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L’exportation dynamise l’engraissement espagnol

En Espagne, l’activité d’engraissement bénéficie d’une nouvelle dynamique. Depuis 2015, elle est stimulée par les exportations de bétail vivant vers les pays du pourtour méditerranéen. Avec par ricochet une progression des importations de veaux laitiers et de broutards.

En broutards, le prix à la pièce pour le maigre importé ne doit pas dépasser 800 à 950 euros (rendus) pour un poids inférieur à 300 kilos. Les Limousins légers du Sud-Ouest et de l’Ouest de la France sont particulièrement prisés.
© B. Griffoul

Tous les opérateurs de la filière bovine qui travaillent avec l’Espagne se disent impressionnés par les chiffres qui nous proviennent de par-delà les Pyrénées. De 2014 à 2017, les exportations espagnoles d’animaux vivants vers les pays tiers ont été multipliées par 3,4. L’an dernier, l’Espagne a exporté 209 000 bovins de plus de 160 kilos, dont 180 000 hors des frontières de l’Union européenne. Elle est en tête des États membres pour les exportations en vif vers les pays tiers (15 % du total), devant la Hongrie (13 %) et la France (12 %). Cette ouverture aux marchés extérieurs a stimulé les prix de vente des animaux finis et boosté la production nationale. « C’est le Maghreb qui gère le prix de la viande en Espagne », résume José Andres Villellas, un important engraisseur espagnol. « Ce sont les pays tiers qui ont clairement relancé la dynamique de l’engraissement », ajoute Benoît Albinet, directeur commercial de Deltagro Export. La flambée des prix des matières premières et en particulier des céréales en 2007 avait provoqué une chute spectaculaire de l’engraissement. Le point bas a été atteint en 2014 avec une production nette de viande (abattages totaux) de 578 000 téc (tonnes équivalents carcasse). En 2016, elle était déjà remontée à 640 000 téc, proche du point haut de 2008. L’ascension devrait se poursuivre. L’Institut de l’élevage prévoit une production de 648 000 téc en 2018. « En Espagne, on ne trouve plus une étable pour mettre des veaux, alors que trois ans en arrière beaucoup étaient vides », affirme Yvan Armaing, un des commerciaux Espagne de Deltagro Export. De nouvelles constructions émergent ici ou là pour créer des places.

L’arrivée du débouché turc est une « révolution »

Comment ont-ils fait pour ouvrir si rapidement ces nouveaux marchés, alors qu’en France, les actes ont bien du mal à succéder aux intentions ? « Après la suppression des restitutions, nous n’étions plus compétitifs. Nous ne faisions presque plus d’export, expliquait Sebastián Hernández, gérant de Bovi SA, l’un des principaux exportateurs d’animaux vivants, lors d’un colloque (Top Gan), en novembre dernier. Mais, depuis 2010, le changement est très important. Nous avons repris avec le Liban, qui a été le point de départ de ce renouveau et le pays avec lequel nous avons réappris à exporter. » D’autres pays du pourtour méditerranéen se sont ensuite ouverts. La Lybie, qui importe beaucoup d’ovins, mais qui est devenue aujourd’hui le premier importateur de bovins. Expédier les deux espèces sur les mêmes bateaux permet de réduire le coût du fret. L’Égypte, qui importe du bétail à engraisser et prêt à abattre, ou encore l’Algérie. Et, puis un tout nouveau, qui s’est ouvert l’an dernier et suscite beaucoup d’espoir, selon Sebastian Hernández : la Turquie. « C’est une révolution vu son volume d’achat. Du 31 mai 2017 au 24 octobre 2017, nous avons fait quasiment 30 000 jeunes bovins et nous espérons continuer sur ce rythme. » Avec seulement sept mois d’activité, la Turquie représentait déjà 14 % des exportations d’animaux vivants, se situant à la troisième place.

Efforts de l’administration pour ouvrir les marchés

L’exportateur espagnol souligne les efforts faits par l’administration centrale pour faciliter l’ouverture de tous ces pays et obtenir des certificats sanitaires, malgré une situation administrative complexe (Communautés autonomes). « Nous travaillons de façon satisfaisante avec la filière bovine pour développer les exportations, à l’image de ce que nous avons fait pour le porc », confirmait lors de ce même colloque Agustin Vellila, représentant du ministère de l’Économie. Les deux ports, d’où partent les animaux vivants — Tarragone et Carthagène — n’ont pas hésité non plus à faire les investissements nécessaires pour faciliter l’expédition. Carthagène a créé de toutes pièces depuis 2010 deux plateformes d’exportation pour le vif sur le modèle de celui de Sète. La taille des unités d’engraissement facilite aussi la recherche des animaux et le remplissage de bateaux de 1 000 ou 2 500 têtes. Les frais d’approche sont moins élevés et, quand il faut faire des quarantaines, il est plus aisé de trouver des bâtiments adaptés.

