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Rats taupiers : sept solutions alternatives à la lutte chimique pour les maîtriser

Dans le Puy-de-Dôme, des éleveurs tentent de maîtriser les rats taupiers, aussi appelés campagnols terrestres, par le piégeage mécanique et d’autres méthodes complémentaires.

Le campagnol terrestre, appelé aussi rat taupier, provoque d’importants dégâts depuis plusieurs décennies dans les prairies du Massif central, allant jusqu’à la destruction totale de la parcelle lorsque la population n’est pas maîtrisée. Plusieurs méthodes pour tenter de maîtriser les populations existent et sont complémentaires.

La clé de la lutte est de les dégainer dès l’apparition des premiers foyers et de façon collective. Dans le Puy-de-Dôme, l’association de développement Bio 63 anime un GIEE sur l’autonomie fourragère, regroupant des éleveurs en agriculture biologique ou en conventionnel. Dans ce cadre, l’association a organisé une formation sur le piégeage des taupes et des rats taupiers. Deux éleveurs témoignent de leurs applications.

1 - Piéger les rats taupiers et les taupes simultanément

Sébastien Marquet, éleveur laitier, a choisi de se mettre au piégeage, car il « n’avait pas envie d’utiliser de solution chimique pour épargner la faune locale ». Il rappelle qu’il faut bien surveiller ses parcelles, pour agir précocément et avec le bon outil. « Dans les prairies, le hersage permet de mettre au jour les foyers, ce qui est utile pour le piégeur, mais aussi pour les prédateurs du rat. On pose les pièges à proximité des tumulus dans les galeries, que l’on repère par sondage. »

La lutte contre le campagnol nécessite d’utiliser simultanément plusieurs outils complémentaires

L’éleveur utilise des pièges à guillotines pour les rats taupiers et des pièges à pince pour les taupes. « Il est primordial de piéger aussi les taupes, car les rats sont opportunistes et utilisent leurs galeries. Lorsqu’un piège est plein, il faut rapidement le vider pour éviter que les autres identifient le danger. Par conséquent, je les relève deux fois par jour, et je ne les laisse pas en place la nuit pour éviter qu’un prédateur ne parte avec ! »

Anthony Paulet, éleveur laitier bio, s’attaque en priorité aux taupes, afin d’empêcher le campagnol d’emprunter ses galeries. « En six mois, j’approche des 120 taupes piégées ! Nous constatons déjà une réduction importante du nombre de taupinières ».

2 - Guillotine pour les rats taupiers, pince pour les taupes

campagnol terrestre, rat taupier, piège à guillotine

Pour placer le bon piège au bon endroit, il faut distinguer les foyers de taupes de ceux des campagnols. Ces derniers se reconnaissent par la présence de monticules de terre appelés tumulus. Ils diffèrent des taupinières par une forme plus aplatie, la présence de débris de végétaux et de terre plus fine. En effet le rat creuse avec ses dents, alors que la taupe travaille avec ses pattes. Pour le campagnol, le piège à guillotine est plus adapté. Pour la taupe, c’est le piège à pince.

3 - Piéger pour avoir des indices démographiques

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L’autre intérêt du piégeage est qu’il « permet de comptabiliser la population et d’identifier son stade de développement », souligne Sébastien Marquet. La proportion, au sein du même foyer, de mâles, de femelles et de jeunes par rapport aux adultes, donne des indications sur la dynamique de population. « Si, sur les flancs des rats piégés, les glandes qui permettent de marquer le territoire sont bien visibles, cela signifie qu’il y a déjà une certaine pression de population. » À l’inverse, si on ne piège plus que des adultes, cela signifie que les jeunes sont partis créer des colonies ailleurs. Les adultes ne migrant pas, nous sommes alors en phase de déclin.

4 - Le pâturage, un excellent allié

« Le piétinement des animaux, en détruisant les galeries, rend la lutte beaucoup plus efficace. Sans habitat, les rats taupiers se réfugient vers les bordures des parcelles », expose Sébastien Marquet. L’éleveur essaie de faire passer ses animaux sur un maximum de parcelles, en faisant notamment tourner les génisses.

« Je relève mes pièges deux fois par jour » Sébastien Marquet, dans le Puy-de-Dôme

Si pour le moment, la population de ravageurs reste à un niveau acceptable, Sébastien Marquet est inquiet. « La présence des rats taupiers est très problématique pour les cultures de légumineuses, très appétentes et non protégées par le piétinement des vaches. J’ai estimé à vingt rats à l’hectare la population actuelle dans la luzerne. »

5 - Aider les prédateurs

Le renard peut consommer quelques milliers de campagnols par an. Les mustélidés en sont aussi friands, tout particulièrement l’hermine pour qui le rat taupier constitue l’essentiel de l’alimentation. Les rapaces sont aussi des alliés dans la lutte contre ce ravageur. Pour favoriser les prédateurs, il faut préserver à proximité des parcelles des refuges et des corridors de circulation, comme des haies, des murets, des tas de pierres. Pour les oiseaux, il est possible d’installer des perchoirs et des nichoirs adaptés aux chouettes. Ces auxiliaires ne peuvent pas à eux seuls réguler la population de campagnols mais ils y contribuent de manière naturelle et gratuite !

