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Débouchés
Israël, un marché pour les bovins vifs et la viande française

Les Israéliens consomment nettement plus de viande bovine qu’ils n’en produisent. Pour satisfaire à leurs besoins, ils achètent de la viande et du bétail vivant. Des débouchés susceptibles d’offrir des opportunités pour l’élevage français.

Pays riche et de culture judaïque, Israël est un marché atypique sur le pourtour méditerranéen. Malgré une agriculture mondialement reconnue pour son avant-gardisme, ce pays est largement déficitaire en viande bovine. Une étude financée par Interbev et conduite l’an dernier par l’Institut de l’élevage a permis de mieux appréhender quelle était la situation du marché israélien et de faire le point sur les opportunités pour la viande et les produits bovins français.

Israël totalise 8,712 millions d’habitants à fort pouvoir d’achat. En 2107, le produit intérieur brut par habitant était de 37 500 euros par an, soit 9 % de plus que celui des Français (34 000 euros/an). Cette population apprécie la viande bovine. La consommation atteint 29 kg équivalents carcasse (éc) par habitant et par an (environ 22 kg éc en France). Cela s’explique par le niveau de vie des Israéliens mais également par l’absence de consommation de porc, viande proscrite dans les religions juive et musulmane.

Un marché largement déficitaire en bœufs

Malgré la renommée mondiale de la Holstein israélienne, le nombre de bovins est très limité. Le pays totalise environ 150 000 vaches laitières et 50 000 vaches allaitantes. Le potentiel du cheptel allaitant est très réduit en raison du climat largement désertique et de l’intense concurrence pour les terres, qui sont en Israël propriété de l’État. Le cheptel laitier n’a aucune possibilité d’expansion. La production laitière est régie par des quotas calés sur la consommation locale et le prix du lait (environ 450 euros/1 000 litres) calculé selon le coût de production ne permet pas aux industriels de viser les marchés à l’export. L’approvisionnement du marché en viande dépend donc de l’extérieur. En 2017, environ 40 % de la consommation était issue des importations de viandes congelées et 5 % des importations de viandes fraîches. De plus, environ 35 % de la viande vendue sur le marché était issue de broutards importés puis engraissés localement.

 

Un marché exigeant mais qui s’ouvre progressivement

Comme souvent sur le pourtour méditerranéen, le fond de rayon des supermarchés est occupé par les viandes congelées bon marché provenant d’Amérique du Sud. Ce segment est pratiquement sans intérêt pour l’offre française tant il est contraint par le prix. En effet, la viande désossée-congelée destinée au marché israélien quitte le Brésil à environ 4,25 euros/kg. En revanche, il existe un réel déficit en viandes fraîches qui sont mieux valorisées. Ce produit est historiquement protégé par des droits de douane élevés : environ 200 % de la valeur du produit jusqu’en 2014. Mais le gouvernement a décidé en 2014 de procéder à une levée progressive des barrières douanières. Cela permet aux viandes venues de différents pays de l’Union européenne et en particulier de la France de développer très progressivement leurs parts de marché. Les pays européens ont l’avantage d’être sur le plan géographique beaucoup plus proche d’Israël que leurs concurrents du Mercosur. La livraison ne prend que quelques jours contre près d’un mois depuis l’Amérique du Sud.

Les exportations européennes de viandes bovines fraîches se développent donc rapidement vers cette destination. Elles sont passées de 3 000 téc en 2015 à 11 000 téc en 2017 (lire graphique). Un record qui sera probablement battu en 2018. Sur les seuls neuf premiers mois de 2018, les exportations européennes atteignaient 10 000 téc avec la Pologne puis la France comme principaux fournisseurs.

Forte demande pour du vif léger

La demande israélienne porte également sur le bétail maigre et les importations de bovins pesant moins de 250 kg sont libres de droits de douane. Cette disposition fait partie de l’accord de libre-échange UE-Israël. Jusqu’en 2014, le poids moyen des animaux importés d’Europe vers Israël était inférieur à 150 kg par tête. Il s’agissait notamment de veaux laitiers non sevrés venus depuis l’Europe de l’Est. En revanche, Israël n’importe pas d’animaux finis. À partir du maigre importé ou né sur place, les engraisseurs israéliens produisent des JB jeunes et légers finis en ration sèche. Un broutard local croisé de races allaitantes de 300 kg sera vendu entre 1 200 et 1 500 €/tête. Il est ensuite abattu autour de 12 mois pour un poids carcasse de 330 à 350 kg. Dans ce type de système, afin de maximiser le gain de poids local et les marges, les engraisseurs recherchent des animaux à la fois maigres et très légers, correspondant souvent mal à l’offre française.