« Des mâles jeunes, pas gras, avec une viande claire »

Si l’intendance a l’air de suivre, encore faut-il que les jeunes bovins expédiés vers les pays tiers soient compétitifs sur ces marchés. Ils le sont à double titre. « Les engraisseurs espagnols produisent des mâles jeunes, pas gras, avec une viande claire, qui convient parfaitement au pourtour méditerranéen. Et, ils le font très bien, analyse Germain Milet, de l’Institut de l’élevage. L’Égypte, par exemple, importe beaucoup de viandes indienne et brésilienne, qui ont une mauvaise image. L’abattage sur place de jeunes bovins espagnols permet d’avoir de la viande fraîche, qui se démarque complètement de la viande bas de gamme en termes de tarifs. Même au plus fort de la crise monétaire qui a sévi en Égypte à partir de fin 2015, avec une dévaluation de la monnaie de 80 %, les Espagnols ont réussi à maintenir leurs envois et tenu leurs engagements. » La gamme variée de races, poids et âges permet de satisfaire toutes les demandes.

« Les kilos les plus faciles à faire prendre »

Les Espagnols font aussi preuve d’une excellente compétitivité prix grâce à des coûts de production maîtrisés. Ils sont très vigilants sur le prix des animaux mis en engraissement. Leur premier critère d’achat est le prix à la pièce. Leurs jeunes bovins sont conduits en cycles courts (moins de 16 mois, voire moins d’un an). « Ils produisent les kilos les plus faciles à faire prendre et travaillent avec des indices de consommation bas », explique Benoît Albinet. Le prix de l’aliment est très compétitif. Depuis quatre ans, il est remarquablement stable et, surtout, il coûte 50 euros de moins à la tonne qu’en France. « Pour engraisser une bête, il faut deux tonnes d’aliment. Ils ont donc 100 euros d’avance sur nous », constate le directeur commercial de Deltagro Export. Les coûts de structure (main-d’œuvre, bâtiment) sont moins élevés qu’en France. Et, enfin, le professionnalisme des engraisseurs espagnols est unanimement souligné. « Ils se fixent des objectifs de production très précis en matière d’âge et de poids et ont un suivi nutritionnel très pointu, note Germain Milet. C’est une production très standardisée. » Leur première place européenne à l’export vers les pays tiers ne devrait pas être menacée de si peu.

En 2017

641 000 t de viande (abattages)

275 000 t d’équivalent viande exportées dont 82 000 t d’animaux vivants et 170 000 t de viande fraîche et congelée

209 000 bovins vivants de plus de 160 kg exportés dont 86 % vers les pays tiers

La France, premier fournisseur de veaux et de broutards (AVEC GRAF)

Le puissant rebond de l’engraissement espagnol a logiquement relancé les importations de maigre, le cheptel allaitant et laitier national ne pouvant satisfaire tous les besoins. Sur la période 2012-2017, elles ont bondi de 367 000 à 650 000 têtes, dont deux tiers de petits veaux. Le nombre de veaux importés a été multiplié par 1,8 et celui des broutards par 2,4. La France est aux premières loges pour satisfaire cette demande. Pour les veaux laitiers, l’Espagne est le débouché extérieur quasi unique (94 %) de nos excédents. Et, en matière de broutards (160-300 kg), elle n’importe quasiment plus que des animaux français (85 %) ; le Portugal en fournit 10 % et l’Irlande presque plus (0,9 %). L’Espagne est donc redevenue un marché clé pour les naisseurs français, aussi bien laitiers qu’allaitants. Cet intérêt ne semble pas se démentir sur les premiers mois de 2018. « Aussi bien en veaux qu’en broutards, la demande est plus forte encore en ce début d’année », indique Benoît Albinet. Les cotations fournies par le ministère espagnol de l’Agriculture montrent d’ailleurs des prix en nette hausse en ce début d’année avec mi-juin autour de 0,3 €/kg supplémentaire selon les catégories comparativement à l’an passé.

