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Elio Riboli, coprésident du Sommet international des fruits et légumes 2008
Titulaire de la chaire fruits, légumes et santé

Coprésident du Sommet international des fruits et légumes EGEA, qui se tenait fin mai à l’Unesco, Elio Riboli, professeur d’épidémiologie du cancer, directeur de la division d’épidémiologie à l’Imperial College de Londres, coordonnateur de l’étude européenne EPIC, revient sur la création du congrès EGEA.

Participant activement aux travaux de l’agence Aprifel depuis sa création et plus particulièrement dans le cadre de sa politique de recherche, Elio Riboli est à l’origine du programme de bourses à la recherche en nutrition en faveur de jeunes chercheurs. Et c’est dans ce cadre que l’idée d’EGEA est née. « Après plusieurs années de travaux au sein de l’agence, s’est développée l’idée de créer une conférence internationale scientifique pour présenter les résultats de la recherche portant spécifiquement sur les effets bénéfiques des fruits et légumes sur la santé. » Aussi, ce congrès est une expérience unique. « Il a permis et permet de rassembler différents experts du monde entier autour d’un même sujet : les fruits et légumes. Contrairement à la majorité des congrès scientifiques dédiés à la nutrition, EGEA a présenté des résultats spécifiques sur les bienfaits des fruits et légumes. Nous avons ainsi eu la possibilité de nous focaliser sur leur représentativité tant sur des données épidémiologiques que nutritionnelles. »

Si à l’origine, EGEA était née pour souligner qu’une consommation élevée de fruits et légumes prévenait l’apparition de certains cancers, le congrès s’est par la suite très vite ouvert aux maladies chroniques de type cardiovasculaires, neurologiques, diabète de type II, et obésité.

« Dans le cadre de programmes de recherches en nutrition, on étudie les consommations alimentaires dans leur ensemble. Généralement, on ne fait pas un projet d’étude uniquement sur les effets santé des fruits et légumes, les recherches portent plutôt sur les différents équilibres alimentaires. Avec EGEA, il nous a été possible de concentrer les présentations de recherche sur les fruits et légumes. » L’idée étant de cumuler les évidences sur les bienfaits santé des fruits et légumes. « Si on prend le cas du cancer de l’œsophage, il est devenu hyper-évident que la consommation de fruits et légumes prévenait ce genre de cancer. »

La France nostalgique de son passé alimentaire

Lors de la première édition d’EGEA, l’étude EPIC (lire encadré "l’Etude EPIC en quelques mots") a montré qu’une augmentation de la consommation de fruits et légumes basée sur un index d’alimentation méditerranéenne, et présentée dans différentes publications ces quatre dernières années, confirmait une diminution des risques de cancer de l’œsophage. « On oublie que pour être en bonne santé, l’eau et les principes sanitaires de base ont fait partie des grandes avancées du siècle dernier. En France, bizarrement, il y a une nostalgie du passé presque pathologique. Les gens ne comprennent pas que, pour passer d’un pays pauvre à un pays riche, il a fallu davantage d’hygiène sanitaire et alimentaire en produits frais. Aujourd’hui, on a une nostalgie d’autrefois, mais le cancer de l’estomac était le cancer le plus répandu au siècle dernier. Or, il a fortement baissé car les pays ont pris des mesures d’hygiène importantes en particulier en améliorant l’offre alimentaire, de par sa fraîcheur et sa conservation. Il faut reconnaître à la filière fruits et légumes l’importance du développement de la qualité, de la conservation et de l’amélioration des transports. On bénéficie aujourd’hui de produits qui sont sains et souligner l’importance des progrès réalisés en agriculture ainsi qu’au profit des produits agroalimentaires. Souvenons-nous que du temps de nos parents, une orange à Milan par exemple était considérée presque comme un médicament, réservée aux privilégiés. Il est donc important de rappeler aux jeunes que ce qu’ils trouvent sur leurs tables et dans leurs assiettes aujourd’hui est lié à un progrès extraordinaire de notre société. » Car, en 100 ans, il est à noter que l’espérance de vie s’est améliorée de 25 à 28 ans en Europe, « c’est extraordinaire et cela a été possible grâce à la disponibilité accrue, entre autres, en produits frais tout particulièrement dans les villes. » Une disponibilité liée aux progrès de la distribution alimentaire, qui a permis de rendre plus abordable les fruits et légumes.

