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Le souchet comestible, invasif mais pas invincible

En France, le souchet comestible, plante invasive, pose de réelles difficultés en production légumière. Le Sileban, station expérimentale dans la Manche, travaille sur cette problématique en recherchant à adapter des moyens permettant d'améliorer la lutte.

Sur une culture de carottes, il n'y a plus de recours à un herbicide pour lutter contre le souchet comestible.
© Sileban

Le souchet comestible remet en cause les systèmes de production légumiers. Sa présence du Nord au Sud de la France en fait un problème de masse concernant un grand nombre de filières dont notamment celle de la carotte. La limitation successive de substances actives et les impasses techniques rencontrées inquiètent fortement. « L'enjeu d’amélioration de la lutte est important puisque le développement de ce type de plante peut remettre en cause les systèmes de production et surtout la capacité à produire certaines espèces légumières » souligne Bruno Pitrel, expérimentateur au Sileban (Société d'Investissement LÉgumière et maraîchère de BAsse Normandie).

Les produits phytosanitaires : de plus en plus en marge

La lutte par herbicide est restée la plus efficace jusqu'à des interdictions successives, la dernière en date étant le linuron (utilisable jusqu'au 03 juin 2018). « La perte de 5 à 6 substances actives amplifie progressivement les impasses techniques au niveau des programmes de désherbage de plusieurs cultures légumières et contribue à la sélection puis au développement d'espèces invasives comme le souchet », précise Bruno Pitrel. Aujourd'hui, sur une culture de carottes, il n'y a quasiment plus la possibilité d'un recours à un traitement herbicide pour lutter contre la plante invasive. Entraînant de fait, une multiplication potentielle du souchet inquiétante pour la filière. Actuellement, la lutte par utilisation d'herbicide connaît quelques pistes d'amélioration par des substances actives agissant en réduction d'émergence ou par défoliation du Souchet comestible.

La lutte mécanique : mécanisation améliorable

Les moyens de lutte mécanique tels que le binage ou le buttage dont les techniques sont maîtrisées et sont complémentaires du désherbage chimique. Les outils (bineuse, butteuse…), efficaces, sont capables d'empêcher le développement des plantules. L'intervention doit, pour être efficace, être réalisée tôt dans le cycle de développement du souchet. C'est sur un tubercule en émergence que la lutte mécanique agit afin d'empêcher la production de tubercules secondaires. Néanmoins, les outils utilisés sont susceptibles de favoriser la dissémination des tubercules dans les différentes parcelles, entraînant ainsi une aggravation de l'invasion. Des mesures préventives sont donc de mise avec un nettoyage des outils et du tracteur entre chaque parcelle. Concernant les améliorations, la piste la plus intéressante serait le développement des outils. Le but étant d'améliorer l'efficacité du travail sur le souchet et sur l'inter-rang, ainsi que de limiter le transport des bulbes par l'outil lui-même. Une autre méthode de lutte fait son apparition, elle « consiste à extraire les organes de reproduction du souchet que sont les tubercules afin d'agir directement sur le stock semencier. Après quelques tentatives infructueuses et non prolongées, l'innovation matérielle apporte des résultats encourageants et demande la poursuite d'essais », rapporte l'expérimentateur.

La désinfection : vapeur et fumigation

La désinfection à la vapeur est un autre moyen de lutte envisagé. Agroscope (centre de compétence de la Confédération Suisse pour la recherche agricole) a désigné la désinfection à la vapeur comme efficace à 100% contre les tubercules. Lorsque la température de traitement est de 100°C minimum et appliquée pendant 7 à 8h suivie d'un bâchage de 12h : « La désinfection à la vapeur peut probablement offrir une efficacité durable, mais cela implique des températures et des temps de traitement importants. Dans des conditions expérimentales limitantes, en particulier au niveau des températures de traitement, nous n'avons pas obtenu d'efficacité satisfaisante de cette méthode de lutte », précise Bruno Pitrel. À noter que les effets de la désinfection à la vapeur observés en Suisse concernent de petits foyers d'invasion. « Des essais réalisés en Europe et en France, ont démontré sur le souchet un effet très significatif de certaines pratiques de fumigation des sols », avance le spécialiste. Les fumigants sont cependant soumis à des restrictions sur leur utilisation notamment à cause de leur dangerosité (risque applicateur). Ainsi, les essais réalisés par le Sileban participent à la recherche et à la mise au point de solutions potentiellement transférables vers les producteurs, en l’occurrence pour lutter plus particulièrement contre le souchet. « Le traitement de sol par fumigation peut représenter un moyen de lutte pertinent d'un point de vue technico-économique, il doit donc être évalué avec précision », estime le technicien. Si, les pistes ne manquent pas pour contrer l'invasion des cultures maraîchères par le souchet comestible, toutes ces méthodes de lutte demandent à être améliorées. La lutte contre le souchet tend donc à se développer vers une combinaison des moyens de lutte. « La lutte contre ce type de plante semble malheureusement s'annoncer comme une problématique durable et relativement complexe. Dans ce contexte, les mesures de prophylaxie visant à éviter de nouvelles infestations intra ou inter bassins de production prennent donc un caractère particulièrement important », conclut Bruno Pitrel.

Une multiplication explosive

Le souchet comestible (Cyperus esculentus), plante herbacée, vivace, mesure 25 à 40 cm de haut. Ces racines donnent des petits tubercules. C'est sa stratégie de multiplication explosive qui rend sa suppression difficile. En effet, un plant de souchet peut produire une centaine de tubercules par année qui germent pendant 5 ou 6 ans pouvant donner, à terme, une densité de 800 à 1000 plantules/m2. Originaire du bassin méditerranéen, le souchet est l’une des plantes invasives les plus répandues dans le monde. On la retrouve jusqu'en Europe, en Californie et pose problème en France depuis les années 2000.

 

©Sileban

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