Jaunisse de la betterave : gérer les plantes réservoirs à virus
Les derniers résultats émanant du Plan national de recherche et innovations (PNRI) sur la jaunisse de la betterave mettent en exergue le rôle majeur de certains végétaux comme réservoirs à virus et pucerons, notamment la phacélie. Le point sur les bonnes pratiques pour limiter les risques.
La phacélie est dans le viseur de la filière betterave. Plante de couvert d’interculture, elle fait partie des quelques végétaux hébergeant en quantité le puceron Myzus persicae, principal vecteur des virus de la jaunisse sur la betterave. « Elle est en outre un réservoir de deux des quatre virus pouvant causer la jaunisse », précisait Jean-Christophe Simon, chercheur de l’Inrae de Rennes, lors de la journée de restitution du PNRI sur la jaunisse le 4 juillet 2024 à Paris. Des organismes tels que des coopératives déconseillent le recours à la phacélie comme culture intermédiaire dans les secteurs à betterave. Des planteurs ne veulent plus entendre parler de cette plante dans des mélanges de couverts végétaux ou de bandes fleuries. Mais la phacélie présente de multiples intérêts, notamment d’être une plante mellifère favorable à la nutrition des abeilles. « Il peut suffire de gérer cette plante avec une destruction bien réalisée au printemps, éliminant de fait son rôle de réservoir à virus et pucerons », conseille l’ITB.
D’autres cultures intermédiaires ont été mises en avant pour leur impact dans la transmission de jaunisse. Les crucifères (moutarde, colza) sont également des réservoirs majeurs à Myzus persicae. Ces pucerons y abondent et s’y multiplient. Mais les crucifères ne contiennent pas de virus de jaunisse de la betterave. Myzus persicae a été trouvé occasionnellement ou régulièrement (pas en abondance) sur d’autres espèces de cultures intermédiaires ou d’adventices : vingt espèces hôtes sur la trentaine étudiée. Cela confirme la grande diversité de végétaux sur lesquels ce puceron peut passer l’hiver, voire se multiplier avant de passer sur les betteraves au printemps. À noter que les pucerons ne choisissent pas où ils vont mais que les individus ailés sont transportés par le vent et tombent au hasard dans les parcelles.
Par ailleurs, deux autres espèces de pucerons (Aphis fabae et Myzus ascalonicus) transmettent des virus de la jaunisse et trouvent refuges sur plusieurs espèces hôtes de végétaux, mais dans une moindre abondance que Myzus persicae.
Des mesures de prophylaxie en cours de mise en œuvre
La betterave sous ses formes cultivées et sauvages (Beta maritima) est aussi cataloguée comme réservoir à virus et pucerons. Ce n’est pas anodin quand des repousses de betteraves poussent sur les cordons de déterrage en hiver et au printemps. « 11 % de cordons déterrage contenaient des betteraves avec du virus de la jaunisse en 2024, précise Vincent Laudinat, directeur de l’ITB. Cette situation nécessite des mesures prophylactiques pour détruire systématiquement ces repousses, ce qui aurait aussi un intérêt pour le contrôle des contaminations de cercosporiose. De telles mesures sont obligatoires dans certains pays, comme aux Pays Bas, avant les semis de betterave et existent déjà en France sur pomme de terre contre le mildiou. »
Les betteraves porte-graines sont également des réservoirs à virus et pucerons. Dans le Sud-ouest où est produite une bonne proportion de semences de betteraves, il n’y a pas de culture de betterave racine. Tel n’est pas le cas en région Centre-Val de Loire où 550 hectares sont consacrés à la multiplication de semences de betteraves, sur des porte-graines semées en août pour être récoltées en août de l’année suivante. Il n’y a donc jamais d’interruption de cycle de cette culture et des virus qui vont avec, qui se retrouvent immanquablement dans les parcelles de betterave sucrière. « Le réservoir viral est très important dans cette zone et la jaunisse est présente tous les ans avec des betteraves touchées à plus de 50 %, observent Fernand Roques, de la Fnams et Fabienne Maupas, de l’ITB. Nous avons lancé un plan d’action fin 2023 pour bien analyser la situation, mettre en œuvre des mesures de protection renforcée et optimiser le choix d’emplacement des parcelles pour protéger les deux cultures de betteraves qui cohabitent sur ce territoire. » Directeur scientifique agriculture chez Inrae, Christian Huyghe s’interroge sur le maillage des parcelles qui accueillent les deux cultures, sur les distances d’isolement, voire sur la disparition progressive d’une des deux activités.