En nutrition, la recherche en double aveugle est impossible

Elio Riboli en profite aussi pour souligner que la plupart des gens sont persuadés que le cancer est un problème de pays riches. « C’est une idée totalement fausse. La différence, c’est que ce ne sont pas les mêmes cancers que l’on décèle selon si l’on est dans un pays en développement ou non. »

Quant à l’Inra qui a rendu son rapport en novembre sur la consommation de fruits et légumes et leurs bienfaits santé, Elio Riboli souligne qu’il a expertisé la partie concernant la relation entre la consommation de fruits et légumes et les cancers.

« Ce rapport était bien construit et confirmait que la consommation de fruits et légumes avait un effet protecteur bien démontré ou probable et pas d’effet négatif sur la santé. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’études où il n’est pas possible de faire de recherches en double aveugle comme dans le cas de médicaments, car il n’existe pas de placébo carotte ! En alimentation, on ne peut qu’observer, il n’est pas possible d’apporter de preuves ultimes. Il manque peut-être dans les conclusions le fait que de consommer peu de fruits et légumes a des effets énormes sur la santé. Si on oublie cette partie et qu’on se focalise sur ce qui fait débat aujourd’hui au sein de la communauté scientifique, c’est-à-dire sur les effets d’une consommation supérieure à 400 g par jour, on passe à côté de ce qui est primordial : le fait qu’une consommation faible a des effets plus que défavorables sur la santé. Il est vrai qu’aujourd’hui, avoir une consommation supérieure est un thème qui reste ouvert à l’échelle scientifique. Certains collègues estiment notamment que si l’on assure un apport raisonnable en fruits et légumes, on a ce dont notre corps a besoin. Mais, on n’est pas sûr en consommant davantage qu’il existe un bénéfice santé supérieur. Mais attention, cela ne veut aucunement dire que c’est mauvais pour la santé ! » (cf. graphique).

Sur cette question, le congrès EGEA, qui a achevé sa cinquième édition, a permis de rapprocher travaux de recherche et politique de santé publique. « Ce n’est pas une position aisée. Aujourd’hui, les scientifiques ont du mal à transmettre le concept de risque aux consommateurs. C’est un véritable cauchemar pour la santé publique. Prenez le cas des pesticides par exemple. Les gens s’inquiètent énormément des résidus de pesticides dans les fruits et légumes, or ils ne se rendent pas compte qu’ils prennent davantage de risques en consommant d’autres aliments. »

Consommer cinq à sept fruits et légumes par jour est bon pour la santé

Car une chose est sûre, consommer peu de fruits et légumes n’est pas bon pour la santé. « Au-delà des données physico-chimiques, on note que les populations qui ont une faible consommation de fruits et légumes ont davantage de risques de développer un diabète, d’avoir un infarctus du myocarde ou encore d’être obèse. » Aussi, il reste notoire que consommer au moins cinq à sept fruits et légumes par jour est bon pour la santé.

Quant à la présence de pesticides, Elio Riboli insiste : « Certains consommateurs ont focalisé sur ces risques, mais n’importe quel élément chimique est présent partout autour de nous. C’est ici que se trouve la difficulté de transmettre le concept de risques aux consommateurs. Je crois que sur ce dossier, il faut se dire que la contamination est généralisée et évidemment relativiser par rapport aux méfaits sur la santé de la consommation de tabac ou d’alcool. »

Pour autant, Elio Riboli reste clair, il ne s’agit pas de médicaliser outre mesure l’alimentation. C’est l’un des points clés à retenir dans le cadre de politiques de santé publique à mener : garder en mémoire qu’avant tout manger reste un plaisir.

Et l’agriculture biologique ? Elio Riboli avance prudemment. « Le bio ne peut être que bénéfique pour la planète, mais on ignore les effets multigénérationnels de ces contaminants chimiques. En Italie, une étude comparant bio et non bio a souligné que les concentrations de contaminants étaient identiques, tout ceci étant lié à la présence de ces éléments chimiques dans le sol. Il faut des décennies pour que ceux-ci se dégradent. Aussi, il s’agit d’une responsabilité collective de la société. Je ne suis pas partisan de trouver des coupables à cette pollution. Il me semble plus utile de trouver des solutions ! La planète est contaminée, on le sait, et c’est le rôle de tout le monde de contribuer à réduire cette contamination. »

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