 63, et l’objectif est de passer à 90 d’ici deux ans », explique Guillaume Blanc, le plus jeune des trois associés, passionné de génétique limousine et particulièrement en charge du cheptel. « On cherche d’abord de bonnes mères avec du lait pour avoir des veaux qui poussent en limitant les frais », précise ce dernier.

« Une vache doit s’entretenir uniquement avec des fourrages. Ce n’est pas parce que l’on produit des céréales qu’il faut leur en donner ! Seules certaines catégories y ont droit et le moins possible. Les céréales c’est valable pour la finition à condition d’en limiter les quantités. Les céréales, c’est d’abord fait pour être vendu ! », ajoute son père.

Foin tout au long de l’été

La part de l’herbe pâturée est limitée. « Chez nous, les vaches mangent des fourrages secs ou enrubannés pratiquement 330 jours par an. Les veaux sont sevrés avant la mise à l’herbe » et à partir du printemps jusqu’aux semaines précédant la mise bas les vaches sont sur des parcours à l’ombre de taillis de chênes où elles se nourrissent essentiellement de foin en permanence disponible dans des râteliers. Il s’agit souvent de seconde coupe de ray-grass ou d’un foin de prairie acheté sur pied.

En fin de gestation, la ration des vaches exprimée en kilo de MS est de 7,6 kg de foin de trèfle violet, 2,6 kg de foin de pré, 2,5 kg de RGI enrubanné et des CMV. « On est très attentifs à la préparation minérale avant vêlage. Même si les veaux sont parfois lourds à la naissance, ils sont suffisamment toniques pour aller téter seuls." Tout au long de la lactation, ces quantités passent à 5,5 kg de foin de luzerne de première coupe, 5 kg de RGI enrubanné, du foin de pré à volonté et toujours des compléments minéraux et vitaminiques (CMV). Et toujours zéro concentré, hormis pour les génisses. Il en sera ainsi jusqu’au sevrage des veaux.

Mash fibreux à base de luzerne

Ces derniers commencent à être complémentés à compter du 15 novembre. Ils ont un mash fibreux fait maison, également utilisé pour engraisser les réformes, qui titre entre 17 et 18 % de matière azotée totale (MAT). Il se compose de 40 % de foin de luzerne, 30 % d’une association de protéagineux, 15 % d’orge, 15 % de maïs grain, des minéraux, de l’argile et du bicarbonate. « On met deux céréales pour diversifier les sources d’amidon. Ce mélange nous revenait à 190 euros la tonne l’an dernier. Pour 2022, on n’a pas encore chiffré », précise Guillaume Blanc.

Le foin de luzerne fait partie des meilleures bottes, généralement une troisième coupe. « Je le mets dans le bol mélangeur et le laisse tourner une heure pour bien couper les tiges, puis je rajoute les autres composants." Stocké à plat sur une dalle en béton, le mash est repris au godet et distribué dans les auges le long des boxs à veaux. La quantité est de 2 kg/tête/jour jusqu’à trois mois, puis 3 kg. À 4 mois, les veaux sont triés selon leur sexe. Les femelles restent à 3 kg/tête/jour. La complémentation des mâles monte à 4 kg mais ne va pas au-delà. Les derniers chiffres du contrôle de performance font état de 1,31 kg de GMQ entre la naissance et le sevrage pour les mâles et 1,2 kg sur les femelles soit une bonne moyenne si on prend en référence les autres élevages limousins tarnais en contrôle de performance.

Écarts de tri de semence

L’association féverole vesce utilisée a remplacé le colza dans l’assolement. À une époque, ce mélange incluait également du pois. « On a arrêté le pois. Il y avait trop d’écart de maturité au moment de la récolte. Les évolutions du climat ne lui sont pas favorables et puis les palombes nous mangeaient tout. Le mélange vesce féverole est mieux adapté. Les féveroles font office de tuteur pour la vesce. C’est juste compliqué à semer car il faut mettre les graines à deux niveaux de profondeur différents. On fait donc deux passages (semoir à céréales pour la vesce et semoir monograine pour la féverole). C’est forcément davantage de temps à y consacrer. »

