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Viande bovine : l’Europe recule sur l’échiquier mondial

En 2022, le cheptel mondial de bovins a encore gonflé ses rangs. Parmi les grands pays producteurs historiques de viande bovine, seul le Vieux Continent voit ses effectifs baisser sur le long cours.

Le cheptel de bovins et de buffles continue de croître à l’échelle mondiale, de 0,7 % en moyenne sur les dix dernières années. Dans les parties émergentes du globe - Amérique latine, Asie du Sud et de l’Est, Inde - la volonté de développer l’élevage s’affirme. Certains cherchent à renforcer leur autosuffisance alimentaire quand d’autres y voient un atout pour améliorer leur balance commerciale en jouant la carte de l’exportation. « Le soutien des pouvoirs publics dans les pays développés d’Asie tels que le Japon et la Corée appuie en ce sens », évoque Caroline Monniot, économiste à l’Institut de l’élevage (Idele), à l’occasion de la douzième édition des marchés mondiaux organisée à Paris les 7 et 8 juin.

Le Vieux Continent à contre-courant du reste du globe

Parmi les grands producteurs historiques de viande bovine - États-Unis, Canada, Australie -, leurs évolutions de cheptels sont rythmées au fil des années par des cycles de capitalisation et de décapitalisation. « Si ces oscillations étaient historiquement guidées par le facteur prix, elles sont aujourd’hui de plus en plus liées aux évènements climatiques », remarque l’experte. C’est le cas notamment des pays d’Amérique du Nord qui, en proie à de nouvelles sécheresses en 2022, ont vu l’érosion de leurs troupeaux bovins se poursuivre, alimentant la hausse de la production.

« Mais si on se penche sur le long terme, l’Europe se trouve être la seule zone du monde qui voit son cheptel diminuer, soulève Caroline Monniot. Dans un contexte marqué par le ralentissement de sa production et de sa consommation, l’Union européenne (UE) des vingt-sept, qui a basculé vers un marché mature, va peser de moins en moins dans le commerce mondial de la viande bovine. » Les chiffres de 2022 l’illustrent de manière criante. L’UE-27 affiche le déficit de production le plus marqué : 167 000 tonnes équivalent carcasse (téc) de moins qu’en 2021 sur un total de 6,635 millions de téc.

Les flux se concentrent entre États membres

De façon mécanique, avec moins de disponibilités à abattre, le disponible exportable s’est aussi rétracté. Toujours en 2022, les exportations européennes de viande bovine se replient de 4 % (- 26 000 téc) sur un total de 602 000 téc. Par ailleurs, « la forte hausse des cours a réduit la compétitivité des viandes européennes sur les marchés émergents », reprend la spécialiste. Résultat, les flux se sont concentrés entre États membres, retrouvant ainsi leur niveau d’avant Covid. D’après Eurostat, l’équivalent de 37 % des volumes de viande bovine abattus au sein de l’UE-27 a été échangé à l’échelle intracommunautaire l’année dernière, contre 35 % en 2019.

En adéquation avec le changement des habitudes de consommation, les viandes congelées et fraîches désossées prennent davantage de place dans les échanges, + 9 % et + 3 %, respectivement, par rapport à 2019, au détriment des morceaux avec os. « En lien avec l’inflation qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, on assiste à une descente en gamme dans la demande globale. Les pays de l’UE renoncent quelque peu à leur nationalisme, relève Caroline Monniot. Les achats au détail ont moins la cote tandis que le secteur de la restauration devient un circuit clé pour la consommation dans tous les États membres, une place de choix pour la viande d’import. »

Les importations reviennent en force

Autre tendance de fond inquiétante, la consommation de viande bovine de l’UE-27 s’érode (- 0,8 %/2021), certes, mais « moins vite que la production, ce qui réduit l’autosuffisance de l’UE », révèle l’Idele dans son dossier Économie paru en juin 2023. Un déséquilibre qui devrait se confirmer en 2023, selon la Commission européenne, qui prévoit une baisse des abattages de - 1,6 %/2022 plus prononcée que celle de la consommation (- 1,3 %). Un manque en partie compensé par les importations de viande bovine, qui signent leur grand retour sur le marché communautaire. En 2022, elles atteignent 377 000 téc, soit 25 % de plus qu’en 2021. « Ce volume reste cependant inférieur de 8 % à celui de 2019, avant pandémie », pondère l’Idele. Le Royaume-Uni prend la plus grosse part du gâteau (134 000 téc, + 65 %/2021)(1), mais les achats au Brésil (87 000 téc, + 6 %/2021), à l’Argentine (64 000 téc, + 22 %/2021), aux États-Unis (18 000 téc, + 23 %/2021) et à la Nouvelle-Zélande (5 000 téc, + 28 %/2021) ne sont pas en reste.

Une aubaine pour les mastodontes du secteur qui ne cessent de renforcer leur position à l’export. Et si la priorité dans les envois est donnée à l’Asie, qui a toujours bon appétit pour la viande bovine, l’Europe n’en reste pas moins un marché de valeur intéressant à chercher pour ces pays.

« Les pays émergents tels que l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud et de l’Est ainsi que l’Inde sont en train d’investir sur l’avenir de leur cheptel bovin », rapporte Caroline Monniot, économiste à l’Idele.

(1) Attention toutefois, la progression des échanges est affectée par des flux avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas depuis la mise en œuvre du Brexit. Des opérateurs néerlandais font dédouaner des viandes britanniques en France avant réexportation vers les Pays-Bas, note l’Idele.

L’Irlande et l’Espagne résistent

« L’an dernier, la baisse de la production a été marquée en France (- 4,4 %/2021), en Allemagne (- 8,4 %) et en Pologne (- 2,6 %) », calcule l’Idele.
Mais parmi les six principaux pays fournisseurs de viande bovine en Europe, deux se démarquent particulièrement en inversant la tendance.
D’abord l’Irlande, qui a vu ses abattages progresser de 4,5 % sur un an. « Le ralentissement de la capitalisation laitière a donné lieu à de nombreuses réformes de vaches et plus de bœufs avaient été mis à l’engraissement entre 2019 et 2020 », explique l’Idele. À moyen terme, malgré des objectifs nationaux ambitieux en faveur du climat, « la filière ne s’attend pas à une baisse significative de son cheptel bovin. On souhaite maintenir des niveaux d’abattages stables, en misant sur des gains de productivité, et rester attentifs aux demandes de nos marchés à l’international », fait savoir Nicolas Ranninger, directeur marché France, Belgique et Luxembourg.
Puis l’Espagne, où la production de viande bovine poursuit une hausse régulière (+ 1,9 %/2021), et les exportations sont allées croissant avec sa production (+ 9 %). « L’engraissement des mâles se montre toujours plus dynamique, avec des effectifs d’un à deux qui ont doublé entre 2011 et 2021 », relate Ilona Blanquet, économiste à l’Idele.

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