Pâturage hivernal : bien le conduire pour profiter de ses atouts en Bretagne
Faire pâturer les bovins en hiver est un levier pour diminuer les coûts de production. En Bretagne, une cinquantaine d'éleveurs y parviennent une bonne partie de l'hiver malgré la pluviométrie, sans compromettre le rendement annuel de leurs prairies. Bilan de deux années de suivi par la chambre d’agriculture de Bretagne et le Civam Adage 35.
Faire pâturer les bovins en hiver est un levier pour diminuer les coûts de production. En Bretagne, une cinquantaine d'éleveurs y parviennent une bonne partie de l'hiver malgré la pluviométrie, sans compromettre le rendement annuel de leurs prairies. Bilan de deux années de suivi par la chambre d’agriculture de Bretagne et le Civam Adage 35.
Bien que techniquement exigeant, le pâturage hivernal est un moyen de diminuer le coût de production des exploitations, notamment le coût alimentaire. Cette pratique est aussi intéressante pour s’adapter aux modifications du calendrier de pousse de l’herbe dans un contexte de changement climatique. L’enjeu est également de réduire le recours aux stocks fourragers mécanisés, aux correcteurs, à la paille et au carburant, sans impacter la productivité des prairies.
Depuis l’hiver 2023, dans le projet Winter Pât (1) animé depuis deux ans par la chambre d’agriculture de Bretagne et le Civam Adage 35, une cinquantaine d’éleveurs bovins (lait et viande) collectent des données sur leurs pratiques de pâturage hivernal. Ils échangent régulièrement pour améliorer la technique et se rassurer de l’impact sur les prairies, les performances et le bien-être animal. Le projet Winter Pât conduira ainsi à de nouvelles références qui appuieront la diffusion de nouvelles pratiques durables et économiquement viables pour les éleveurs.
Un pâturage modulé selon la météo
Que ressort-il de leurs pratiques ? Ces éleveurs bretons privilégient le pâturage tournant pour les animaux en production avec des temps de séjour par paddock variant de 1 à 7 jours. Entre le 1er novembre et le 28 février sur les deux hivers derniers, en moyenne, les vaches laitières ont pâturé 89 jours (sur 120) malgré des précipitations de 477 mm. Janvier a été le seul mois où le seuil de 20 jours de pâturage mensuel n'a pas été atteint, principalement en raison des conditions climatiques pluvieuses et de l’organisation du travail lors des fêtes de fin d'année. Un lien direct est observé entre les jours de forte pluie et l'arrêt du pâturage après le 1er janvier. Durant les 11 jours de gel, certains éleveurs ont seulement retardé l’heure de sortie des animaux pour attendre le dégel de l’herbe.
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Ces choix visent principalement à préserver les prairies du piétinement et à minimiser les boiteries sur les bovins lorsque les chemins d’accès aux paddocks deviennent impraticables.
Un temps de retour allongé dès l'automne
Les temps de retour sur les paddocks s’allongent au fil de l’hiver, passant de 43 jours en novembre à 74 en février. Ce rythme permet de valoriser chaque jour entre 3,8 et 5,8 kg de matière sèche d’herbe pâturée par vache. Chaque paddock est en moyenne pâturé deux fois durant l’hiver ce qui permet de valoriser sur l’ensemble de la période entre 750 kg et 1 tonne de MS par hectare pâturé dans l’hiver selon les fermes.
Un premier suivi annuel de sept parcelles en Ille-et-Vilaine a permis de comparer les rendements annuels entre paddocks pâturés et non pâturés durant l'hiver 2024. Résultats : 6 tonnes de MS par hectare ont été valorisées sur les paddocks non pâturés, contre 6,3 tonnes sur ceux pâturés en hiver. Concrètement, les éleveurs allongent les temps de retour à l’automne afin d’augmenter le stock sur pied pâturable en début d’hiver.
De bons chemins de pâturage
Le pâturage hivernal va permettre de consommer ces stocks sur pieds ainsi que la pousse d’herbe sur l’hiver, ce qui permet par la suite de mieux gérer la flambée de croissance printanière et de ne pas être débordé par l’herbe. Les deux prochaines années du projet permettront de consolider ces premiers résultats.
Avec une valeur alimentaire moyenne de l’herbe en hiver de 0,9 UFL et 20% de MAT, l'herbe d'hiver peut amener un gain sur le lait ou le GMQ. Pour atteindre cet objectif, un point d’attention est l’investissement dans des chemins qui permettent d’aller chercher la protéine au champ en conditions hivernales. Le pâturage hivernal implique également de trouver ses repères et de faire confiance à la résilience de ses prairies. L’adaptation du temps de présence des animaux au champ ou le maintien des animaux en stabulation sont à envisager en cas de conditions météo dégradées.
À Trévarez, le pâturage équilibre la ration hivernale
Pendant trois hivers, la ferme expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, a fait pâturer en hiver ses vaches laitières croisées bio. Vingt-cinq vaches ont pâturé environ 10 hectares de surface accessible (deux tours de pâturage) à raison de 3 heures par jour pendant 60 jours, en complément d’une ration à l’auge. En comparaison, un lot témoin était exclusivement nourri en bâtiment avec la même ration à base de fourrages conservés (ensilage d’herbe, ensilage de maïs et enrubannage de luzerne) et d’un méteil céréalier.
Les vaches laitières ne sont pas sorties 4 à 7 jours selon les hivers, en raison de la pluviométrie. Le lot pâturant a produit +1,8 kg de lait deux ans sur trois et une année sans lait supplémentaire, le tout sans évolution de TB ni de TP. Les pesées et les notes d’évolution de l’état corporel n’ont montré aucune différence entre le lot pâturant et lot témoin. De plus, l’ingestion de 2 à 3 kg MS d’herbe par les vaches au pâturage, a entraîné une réduction de 1 kg MS d’ingestion à l’auge. Le pâturage a rééquilibré une ration déficitaire en UF et PDI grâce à sa valeur.