Le premier objectif de cette association n’est pas de nourrir le cheptel mais de vendre des semences de ces deux plantes à des éleveurs ovins de la zone de Roquefort qui les utilisent pour produire des méteils destinés à leurs brebis. Ce mélange est donc soigneusement trié après récolte pour séparer les graines des deux plantes et ce sont tous les écarts de tri et les graines trop petites ou de mauvaise qualité qui sont incorporés dans le mash. « Avec cette culture, notre premier objectif c’est de vendre de la semence, laquelle est correctement valorisée même si on passe du temps derrière le séparateur qui trie les graines. »

"On cultive la luzerne pour en faire un concentré"

Au Gaec NG Blanc, une partie des parcelles se prêtent bien à la luzerne.

« Les sols sont franchement calcaires avec des pH entre 8 et 9. On sème les luzernes (variété méditerranéenne à tige fine et très feuillue) en fin d’été derrière une céréale », explique Michel Blanc. La luzerne est désherbée au cours de l’automne qui suit le semis avec ensuite souvent un passage de glyphosate en hiver quand la plante est en dormance. La première fauche a lieu peu avant la première fleur, le plus souvent mi-avril puis environ tous les quarante jours. Dans la mesure où ces luzernes restent en place seulement deux ans, le fait de les laisser monter à fleur pour reconstituer leurs réserves n’est pas respecté.

« On fauche le matin puis on fane juste derrière. On andaine le matin avant que la rosée ne disparaisse et on laisse sécher 2 à 3 jours avant de botteler. C’est la feuille qui compte. Dès qu’une luzerne fleurit sa valeur alimentaire dégringole », justifie Michel Blanc. Cette année le rendement est 7,5 tMS/ha en trois coupes contre 11 tMS en cinq coupes l’an dernier. La seconde coupe est cette année à 23 % de MAT. « On a obtenu jusqu’à 24 % de MAT, résultats d’analyse à l’appui ! Le tonnage pour chaque coupe peut paraître faible mais c’est la valeur alimentaire qui compte ! Avec la luzerne notre priorité n’est pas de viser un maximum de tonnes de MS/ha mais c’est avoir un fourrage de toute première qualité. On cultive la luzerne pour en faire un concentré. » Cet objectif est valable avec la plupart des fourrages en partant du principe qu’il est toujours plus facile et surtout moins onéreux de diluer les valeurs alimentaires d’un fourrage de très haute qualité avec de la paille ou un foin ordinaire plutôt que de faire l’inverse.

Un cheptel en progression

Conçue pour 90 vaches, la stabulation libre devrait être totalement occupée d’ici deux ans. Au moment de la mise en place du troupeau la campagne de vêlage se prolongeait jusqu’en mars. L’objectif est désormais que les vêlages aient lieu uniquement du 15 août au 15 novembre. Entre avril et la fin août, l’emploi du temps est presque exclusivement consacré aux cultures. L’objectif est de vendre les broutards en fin d’hiver le jour du sevrage autour de 350 kg. Maigres ou finis, la plupart des animaux sont commercialisés au marché au cadran de Baraqueville, dans l’Aveyron. « Compte tenu des prix de céréales et fourrages, pour que la finition vaille le coup il faudrait que les vaches prennent 1,2 kg/jour. À moins, cela n’a guère d’intérêt », estime Michel Blanc qui préfère simplement fleurir les vaches les plus âgées sans pour autant véritablement les finir.

François Orféo

François Orfeo, de la Maison de l’élevage du Tarn

Quasi-autonomie alimentaire

« Le troupeau valorise des produits qui ne pourraient être vendus (foins de second choix et grains cassés des protéagineux). Côté cultures, la mise en place du cheptel a permis de réduire l’utilisation des engrais azotés (pas d’azote sur les protéagineux, disponibilité en fumier). L’augmentation de la taille du troupeau se fait en quasi-autonomie alimentaire. Pour l’avenir, la simplification du travail est une nécessité pour préparer le départ à la retraite de Michel. Il faudra gagner du temps sur la fabrication et la distribution du mash. »

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