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Pulpes et coproduits locaux dans un silo unique

Le lycée agricole d'Obernai conduit un atelier d'engraissement de jeunes bovins de 204 places. Depuis trois ans, il a choisi de faire mélanger les matières premières à réception et de disposer d'une ration complète prête à être distribuée dans un silo unique.

« La ration est basée sur les pulpes de betteraves surpressées. Cependant, des problèmes de qualité alimentaire (« pulpes grasses ») ayant conduit à des problèmes importants de subacidose et de conservation il y a quelques années, nous avons cherché une autre conduite alimentaire », explique Francis Schockmel, responsable de l'atelier d'engraissement du lycée d'Obernai, dans le Bas-Rhin. Désormais, les pulpes représentent 50 à 60 % de la ration contre 80 % auparavant, et un maximum de ressources alimentaires locales sont choisies pour compléter la ration. Ici, la situation est particulièrement favorable car plusieurs usines agroalimentaires se situent dans un rayon de 35 kilomètres autour de l'élevage et permettent de disposer de différents coproduits. La ration intègre ainsi de l'okara(1), du corn gluten feed (humide), du wheat feed (sec). De l'ensilage de luzerne est d'autre part disponible en quantités autour de l'exploitation, en partie en raison des mesures de protection du grand hamster d'Alsace. Le lycée produit du maïs épi. Les céréales aplaties autoproduites ne représentent que quelques pourcents de la ration complète. Les jeunes bovins en reçoivent quand même 1,5 kg en plus sur le mois de finition. Il s'agit d'un méteil composé de blé, épeautre et triticale.

Une ration stable et homogène

« L'opération de mélange facilite le refroidissement des pulpes. Les sucres apportés par les coproduits entrainent une fermentation, et la conservation est améliorée », explique Stéphane Lartisant, nutritionniste du bureau technique de la promotion laitière (BTPL), qui réalise les protocoles techniques pour l'entreprise Pollen.

Cette solution de rationnement apporte d'autres bénéfices. « Nous avons estimé que ce système permet de réduire le temps de travail quotidien d'environ 10 minutes par jour pour des jeunes bovins », précise Stéphane Lartisant. Ce qui n'est pas négligeable par rapport à une durée moyenne quotidienne de 20 minutes pour des jeunes bovins. Ceux-ci ne reçoivent pas de paille alimentaire, et la distribution est réalisée une fois par jour avec repousse. Ce système permet aussi d'éviter les erreurs de rationnement, notamment en périodes de pointe de travail et si plusieurs personnes participent à la distribution de l'alimentation. Surtout, la ration est complètement stable et homogène.

« Le bilan donne à la ration complète mélangée en un silo un avantage de 30 euros par animal sur le temps de travail et les frais de distribution journalière, par rapport à une ration classique (ensilage de maïs, ensilage de luzerne et concentré du commerce) », établit le responsable d'élevage. Pour ce calcul ont été pris en compte amortissement et consommation de carburant. Avec ce type de ration, il suffirait de disposer d'un bon godet désileur.

D'autre part, le fait de n'avoir qu'un silo à gérer facilite la gestion du front d'attaque : il avance dans les règles de l'art, vite et régulièrement. Les pertes sont ainsi très limitées au front. Elles le sont également à l'auge. « Il n'y a pas de remélange au moment de la distribution, donc la fermentation des différents composants de la ration (des pulpes, de la luzerne, du corn gluten feed...) s'effectue une fois pour toutes à la confection du silo », explique le nutritionniste. Les refus, peu importants, sont retirés une fois tous les quinze jours environ.

Une plateforme bétonnée et une avance de trésorerie

Pour la confection du silo, il est nécessaire de disposer d’une plateforme bétonnée (cela peut être un autre silo) et d’un silo prêt à accueillir l’ensemble du mélange. Pollen dispose d'une mélangeuse de 45 m3, avec un grapin de type grumier qui autorise une très bonne vitesse de chantier. La fabrication du silo est facturée 3 euros par tonne de mélange. Le lycée d'Obernai a choisi de faire confectionner deux silos de 840 tonnes par an, un à l'automne et un au printemps. Trois semaines de transition sont ménagées au changement de silo. Il serait possible de faire un seul silo pour l'année, mais une légère perte d'appétence pourrait se faire sentir. Ici, un silo mesure 7 m de large et 2,40 m de haut.

« Il faut prévoir une bonne avance de trésorerie pour la confection du silo. Mais les pulpes arrivent à l'automne, et nous utilisons la luzerne de l'année précédente. Ce qu'on avance au moment de la conception du silo, c'est l'achat des coproduits », explique Francis Schokmel.

(1) Coproduit riche en azote, issu de la fabrication de lait de soja pour l'alimentation humaine, à 18-22 % de matière sèche.

Un coût alimentaire de 1,15 et 1,20 euro par jour et par animal

Cette année, l'atelier engraisse 68 Gascons et 136 Salers avec un objectif de 420 kg de carcasse. « Les animaux sont plus calmes. Pour l'instant, nous n'avons eu aucun accident ni perte », observe Francis Schokmel.

La ration à base de pulpes est bâtie à 1 UFV/kg MS et 92 à 94 g PDIN/kg MS. Il s'agit d'obtenir au moins 32 % de matière sèche, et l'idéal serait d'être à 37 à 38 % MS. Faute d'équations fonctionnant sur ce type de mélange, la ration est pilotée avec la matière sèche, la MAT et la cellulose brute. « On pourrait aussi demander au laboratoire le taux d'amidon et il serait intéressant de connaître les taux d'acides gras volatils. »

Avec le silo confectionné à l'automne 2015, les croissances ont été de 1500 g/j pour les Gascons et 1420 g/jr pour les Salers.

Le coût alimentaire s'établit entre 1,15 et 1,20 euro par jour et par animal. « C'est un excellent résultat, sachant que dans ce calcul tous les aliments sont estimés au prix du marché, par exemple le maïs épi au prix équivalent à la vente en maïs grain », commente Stéphane Lartisant. « L'an dernier, nous avons dégagé une marge nette de 82 euros par animal présent au départ sur l'ensemble de l'atelier avec le système de silo unique, en comptant bien toutes les charges fixes dont la main-d'œuvre », conclut Francis Schokmel. 

Avis d'expert

" Valoriser des ressources locales "

" Ce type de ration est abordable dans tout le Grand Est. Cette solution de rationnement présente l'avantage environnemental de valoriser des ressources locales. On évite tous les frais de séchage. Le marché des coproduits mérite d'être intégré dans la stratégie fourragère des élevages. Aller produire son ensilage de maïs à 20 km est consommateur d'énergies et de temps de travail. On peut penser l'autonomie à l'échelle « régionale », et pas uniquement à l'échelle de l'exploitation. Ceci est positif, à condition d'avoir un pacte gagnant-gagnant avec l'industriel, qui passe généralement par une contractualisation. Il faut, quoi qu'il en soit, se renseigner six mois à l'avance pour les coproduits secs, pour tester le marché et réserver à un prix correct. Pour les produits humides, c'est toujours le prix de la disponibilité qui prévaut. "

Stéphane Lartisant, ingénieur nutritionniste du BTPL

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