L’Espagne développe aussi les exportations de viande vers les pays tiers

L’Espagne n’expédie pas que des animaux vivants hors de ses frontières. Depuis 2014, ses exportations de viande sont également en hausse. L’augmentation est moins spectaculaire que celle du bétail vivant, mais elles représentent davantage en tonnage. De 2014 à 2017, le total des exportations de viande bovine est passé de 146 000 à plus de 193 000 téc. La viande fraîche est essentiellement destinée à l’Union européenne (92 %, principalement vers le Portugal, l’Italie, la France et les Pays-Bas). L’Espagne importe beaucoup de viande aussi (132 000 téc). « Le commerce de la viande et l’exportation des animaux vivants contribuent à la stabilité du secteur et au maintien des prix dans le contexte actuel de baisse de la consommation intérieure », analysait le ministère de l’Agriculture espagnol dans sa dernière synthèse annuelle. Le « bateau » offre un meilleur prix que l’abattoir, ce qui n’est pas sans créer quelques tensions entre industriels et exportateurs d’animaux vivants. Comme ailleurs en Europe, la consommation individuelle est en recul. Mais, la consommation apparente se redresse un peu ces dernières années (12,9 kg/habitant en 2016) grâce à une augmentation de la fréquentation touristique.

Standards européens de production

Face à un marché intérieur morose, l’industrie espagnole cherche à s’ouvrir davantage aux marchés extérieurs. « L’internationalisation de la viande bovine espagnole se consolide, poursuivait dans sa synthèse le ministère. Grâce aux efforts conjoints de la production, de l’industrie et des administrations, le nombre de pays avec lesquels existent des accords sanitaires et commerciaux augmente d’année en année. » Le Maghreb, le Proche-Orient et l’Asie du sud-est sont visés par le renforcement et les ouvertures de marchés. Si la France vient de voir les portes de la Chine s’ouvrir, l’Espagne y travaille activement aussi. « Les négociations avec la Chine sont intenses en vue d’obtenir l’ouverture tant espérée de ce marché », affirmait récemment à un confrère espagnol Javier Lopez, directeur de l’interprofession bovine, Provacuno. Créée récemment, elle consacre l’essentiel de son énergie à la promotion de la viande bovine espagnole. Elle vient de lancer une campagne de trois ans sur le thème What a wonderful beef ! (Quel bœuf merveilleux !) qui sera déployée en Arabie saoudite, aux Émirats Arabes Unis, à Hong Kong et au Vietnam.

La FCO, supplice des exportateurs français (AVEC GRAF)

L’exportation de veaux laitiers et broutards vers l’Espagne donnerait aujourd’hui beaucoup de satisfactions aux opérateurs, privés et coopératifs, si elle n’était alourdie par la gestion française de la FCO, que tous, sans exception, jugent calamiteuse. Ils pointent du doigt la différence de réactivité entre les administrations espagnoles et françaises. L’accord sanitaire signé avec l’Espagne pour les échanges d’animaux exige soit la primovaccination complète contre les sérotypes 4 et 8, soit une PCR individuelle négative après désinsectisation. Les veaux de moins de 70 jours issus de mères vaccinées sont acceptés. Henri Gouzenne est négociant dans les Hautes-Pyrénées, spécialisé dans les veaux laitiers. Vice-président export (pour l’Espagne) de la Fédération française des commerçants en bestiaux, il ne décolère pas : « quand le sérotype 4 est arrivé, l’affaire a été réglée en huit jours en Espagne. En France, depuis deux ans et demi, nous n’y sommes toujours pas arrivés. Depuis, nous faisons des PCR sur tous les animaux, qui nous coûtent 20 euros par tête. C’est difficile à supporter pour les entreprises. Et, puis, nous y passons des heures et des heures. Le lundi et le mardi, nous y sommes de 10 heures du soir jusqu’à 2 heures du matin pour faire les prises de sang. »

« Rendre la vaccination obligatoire »

« La différence de prix du transport des animaux vers l’Espagne, par rapport à l’Italie, est absorbée par le coût de la PCR, se désole pour sa part, Yvan Armaing, de Deltagro Export. L’attente des résultats de la PCR et des certificats sanitaires retarde le départ des veaux d’une journée au moins. Il faut les alimenter. Les risques sanitaires sont plus importants. Et, il faut plus de main-d’œuvre. Tout cela a un coût. La FCO désorganise toute la chaîne. » La solution serait pourtant simple, estime Henri Gouzenne : « le mieux aurait été de rendre la vaccination obligatoire. Cela nous aurait permis de conserver des marchés comme la Lybie. Nous continuons à demander cette mesure, mais personne ne veut prendre la décision. » Avec les autres opérateurs, il demande la création d’une section spécialisée « exportation des animaux vivants » du CNOPSAV (Conseil d’orientation de la politique sanitaire), au sein de laquelle ne siégeraient que les organisations concernées, pour faciliter la prise des décisions. L’actuelle section santé animale compte 27 membres. Le négociant du Sud-Ouest regrette aussi que les éleveurs ne pratiquent pas davantage la vaccination volontaire.

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