Fruit Logistica 2018
Berlin prépare 2025
Quelles seront les exigences des consommateurs demain ? À quoi ressemblera le commerce des fruits et légumes en 2025 ? Fruit Logistica a sorti l’année dernière une étude sur le sujet. Nul doute que ces questions seront cette année encore au cœur des débats.
Quelles seront les exigences des consommateurs demain ? À quoi ressemblera le commerce des fruits et légumes en 2025 ? Fruit Logistica a sorti l’année dernière une étude sur le sujet. Nul doute que ces questions seront cette année encore au cœur des débats.

Connaître ce que sera le paysage alimentaire de 2050, belle chimère dans l’esprit de tous, du consommateur lambda au prix Nobel d’économie. Dans un article de 2015 du Huffington Post, Marc Dorel, le fondateur de Marchands des 4 saisons, imaginait un futur où la consommation locale a changé le paysage de la distribution en France. Carrefour, Casino, Wall Mart et consorts n’existent plus, la grande distribution a été supplantée par un modèle de distribution 100 % responsable. L’agroécologie a fait disparaître Monsanto, les cultures sont toutes 100 % bio, locales et sociables et des marques alimentaires légendaires comme Mars ou Coca-Cola n’ont pas su s’adapter à la nouvelle logique. Si, dans la description de ce monde utopique, les attentes des consommateurs évoquées sont plutôt celles auxquelles on s’attend, le fait d’imaginer la disparition de nombreux acteurs de l’alimentaire est une façon de nier la capacité d’adaptation de la filière. Le futur n’est pas connu, mais il se prépare. À Berlin notamment.
La digitalisation du consommateur a introduit de nouveaux players
Sans aller aussi loin que 2050, Fruit Logistica s’est intéressé aux tendances marquantes qui dessineront le paysage du commerce des fruits et légumes en 2025 (étude du Gottlieb Duttweiler Institute-GDI pour Messe Berlin, présentée en 2017).
Toujours plus vite, plus simple, plus sain, plus transparent, plus écolo… Telles sont les exigences des consommateurs d’aujourd’hui, et davantage de demain. La digitalisation permet aux consommateurs d’accéder 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à l’information et à l’achat. Les délais d’attente ne sont plus tolérés. Internet s’est emparé du marché de l’alimentaire et des livraisons de repas à domicile. C’est pourquoi les grands distributeurs exploitent leurs propres boutiques en ligne. Les plus petits disparaissent ou occupent une niche grâce à d’excellents concepts de vente. Des plates-formes numériques, qui sont totalement extérieures au secteur, s’établissent comme de nouveaux protagonistes du marché des produits frais. De petites start-up ainsi que des protagonistes internationaux, comme Google ou Amazon, proposent déjà ces services. Ce sont souvent des sociétés qui disposent déjà d’un réseau logistique du fait de leur activité principale : Amazon a lancé Amazon Fresh, Uber Eats, filiale d’Uber, livre les repas à domicile, Google Express livre des produits de diverses entreprises comme Costco, Target ou Whole Foods directement à domicile. Mais le magasin physique a toujours de l’avenir malgré la digitalisation.
Vers plus de transparence
La digitalisation a aussi aiguisé la conscience des consommateurs. L’accès aux informations relatives aux méthodes de production et de fabrication favorise la transparence. La filière fruits et légumes l’a compris depuis longtemps et certains apposent un flash-codes sur leurs packaging (Total produce, Blue Whale, etc.) permettant aux consommateurs d’accéder aux informations d’origine et de fabrication qu’ils exigent. Les producteurs ont aussi investi le champ marketing narratif : en mettant l’image de l’agriculteur sur le packaging, ou encore mieux, en le faisant venir en magasin, la production promet une transparence et une certaine proximité aux consommateurs.
Le GDI s’interroge : « “L’effet Chiquita” peut-il se répercuter sur d’autres produits ? Serait-il possible, comme pour le produit complexe qu’est le vin, de présenter l’origine, le cépage et le millésime de sorte qu’une orange, une myrtille ou une espèce de noix puissent être perçues en tant que marques indépendantes, et donc positionnées comme telles ? On pourrait se laisser aller à espérer que la promesse d’une marque permettrait d’obtenir des prix meilleurs et plus stables et d’engranger, par une différenciation du produit, des avantages sur la concurrence. Pourtant, en se basant seulement sur la saisonnalité, la variabilité et l’altérabilité des récoltes ainsi que sur la complexité de l’entreposage et du transport, il faudrait évidemment des efforts immenses pour porter une mandarine ou un avocat au niveau de la prochaine barre de Mars ou pour acquérir le statut légendaire d’une marque comme Nutella. » C’est oublier le succès -certes rare- d’une marque comme Pink Lady (plus de 85 % de notoriété). Derrière la marque, cette variété club s’engage pour des vergers responsables et des terroirs et le fait savoir par sa communication. Sans aller jusqu’à la marque, les appellations peuvent être une forte promesse de transparence, d’origine et de qualité. La clémentine de Corse en est un exemple parfait. Derrière cette dénomination, le consommateur sait qu’il achète un produit de terroir, cultivé selon des critères durables et sociables.
Nourrir une population toujours plus urbaine
L’autre enjeu majeur est d’assurer l’alimentation de la population en 2050. D’ici là, la planète devrait abriter plus 9,7 milliards d’individus. « Mais comment nourrir tout le monde avec des méthodes de culture traditionnelles ? », s’interroge l’étude, précisant que la majorité de la population sera urbaine. Outre une agriculture plus technologique (de précision, automatisée, etc.), le GDI estime que l’agriculture verticale pourrait être l’avenir de l’agriculture.
« Les fermes verticales permettent d’augmenter le rendement des récoltes non seulement au mètre carré, mais de réduire en même temps drastiquement l’utilisation des ressources, grâce à la gestion du recyclage et la mise en œuvre de conditions de serre. L’environnement étant contrôlé, fruits et légumes peuvent y être cultivés toute l’année. Et puisque les plantes qui poussent dans les serres verticales ne sont pas à la merci des éléments naturels, le risque de mauvaises récoltes dues à de graves sécheresses ou des inondations est réduit à néant. » L’étude précise que le risque est que des dépenses supplémentaires, générées par l’éclairage artificiel, l’arrosage et autres réduisent à néant les économies dues à la proximité géographique des acheteurs. Un autre frein, non souligné par l’étude, est la réticence psychologique. En France notamment, les consommateurs sont attachés au lien au sol. Stéphane Le Foll, l’ancien ministre, s’est d’ailleurs illustré en se positionnant contre cette “révolution verte”.
La chaîne de valeur se diversifie
Dans l’optique d’une agriculture plus verte, la production voit aussi apparaître de nouveaux protagonistes, notamment des sociétés technologiques. Par exemple, au moyen de la Leafy Green Machine de Freight Farms (fermes sous forme de conteneurs), Google produit sur son campus des légumes frais. Dans son GrowWise Center basé sur le High Teh Campus à Eindhoven aux Pays-Bas, Philips mène des recherches sur l’éclairage optimum et le climat adapté aux fermes en environnement intérieur, en vue d’améliorer leur production.
Avec les changements technologiques, les consommateurs changent de mode de vie et le commerce doit s’adapter. S’il est clair que la chaîne alimentaire est en mutation, elle ne sera pas fondamentalement différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Elle sera simplement plus diversifiée et plus digitalisée.