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Quand la génétique française se transforme en viande

Arrivés sous forme de paillettes importées de France ou de broutards issus de génétique française, les bovins repartent de la ferme Baciu, dans le sud est de la Roumanie, en muscles destinés à approvisionner les deux boucheries maison.

La route qui mène depuis Bucarest à la « ferme Baciu » traverse des milliers d’hectares de terres céréalières. Des parcelles plates comme des tables qui s’étirent jusqu’à l’horizon et une terre noire comme dans les meilleures parcelles de Limagne. À en faire baver d’envie n’importe quel céréalier. Dès la sortie de Calarasi, on aperçoit au loin les trois principales stabulations de la « ferme Baciu ». Murs orangés et toitures rouge brique, rigoureusement parallèles, elles sont complétées par quelques hangars et un méthaniseur vert sapin flambant neuf.

« J’ai démarré mon activité d’agriculteur peu après la fin de la dictature de Ceausescu. J’ai commencé par la reprise de terres céréalières », explique Alexandru Baciu. Ingénieur agronome de formation, le propriétaire des lieux est, avec ses enfants, à la tête de l’une des fermes d’élevage les plus performantes de Roumanie. L’exploitation s’étend sur 2 200 ha, principalement en location, où sont cultivés maïs, céréales à paille et soja. Les récoltes sont directement vendues aux principales entreprises d’exportation (Bunge, Cargill, Nidera…), lesquelles disposent de silos installés le long du Danube. Libéral assumé, Alexandru Baciu s’est attaché ces dernières années à réinvestir dans l’élevage l’essentiel de ce qu’il a pu gagner en vingt ans grâce aux céréales. La seule partie « élevage » de l’entreprise familiale valorise actuellement quelques 400 ha dont 300 de maïs ensilage (200 en première culture avec un rendement moyen de 19 TMS/ha et 100 ha en dérobé derrière de l’orge avec alors environ 11 TMS/ha), 130 ha de luzerne (6 coupes/an, la première mi-avril). Toutes les surfaces sont irrigables avec de l’eau pompée dans le Danube, lequel coule à quelques kilomètres des bâtiments d’exploitation. Ce volet "élevage" de la ferme Baciu est conduit à l'aide d'une vingtaine de salariés dont certains travaillent également sur l'"abattoir maison."

Un modèle inspiré des fermes italiennes

Le projet a été mûrement réfléchi pendant deux ans. Avant d’investir, Alexandru Baciu est allé prendre des idées dans d’autres pays européens et en particulier en Italie. Ses stabulations et son installation de méthanisation ont été réalisées par le constructeur italien Rota Guido. Ses trois stabulations ont été construites en 2012 et mises en service l’année suivante. Côté cheptel, Alexandru Baciu a fait ses achats en France et au Danemark. « Je suis allé au Space en 2011. J’ai enchaîné par des visites d’élevages en Franche-Comté. La Montbéliarde m’est apparue comme le bon compromis pour produire du lait et de la viande. Sur l’exploitation, on produit actuellement 2,4 millions de litres/an avec une moyenne de 320 vaches traites tout au long de l’année. » Les vaches sont en ration complète et zéro pâturage avec une moyenne de 9 300 l/lactation. Les premières génisses ont été importées de France via Coopex. Il en est désormais de même pour les paillettes. Mâles comme femelles, tous les veaux sont élevés. Les génisses sont inséminées à 18 mois et réformées en moyenne après quatre lactations. « On utilise une part de semence sexée et certaines vaches (environ 10%) sont en croisement avec des paillettes de la gamme Charolais Excellence, elles aussi importées de France. Ces croisé(e)s donnent de bons résultats à l’engraissement.» Un essai avec cinquante Jersiaises importées du Danemark est jugé décevant et conduire deux races somme toute assez différentes complique les choses. Le 100% Montbéliardes sera donc bientôt de mise. « De plus, les taurillons Jersey, ça ne vaut vraiment rien ! » Les Montbéliards sont abattus à un peu plus de 20 mois. Ils atteignent alors souvent près de 800 kg, la volonté étant d’avoir des animaux très finis. L’exploitation engraisse autour de 300 têtes/an.