6 - La lutte chimique quand la population augmente

Sans lutte chimique, les éleveurs bio du Massif central ont tout intérêt à endiguer très précocement la propagation du campagnol terrestre. Au-delà d’un certain seuil de pullulation, le seul piégeage va s’avérer inefficace.

En termes de lutte chimique, seul le Ratron GW a obtenu une autorisation de mise sur le marché en France. Il peut être appliqué manuellement ou de façon mécanisée avec une charrue à soc creux. Même s’il n’y a plus de seuil obligatoire, la Draaf Auvergne Rhône-Alpes préconise son utilisation à partir de 30 % de surface impactée. Plus délicat, le gaz PH3 peut aussi être employé par les agriculteurs à l’issue d’une formation spécifique et dans des conditions climatiques particulières.

7 - Travailler le sol, casser la prairie, semer une céréale

Quand la pullulation est hors de contrôle – un pic de prolifération peut atteindre jusqu’à 1]]>000 individus à l’hectare –, bien souvent la seule solution est d’attendre la phase de déclin, en lien avec l’appauvrissement de la ressource alimentaire des rats taupiers, pour restaurer la prairie. Il n’est pas pertinent de ressemer une prairie si la population est encore en phase de croissance. Cela reviendrait à nourrir le rongeur.

Lorsque cela est possible, il est possible d’alterner les prairies avec des cultures de céréales, qui créeront une barrière à la propagation. Enfin, sans forcément retourner la prairie, un travail superficiel du sol, tel que le décompactage ou le labour en surface, peut également aider à maîtriser les populations de rats taupiers.

À retenir

Contrairement à la taupe qui s’alimente essentiellement de vers de terre, le campagnol terrestre est herbivore et consomme les racines, avec une appétence particulière pour les légumineuses et les pissenlits.

Trois pistes de recherche prometteuses

- Un vaccin. L’Université Clermont Auvergne développe depuis 2017 une méthode de lutte basée sur l’immuno-contraception. Le principe est un peptide qui stimule la production d’anticorps anti-spermatozoïdes, chez les mâles comme les femelles. Ce vaccin serait administré par voie alimentaire à l’aide d’un appât. Cette solution doit encore faire l’objet de tests sur le terrain. Il reste aussi à démontrer que la spécificité de ce vaccin n’entraînera pas de dérive à d’autres espèces.

- Des phéromones. L’Inrae se penche sur l’utilisation de phéromones attractives qui augmenteraient l’efficacité du piégeage. Initié en 2016, le projet a déjà isolé certains composés olfactifs. Les scientifiques testent à présent plusieurs formules pour identifier la plus efficace, en laboratoire et sur le terrain.

- Des appâts. VetAgro Sup s’intéresse à la corrélation entre l’offre alimentaire et la dynamique de population. Une précédente étude a montré que le déclin d’une population sur une parcelle correspond à la disparition des pissenlits, qui est leur alimentation préférée. Les jeunes rats partiraient créer des colonies ailleurs pour trouver leur nourriture favorite. VetAgro Sup recherche d’autres espèces prairiales ayant le même impact que le pissenlit. En contrôlant la présence de ces espèces appétentes, l’objectif est d’attirer les rats sur les bordures des parcelles et dans des zones où se concentrera la lutte. Un désherbage ciblé pourra aussi être envisagé au cœur des parcelles.

« Trois heures par jour, tous les jours »

Sébastien Marquet, éleveur laitier, reconnaît que le piégeage est chronophage, mais il essaie de grouper avec d’autres travaux sur la ferme. « Je pratique le pâturage dynamique. Tous les jours je déplace des clôtures et j’en profite pour vérifier mes pièges. Dans les autres parcelles, j’essaie au maximum de coupler avec d’autres activités comme l’entretien des haies par exemple. » Les périodes favorables au piégeage correspondent aux pics d’activité du rongeur, soit l’automne et le printemps, mais il est possible de piéger dès qu’il est constaté une activité depuis la surface.

Anthony Paulet, éleveur laitier bio, avoue y passer trois heures par jour, tous les jours. « J’ai démarré fin octobre et j'arrêterai au moment des premières récoltes. Il faut le faire tant qu’il n’y a pas trop de travail dans les champs. » Il insiste sur le fait qu’il faudrait « que cette prévention se fasse de manière collective. Tout le monde doit s’y mettre, mais il serait aussi appréciable qu’il y ait plus de piégeurs professionnels que nous puissions faire intervenir ».

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