Le lait bio doit relever le défi de la production, à peine sorti d'une crise de la consommation
Après des années difficiles, la consommation de produits laitiers bio repart doucement. Mais le nombre de livreurs baisse. Les transformateurs se préparent à consolider leurs débouchés et à conserver leurs approvisionnements laitiers.
Après des années difficiles, la consommation de produits laitiers bio repart doucement. Mais le nombre de livreurs baisse. Les transformateurs se préparent à consolider leurs débouchés et à conserver leurs approvisionnements laitiers.
Après quatre années de baisse de la consommation de produits laitiers biologiques, la sortie de crise s’amorce. Les premiers signes de reprise sont venus des ventes en magasins spécialisés bio : la hausse amorcée en 2024, s'est confirmée en 2025 avec +6 % de chiffre d'affaires des ventes de produits laitiers, dûe essentiellement à des volumes en progression, décrypte le Cniel dans un rapport de conjoncture. Autre signe positif : un ralentissement de la baisse des ventes en grandes et moyennes surfaces (GMS) et même une hausse pour l'ultra-frais. S’y ajoute le déploiement de l'application de la loi Egalim, dont l'objectif est d'amener le bio à hauteur de 20 % des achats de la restauration collective. Cette part de bio, en progression, n'est encore que de 10 % à l'heure actuelle.
Autre signe que les débouchés du bio réaugmentent, le taux de déclassement du lait bio en conventionnel diminue. Durant la crise, beaucoup d’opérateurs n’avaient eu d’autres choix que de déclasser du lait. « Pour continuer à collecter partout en France, nous avons dû le faire jusqu’à 40 % de nos volumes collectés, illustre Maud Cloarec, éleveuse et vice-présidente de Biolait (270 millions de litres collectés). On est revenu à 20 % cette année. »
La chute de la collecte se poursuivra en 2026
Si les signaux de la demande passent au vert, les indicateurs pour la production sont alarmants. Le faible écart (autour de 40 €/1000 l) entre le prix du lait bio et le prix du lait conventionnel payé aux producteurs est insuffisant pour couvrir des coûts de production plus importants en bio qu'en conventionnel. Ce prix du lait bio insuffisant a poussé un certain nombre d’éleveurs à arrêter la production laitière ou à repartir vers le conventionnel.
Avec 1,128 milliard de litres en août 2025, le niveau de collecte de lait bio sur douze mois glissants est retombé à son niveau de 2019 et il devrait encore baisser l’année prochaine. « Les départs en retraite et les déconversions annoncés feront diminuer la production de 150 millions litres en 2026, chiffre Corentin Puvilland, agro-économiste au Cniel. Le bio va repasser sous les 5 % de la collecte nationale. »
Un écart de prix insuffisant
Ainsi, en plus d’avoir dû s'adapter à une baisse de la demande, les collecteurs et transformateurs se mobilisent pour maintenir leur potentiel de production, afin d’être prêts à répondre quand la consommation repartira. Lors d'un colloque sur l’avenir du lait bio, organisée par la Confédération paysanne en octobre, plusieurs acteurs de la filière ont présenté leurs stratégies.
« La coopérative a fait l’effort de maintenir son aide aux jeunes installés, de 40 euros les 1000 litres jusqu’à 350 000 litres », expose en exemple Stéphane Collin, éleveur et administrateur Agrial (132 millions de litres collectés).
Cela étant, pour conserver, voire attirer, de nouveaux producteurs, le nerf de la guerre reste le prix du lait, avec un écart suffisamment motivant entre le bio et le conventionnel. Or, si le prix du lait a augmenté les premiers mois de 2025 (+4 %/2024), les derniers chiffres publiés par FranceAgriMer montrent un écart de 42,30 euros face au prix du lait conventionnel. Sur douze mois glissants, le prix est de 504,30 euros les 1000 litres en bio en 38-32 de TB-TP. Et de 462 euros en lait conventionnel. Ce qui est moins que l'écart observé en juillet 2024 sur douze mois glissants - environ 55 euros les 1000 litres -, et qui se révélait déjà insuffisament motivant pour freiner les déconversions.
Chercher davantage d'aides au bio
Le soutien aux producteurs « peut passer par des paiements pour services environnementaux (PSE) ou un meilleur fléchage des aides PAC vers le bio » suggère Maud Cloarec, qui veut aussi que la filière tire le plein bénéfice des programmes opérationnels. « Cela représente 12 millions sur deux ans pour structurer l’offre et travailler sur la logistique pour maintenir du bio sur tout le territoire. »
Innovations et ancrage territorial
Dans un contexte économique toujours délicat, consolider la reprise de la consommation s'avère un challenge pour les industriels. Ceux-ci travaillent à développer leurs gammes. « Nous avons innové dans de nouvelles références en beurre », cite en exemple Stéphane Collin. De son côté, Olga veut renforcer son partenariat avec Terres de Source, le label qui fédère des producteurs du bassin rennais. « Nous voulons profiter de notre maillage de collecte locale pour proposer aux collectivités des yaourts produits à partir de lait produit et transformé sur leur territoire, dévoile Arnaud Ménard, responsable des filières et des relations agricoles chez Olga (20 millions de litres de lait collectés). Le bio doit aussi mettre en avant son ancrage territorial pour se démarquer. »
Le marché se rééquilibre par une baisse de la production
• La collecte de lait bio a baissé de 15 % en trois ans. Elle n’était plus que de 1,128 milliard de litres en août 2025, soit le niveau de 2019, affirme Corentin Puvilland, agro-économiste au Cniel, lors du colloque sur le lait bio, organisé par la Confédération paysanne en octobre 2025. Fin 2026, l’interprofession prévoit une production autour du milliard de litres, soit le niveau de 2017.
• Avec 3 672 livreurs bio en août 2025, le nombre d'exploitations laitières était à son plus bas niveau depuis 2019. Rien que sur un an, le nombre d’exploitations bio a diminué de 6 %. Cette baisse s’explique par des départs en retraite mais aussi par un nombre important de déconversions, qu’explique un faible écart entre le prix du lait bio et conventionnel. Même si avec la baisse du prix du lait conventionnel, l’écart pourrait se recreuser, le Cniel anticipe une nouvelle accélération des cessations d’activité, essentiellement par déconversions. Sur 2026, dans les prévisions d’arrêt recensées par les laiteries, 80 % seraient dus à des déconversions, alors que ce n’était l’explication que de 50 % des cessations de production bio en 2023-2024.
• La consommation en produits laitiers bio semble repartir. La demande s’était effondrée, vaincue par la forte inflation de 2022. Depuis, le marché s’est restructuré, entre autres par une réduction des références. Rien que pour le fromage, leur nombre a baissé de 40 %. Sur le deuxième semestre 2025, de premiers signaux indiquent un redémarrage de la consommation. La demande en ultra-frais a augmenté de 3 % en GMS (55 % des ventes de produits laitiers bio). Les ventes reprennent des couleurs dans les circuits spécialisés (27 % des ventes), où elles retrouvent un niveau proche de 2019. La part du bio progresse également dans la restauration collective, qui écoule 18 % des produits laitiers bio. Sur tous les produits laitiers consommés en restauration collective, la proportion de produits bio est passée de 8 à 10 % en un an. « Quand la loi Egalim sera pleinement respectée, avec une proportion de 20 % de bio, cela permettra d’écouler 100 millions litres en plus », avance Corentin Puvilland.