Un quatrième bâtiment est actuellement en cours de construction et ses 300 places seront réservées à l’engraissement. Ce souhait de développer le volet viande va se traduire par la finition de davantage d’animaux achetés à l’extérieur et en particulier de broutards, lesquels présentent l’avantage de rester moins de temps sur l’exploitation comparativement à des veaux. « On a essayé cette année des Angus et des croisés Angus-Holstein. Ce n’est pas concluant. » La viande est bonne mais les croissances n’excèdent pas 1,2 kg/j avec surtout des carcasses trop couvertes. « Pour les Angus, on a eu jusqu’à 100 kilos de graisse/carcasse. Ils sont trop chers à l’achat comparativement à ce qu’ils permettent de gagner, du moins quand on les engraisse en taurillons », estime Alexandru Baciu.

Developper les achats de broutards

Depuis l’an dernier, la "ferme Baciu" engraisse des broutards Aubrac nés sur l’exploitation de Ciprian Gherghel (voir pages 22 à 24). Les performances du premier lot sont jugées intéressantes. Les bêtes ont été calmes comparativement à des taurillons laitiers. Les croissances ne sont pas exceptionnelles (environ 1,4 kg de GMQ) mais les animaux se finissent bien avec une bonne compacité de carcasse et une finesse d’os se traduisant par des rendements analysés comme satisfaisants. Quelques croisés Limousins sur laitières ont également été très appréciés. Pour faire au plus simple, la ration d’engraissement est calculée sur la même base pour tous les lots de taurillons. Exprimée en kilos de MS, elle associe 1,5 kg de paille, 6 kg d’ensilage de maïs, 2 kg d’ensilage de luzerne et 4 kilos d’un concentré azoté.

Investir dans une ferme située en zone herbagère pour mettre en place un cheptel allaitant afin de produire lui-même le bétail maigre par la suite destiné à son atelier d’engraissement, Alexandru Baciu y a bien songé. Il y a aussi renoncé. « On ne peut pas investir partout. Il faut digérer nos différents investissements. »

Un abattoir à la ferme et deux boucheries en ville

Outre ses dimensions et ses performances techniques, l’originalité de la ferme Baciu est aussi liée la volonté de ses propriétaires de valoriser au mieux les animaux finis sur l’exploitation. La famille Baciu a investi dans deux boucheries où est vendue la viande de ses animaux. L’une se situe dans les beaux quartiers de Bucarest, la capitale roumaine, la seconde à Calarasi, la petite agglomération près de laquelle se situe le siège de l’exploitation. « En ville et en particulier à Bucarest, une partie des consommateurs ont un bon pouvoir d’achat et les modes de consommation de la viande bovine ressemblent de plus en plus à ce que l’on constate dans les autres capitales européennes. » L’ambition de la famille est désormais d’ouvrir un second point de vente à Bucarest et de les compléter par un magasin saisonnier à Constanta, deuxième ville de Roumanie, située sur les bords de la mer Noire. « C’est mon fils qui est en charge de la gestion de nos boucheries », précise Alexandru Baciu qui aime répéter que la ferme est avant tout une entreprise familiale. « Côté tarifs, les prix affichés à l’étal démarrent à 4,5 €/kg et montent jusqu’à 21 €/kg pour les muscles les plus prisés. »

25 m entre les cases d’engraissement et l’abattoir

A côté du volet vente directe actuellement en progression, l’une des particularités de l’exploitation est d’avoir construit un abattoir directement sur l’exploitation. Mis en service en mai dernier, il est situé dans un petit bâtiment situé à proximité des bâtiments d’élevage. « Cela a été compliqué d’obtenir les différentes autorisations nécessaires. » L’abattoir communique avec le bâtiment d’engraissement par un petit couloir d’amené extérieur. Les taurillons ont moins de cinquante mètres à parcourir pour passer de leur case au poste d’abattage. « On ne tue que les animaux produits sur l’exploitation. » Les carcasses sont débitées sur place et pour partie désossées avant d'être dirigées vers les deux magasins. « Depuis sa mise en service, nous sommes sur une moyenne de 30 à 40 animaux abattus/mois avec des extrêmes compris entre 20 et 60. Cela dépend des volumes que nous arrivons à écouler dans nos deux boucheries », souligne Alexandru Baciu.

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