A l’instar de l’Agence Bio au niveau national, le GAB IdF (Groupement Agriculteurs Biologiques Région Ile-de-France) a tiré la sonnette d’alarme lors d’une conférence de presse à l’Académie du Climat (Paris) le 20 juin : la production bio en Ile-de-France observe un plateau, tant dans le nombre d’exploitations en bio que dans les hectares engagés.
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« La bio observe pour la première fois un plateau. Mais de l’autre côté on a la demande qui se réveille ! », alerte Céline Santos Nunes, directrice générale du GAB IdF.
En réalité la consommation individuelle de bio a stagné à 183 € par Français en 2023 à l’échelle nationale (+0% vs 2022 ; le pic avait été atteint en 2020 à 196 €/Français). Les chiffres de fréquentation des magasins bio et des rayons bio de la GMS montrent en revanche, depuis quelques mois, des signes d’amélioration, comme l’avaient analysé le Cluster Bio Auvergne-Rhône-Alpes et Xerfi Spécific lors des Bio N’Days le 6 juin à Valence.
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Qui sont les opérateurs de l’aval en bio en Ile-de-France ?
Selon l’Observatoire 2024 du GAB Ile-de-France, en 2023, l’Ile-de-France est la 3e région en nombre d’opérateurs de l’aval en bio « et même la 2e région depuis la semaine dernière que l’Agence Bio a réajusté ses chiffres », précise Marie Kulichenski du GAB IdF et coauteure de l’Observatoire. Paris reste le 1er département.
3 641 opérateurs de l’aval en Ile-de-France étaient engagés dans le bio en 2023 (-6 %), une majorité opérant dans la transformation ou dans le commerce de gros ou de détail.
Dans le détail :
- 2 371 préparateurs (-13,6 %) ;
- 2 508 distributeurs (+11,4 %) ;
- 211 importateurs (+181, 3 %) :
- 34 restaurateurs (stable).
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Selon l'Observatoire 2024 du GAB IdF, plus d’un tiers des fermes bio franciliennes vont au-delà de la production puisqu’elles transforment, préparent, commercialisent leurs produits (217 fermes opératrices de l’aval). La plupart sont en maraîchage (31 %) ou en grandes cultures (27 %).
Les cantines, un débouché pour les produits bio franciliens ?
Comme Yves Sauvaget, éleveur laitier bio et président de la Commission Bio du Cniel, et bien d’autres, le vice-président du GAB IdF, Thomas Lafouasse , par ailleurs céréalier et maraîcher bio à Pecqueuse dans l’Essonne, estime que « si on respecte la loi Egalim, la crise du bio, il n’y en a plus ».
Article 24 de la loi Egalim : à partir du 1er janvier 2022 pour la restauration collective publique et du 1er janvier 2024 pour les restaurants collectifs privés, au moins 50% de produits de qualité et durables, dont 20 % de produits bio (en valeur HT sur le coût total des repas par an) doivent être proposés aux convives.
Or, aujourd’hui seules 18 % des cantines scolaires respectent la loi Egalim selon une enquête de l’Association des maires de France (AMF) publiée le 19 juin. Les établissements évoquent la hausse des prix et à des difficultés pour s’approvisionner. Pour le bio c’est un peu mieux mais encore loin du compte : 37 % des cantines respectent l’objectif de produits bio.
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« On n’a pas le marché en Ile-de-France car les collectivités répondent à des marchés publics », estiment Thomas Lafouasse et Carine Thierry, polycultrice-éleveuse bio à la ferme de Châtenoy en Seine-et-Marne.
En pomme de terre, expliquent-ils, la coopérative Bio Ile-de-France créée spécifiquement pour répondre à la restauration collective, n’arrive pas à vendre plus de 1 000 tonnes aux collectivités. « Sachant que 3 fermes c’est 10 ha de pommes de terre donc 300 tonnes », calcule Thomas Lafouasse.
Carine Thierry insiste : « Nous agriculteurs bio avons besoin de marchés stables, avec un prix moyen sur trois ans. Si demain Egalim est appliqué, on développera le bio en Ile-de-France. Mais dans les fermes il nous manque les outils pour répondre à ces marchés. »
Selon ma-cantine, la plateforme de l’Etat dédiée aux gestionnaires de cantine, il y a 4 836 cantines en Ile-de-France (la grosse majorité du secteur de l’enseignement). Un peu plus de la moitié publient leurs données sur la plateforme.
« Nous agriculteurs bio avons besoin de marchés stables, avec un prix moyen sur trois ans. Si demain Egalim est appliqué, on développera le bio en Ile-de-France »
Du bio local ?
Pour Carine Thierry, les difficultés du bio peuvent aussi s’expliquer parce que « aujourd’hui il y a une ambiguïté entre le bio et le local et aujourd’hui la démarche elle est poussée par le local ».
« Egalim peut potentiellement être une solution pour le bio si on est tous au rendez-vous, martèle Céline Santos Nunes. Ce que nos agriculteurs bio veulent c’est du bio local dans les cantines. Or il n’y a pas de définition légale du local. Mais avec la maîtrise de la sémantique, on peut cibler ce qu’on veut dans sa commande publique. »
Et de conclure : « Il y a plein de marges de progression : vente directe, Egalim… Pour cela, vulgarisons, accompagnons, simplifions les discours ! »
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