Blé dur : les surfaces au plus bas fragilisent la filière
Depuis deux ans, surfaces et production sont au plus bas pour le blé dur français, fragilisant de plus en plus la filière et l’approvisionnement des usines françaises. L’interprofession cherche la parade.
Depuis deux ans, surfaces et production sont au plus bas pour le blé dur français, fragilisant de plus en plus la filière et l’approvisionnement des usines françaises. L’interprofession cherche la parade.
Toujours pas de lumière au bout du tunnel pour le blé dur. Qui s’en souvient ? En 2015, alors que les surfaces françaises n’étaient pas encore passées sous les 300 000 hectares, la filière avait dégainé un « plan de relance ». Objectif : stabiliser la production entre 3 et 3,5 millions de tonnes (Mt) à l’horizon 2025. À mi-parcours, les annonces tiennent du vœu pieux. Pour les récoltes 2019 et 2020, les surfaces ont touché un plus bas historique, aux alentours de 250 000 hectares. La production en pâtit, bien évidemment. D’un peu moins de 1,6 Mt en 2019, elle s’est encore rétractée en 2020 à 1,3 Mt, sous l’effet de rendements sapés par la météo.
Ce contexte fragilise un peu plus la filière. « Le marché intérieur utilise entre 600 000 et 650 000 tonnes de blé dur par an, explique Christine Petit, secrétaire générale du Sifpaf, le syndicat des fabricants de pâtes français. Les choses deviennent compliquées en cas d’aléa climatique, avec un travail d’alottement important à réaliser par les organismes collecteurs. Si les surfaces devaient encore baisser, ce serait une vraie inquiétude pour l’approvisionnent français. »
Hausse timide des surfaces françaises prévue pour la récolte 2021
Côté marché, le blé dur aurait de quoi retrouver de l’attractivité auprès des producteurs. Les prix sont sortis de la dépression qui prévalait jusqu’à l’été 2019, et la prime affichée face au blé tendre s’est étoffée, à 75 euros la tonne environ. Au-delà de 50 euros/tonne, elle est censée être favorable au blé dur. Pourtant, les premières projections pour les semis en cours tablent sur une hausse nationale de moins de 10 %.
« Cela fait cinq ans qu’il y a au moins un facteur défavorable dans chaque bassin de production, qu’il s’agisse du prix, du rendement ou de la qualité, à l’exception de la région Centre cette année, rappelle Matthieu Killmayer, animateur de la filière blé dur d’Arvalis. Chaque zone a eu son lot de difficultés. La chute des surfaces en 2019 est l’illustration d’un ras-le-bol technico-économique. Sur une approche pluriannuelle, le blé dur reste intéressant, mais c’est difficile sur les exploitations très fragilisées. »
Des surfaces de blé dur durablement perdues dans le Sud
Pour la récolte 2021, les surfaces dans le Centre sont attendues en progression de 10 %, et la façade atlantique pourrait retrouver sa sole de 2019, voire de 2018. Mais, dans le Sud-Est, la progression risque d’être beaucoup plus timorée. De nombreux hectares ont en effet été perdus au profit du lavandin, des plantes aromatiques ou de la prairie, quand il ne s’agit pas de déprise pure et simple. Dans le Sud-Ouest, la poursuite de l’érosion des surfaces en faveur de l’orge et du blé tendre est même envisagée, en raison de la répétition des mauvaises années.
Pour remonter la pente, l’interprofession tente d’actionner plusieurs leviers. Première piste : la valorisation de la dimension locale de la production, à travers des projets de création d’un Label rouge semoule de Provence, et le lancement de la marque régionale de pâtes De vous à nous par la coopérative Arterris.
La hausse de l’aide couplée, planche de salut ?
Pour Nicolas de Sambucy, président du Comité régional des céréales Paca, ces actions utiles seront toutefois insuffisantes pour regagner les hectares nécessaires dans le Sud. Le responsable professionnel estime que le blé dur a notamment été victime de la convergence des aides, et qu’il faudra retrouver une aide couplée bien supérieure au reliquat actuel pour compenser le faible rendement en zone traditionnelle. « L’enveloppe actuelle de 6,5 millions d’euros pour l’aide couplée blé dur en zone traditionnelle n’est pas à la hauteur, estime l’agriculteur. Il faudra la porter à 30 millions d’euros pour garantir une aide à l’hectare compatible avec la remontée des surfaces. » Le montant minimum nécessaire est évalué à 150 euros/hectare, près de trois fois plus que ce qui est versé actuellement, alors même que les surfaces sont au plus bas.
Encore faudra-t-il pouvoir tenir jusqu’à la nouvelle PAC. Or, selon Nicolas de Sambucy, les jeux pourraient être faits avant. Il plaide donc pour une aide fléchée vers le blé dur dans le cadre du plan de relance, qui comprend un volet sur la structuration des filières. « S’il n’y a pas très rapidement un sursaut de l’État pour aider le blé dur en zone Méditerranée, cette production pourrait tout simplement disparaître. C’est une menace importante pour les ancrages industriels territoriaux. Nous ne voulons pas d’un Bridgestone de la pâte. »
Regain de dynamisme variétal annoncé pour 2021
Pour les sélectionneurs, l’obtention en blé dur relève du militantisme, vu le déclin des surfaces et la chute du taux d’utilisation de semences certifiées. Limagrain et Syngenta ont d’ailleurs arrêté la sélection en France pour poursuivre dans d’autres pays, laissant seuls RAGT et Florimond Desprez poursuivre leur recherche en France. Mais tout n’est pas perdu. « Cinq nouvelles variétés seront proposées pour les semis 2021, dont certaines sont compétitives face au leader actuel Anvergur, qui couvre aujourd’hui près de 60 % des surfaces, explique Matthieu Killmayer, d’Arvalis. On va retrouver du progrès génétique, avec des avancées en termes de potentiel de production et de résistance aux maladies. » Le spécialiste se dit aussi « confiant » quant à l’inscription d’ici deux à trois ans de « variétés intéressantes » au bon comportement face à la mosaïque.