Mais depuis 2014, l’état israélien a décidé de supprimer les droits de douane sur les animaux de plus de 250 kg vifs. Ceci vise à promouvoir l’engraissement local et à compenser pour les engraisseurs l’ouverture progressive du marché aux importations de viande fraîche. La fin des droits de douane et le renchérissement du maigre venu d’Australie, (fournisseur historique) lié aux sécheresses récurrentes que connaît ce pays, ont permis un net développement des exportations européennes de broutards. Les envois européens sont passés de 57 000 têtes en 2014 à 166 000 têtes en 2017 avec un poids ramené à la tête qui a pratiquement doublé dans cet intervalle de temps : 130 kg en 2014 contre 260 kg en 2017.

L’offre française a néanmoins du mal à pénétrer ce marché. Cela est lié à deux raisons. Tout d’abord les exigences sanitaires israéliennes sont drastiques pour toute importation d’animaux vivants. Les bovins doivent être indemnes de BVD et IBR, vaccinés contre les sérotypes 4 et 8 de la FCO (double injection + 60 jours de mise en place de l’immunité) et s’ils sont âgés plus de 12 mois testés contre les maladies vénériennes. D’autre part, la Roumanie et le Portugal, principaux fournisseurs européens du marché israélien fournissent des animaux entre 250 et 350 kg pour un prix départ inférieur à 3 euros. Ainsi malgré la qualité reconnue des broutards français, les envois peinent à décoller. La France a exporté 6 500 têtes vers Israël en 2017 puis 2 500 têtes en 2017. Même si Israël est un débouché bien modeste pour le bétail français, les exportations roumaines et portugaises vers cette destination contribuent en revanche à alléger le marché européen, et profitent donc indirectement aux naisseurs français. En 2019, les exportations européennes de bovins maigres devraient de nouveau se développer vers Israël, la demande reste dynamique et les derniers accidents climatiques devraient de nouveau pénaliser l’offre australienne.

Controverse sur l’import vif

Mais ces opportunités offertes pour le bétail vivant sont actuellement menacées. Différents mouvements israéliens cherchent à faire interdire l’import en vif (bovin et ovin) au nom du bien-être animal. Une proposition de loi présentée en 2018 à l’Assemblée nationale israélienne (Knesset) a été déposée en ce sens par Miki Zohar, un député de la majorité. Toujours en débat, cette loi divise la majorité et rencontre une opposition farouche du ministère de l’Agriculture. Si elle était votée dans sa forme actuelle, elle entraînerait une interdiction pure et simple de l’import vif dans les trois ans. Selon des observateurs locaux cette proposition de loi ne devrait pas être votée dans sa forme actuelle. En revanche, sous la pression de la majorité, le ministère de l’Agriculture pourrait être amené à proposer sa propre loi, laquelle pourrait se traduire par un plafonnement des volumes d’importation.

Une interdiction ou une limitation de l’import vif au nom du bien-être animal en Israël serait un signal très négatif pour l’ensemble de la filière. Ce serait également un écueil diplomatique important pour l’exécutif israélien : le commerce de bovins vivants étant inclus garanti par les accords de libre-échange Israël-Australie et Israël-UE.

Agroéconomistes à l’Institut de l’élevage, Germain Milet et Cécilia Le-Viol ont réalisé cette étude à partir des bases de données douanières et suite à une enquête de terrain menée en Espagne en octobre dernier.

La cachérisation : un sésame obligatoire

Une contrainte majeure demeure pour les opérateurs désireux d’exporter de la viande vers Israël. Les seuls produits carnés acceptés doivent être casher. Pour exporter en Israël, un abatteur doit donc accepter d’ouvrir ses installations à des rabbins certificateurs issus du Grand rabbinat d’Israël, seul habilité à agréer les viandes. En Europe, seul l’avant des bovins (jusqu’à la 8e côte) peut être considéré casher, le rabbin s’attardera principalement sur l’état des poumons de l’animal. Il recherche un poumon en parfait état, sans trace de perforation (Glatt : lisse en Yiddish). La cachérisation impose également un salage de la viande par passage dans une eau saumâtre. Selon le ministère de l’Agriculture israélien, cette contrainte génère un surcoût de 10 à 15 % au niveau du consommateur, alors même que moins de 50 % de la population israélienne mangerait effectivement casher.

La cachérisation des carcasses est également un écueil majeur pour l’import vif. Selon un abatteur, le taux de cachérisation des carcasses abattues en Israël varierait selon l’origine des animaux. Hors une carcasse casher est bien mieux valorisée qu’une carcasse non casher. Les animaux israéliens élevés en plein air et sous un climat sec présenteraient le meilleur taux de cachérisation, devant les animaux australiens puis les européens. L’exportateur de vif n’a aucun contrôle sur ce paramètre, mais c’est pourtant un point crucial pour la marge de son client importateur, généralement également abatteur.

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