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Exportations céréalières sur pays tiers
« Le travail est à refaire chaque année »

Entretien avec François Gâtel, directeur de France Export Céréales (FEC)

Quel bilan tirer de la campagne d’exportation qui s’achève ?

François Gâtel : Le bilan sur pays tiers n’est pas mirobolant. La médiocre performance de 2007/2008 s’explique par une parité euro/dollar pénalisante certes, mais aussi par le manque de fluidité du marché. La qualité a également limité les affaires sur certaines destinations. La filière a commencé à débriefer sur le paradoxe de cette campagne : alors que la situation a été tendue au niveau mondial, la France finira avec un stock de report supérieur à celui de départ.

Comment les pays ayant eu du mal à s’approvisionner vivent-ils cette situation ?

F.G. : Ils ne jugent pas les Français a posteriori. Ils ont vécu et constaté la situation au jour le jour : ils avaient besoin de blé, celui-ci était cher et l’origine française l’était encore plus. Le stock n’est pas la conséquence d’une politique volontariste de gestion du marché mise en place par la France, mais le résultat de la physionomie de la campagne. Ils en sont bien conscients. Ils se demandent en revanche pourquoi notre marchandise était à des prix si élevés. Nous espérons ne pas avoir à revivre un tel scénario.

La réponse de FEC est d’être la voix des agriculteurs. Nous leur assurons que les céréaliers français veulent continuer à produire des volumes et de la qualité, en conservant par exemple des moyens de lutte contre les parasites, les maladies… La suppression de la jachère obligatoire est également une bonne illustration de la volonté européenne de continuer à se positionner parmi les grands fournisseurs du marché mondial.

Vous aviez déjà relayé le ressentiment de nos clients à l’export vis-à-vis de l’essor des biocarburants. Ont-ils toujours cette vision ?

F.G. : Depuis un an, il n’y a pas une rencontre à l’étranger sans que le sujet soit abordé. Nous leur exposons des arguments fondés démontrant que les ambitions françaises en matière de production de biocarburants à partir de blé sont raisonnables et ne pèsent pas sur le marché. Les explications sont reçues, mais la question revient régulièrement.

Cette année difficile n’a-t-elle pas sapé le travail de fidélisation mené par FEC ?

F.G. : L’histoire le dira. De toutes façons, nous ne sommes pas sur des marchés captifs, le travail est à refaire chaque année. Par exemple, l’Egypte, considérée comme cliente privilégiée en tant que destination récurrente, s’avère un débouché irrégulier en termes de volumes. Le Caire a affirmé avoir besoin de la France en tant que fournisseur, mais l’économie garde ses droits. Les Egyptiens achètent au plus offrant, ce qui est compréhensible. Nous enregistrons donc une faible activité sur ce marché cette année, avec seulement 120.000 t vendues au Gasc, l’office national, qui gère l’essentiel des achats actuellement. Notons que 2006/2007 n’était pas fabuleuse non plus, avec 240.000 t expédiées alors que la moyenne sur plusieurs campagnes de nos exportations atteint le million de tonnes. Certaines années, le blé hexagonal est régulièrement compétitif. Quand ce n’est pas le cas, notre rôle est de maintenir une présence française auprès de nos clients. Avec l’Egypte, FEC continue de travailler sur le cahier des charges. Nous avons dû cette année expliquer que, du fait de spécificités de la campagne, notre marchandise ne pouvait pas répondre à tous les points. Nous avons eu à prouver que la qualité intrinsèque était toujours au rendez-vous même si nous ne rentrions pas dans les exigences pour certains critères. Nous avons été entendus. L’Egypte a assoupli son cahier des charges et devrait reconduire ses efforts l’an prochain. Mais la composante prix de marché n’est pas un paramètre maîtrisable…

Le pays semblait cette année demandeur de ventes en délivré, ce qui consiste à acheminer la marchandise sur place pour l’écouler progressivement. Les Français paraissent réticents à ce mode de commercialisation contrairement à certains de leurs concurrents. Qu’en est-il ?

F.G. : Certains intervenants internationaux travaillent déjà parfois en délivré, y compris en louant des capacités de stockage. Pour aller plus loin, la réponse est dans les mains des opérateurs, français comme égyptiens. Il semble y avoir des réticences des deux côtés. Il faut que les esprits mûrissent. Les vendeurs ne sont pas tous prêts aujourd’hui à accepter de supporter les coûts et risques inhérents à ce type de mise en marché. De plus, les ventes en délivré n’ont de raison d’être pour le vendeur que lorsque le marché est orienté à la hausse, or ce n’est plus la tendance actuellement.

Concernant nos productions céréalières, y a-t-il encore des efforts qualitatifs à fournir ?

F.G. : Certains paramètres, qui dépendent des conditions climatiques à la récolte, ne peuvent être maîtrisés, comme l’humidité ou le poids spécifique des grains. Au-delà, il faut essayer de maîtriser les critères que l’on peut orienter, comme pour les blés durs par exemple, la couleur, la moucheture ou le mitadinage. Les études montrent qu’il y a encore des marges de progression, et donc des efforts à fournir, pour se rapprocher des qualités canadiennes, même si nous n’avons pas la prétention que nos blés deviennent identiques au CWAD 1. En blé tendre, il faut maintenir sinon améliorer les teneurs en protéines et gluten, et surveiller la couleur des farines produites avec nos blés.

Existe-t-il encore des marchés à développer ?

F.G. :Nous sommes déjà bien présents sur l’Afrique du Nord, l’Egypte et l’Afrique occidentale. Sur le court terme, nous allons accélérer les actions sur un marché en passe de basculer de la farine au blé : la Libye. Comme d’autres avant lui, le pays s’équipe de moulins. L’enjeu est de vendre du blé à défaut de farine. Notre atout sur cette destination de proximité réside dans le fait que les consommateurs connaissent les farines hexagonales. Nous devons expliquer aux meuniers locaux comment travailler nos blés pour obtenir la même qualité. Il s’agit de sauvegarder leur confiance dans les produits français. Mais, encore une fois, avec les jeux du marché, rien n’est gagné !

Autres zones de prospection sur lesquelles nous continuerons à garder un œil : l’Afrique australe, le Brésil –où nous n’engagerons pas d’importants investissements– et surtout l’Inde. Reste à savoir comment vont évoluer les besoins de cette région de la planète. L’Inde crie à la face du monde qu’elle restera autosuffisante, je n’en suis pas convaincu. Il y a un important travail à mener sur ce marché lointain car les blés français n’y sont pas du tout connus. Dernier marché à potentiel, l’Arabie Saoudite qui dit vouloir renoncer à produire son blé à grand renfort d’eau. Un produit précieux qui pourrait y avoir d’autres usages. Si cet Etat devenait importateur, c’est un débouché de plusieurs millions de tonnes qui s’ouvrirait.

Le chantier est conséquent : nous ne connaissons pas les acteurs du marché, l’organisation du secteur meunier et leurs attentes qualitatives… Bref, tout est à faire sur cette destination !

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