Aller au contenu principal

Le Brésil, une puissance exportatrice de viande bovine touchée par la pandémie

Si 2020 fut encore une année de records pour le premier exportateur mondial de viande bovine, l’année 2021 s’annonce sous de moins bons auspices. En cause principalement, la pandémie du Covid-19.

« Le Brésil a été plombé par la pandémie du Covid-19 qui a eu des effets dévastateurs sur le PIB (- 6 % en 2020) et le nombre de morts (462 000 morts 'officiels' au 29 mai 2021) », commente Baptiste Buczinski, à l’occasion d’un webinaire sur les marchés mondiaux organisé par l’Institut de l’élevage.

Les perspectives de cette puissance exportatrice sont aujourd’hui assez floues pour plusieurs raisons. À commencer par l’inflation des prix de la viande bovine, de 18 % en 2020 et qui continue sa croissance début 2021. Le chômage post-pandémie représente par ailleurs un réel défi car la fin des allocations est prévue en septembre 2021 ce qui aura un impact direct sur la consommation de viande. « Historiquement la consommation intérieure représente 80 à 82 % de la production de viande bovine produite au Brésil. À cause de la pandémie, le pouvoir d’achat des ménages a baissé et par ricochet cela s’est traduit par un recul du niveau de la consommation intérieure qui ne concernerait désormais guère plus de 76 % de la production du pays », souligne Denise Zucato, du groupe brésilien Agropecuária Vila Rica. Aussi, la reprise économique et le contrôle de l’inflation dans le pays posent question.

Lire aussi : Un accord est conclu avec le Mercosur

Des prix qui s’envolent

À cela s’ajoutent des inquiétudes en lien avec les élections d’octobre 2022. « Les périodes électorales ont généralement une influence sur le taux de change brésilien et par conséquent sur la compétitivité du Brésil pour les exportations. Le coût des intrants et des aliments importés augmente. Or, la nutrition et les engrais représentent de 30 à 70 % du coût de production des bovins. Ceci impacte directement le choix des producteurs de finir ou non les animaux en feed-lots », précise la spécialiste de la viande bovine brésilienne. Malgré un prix de la viande actuellement élevé, la marge des engraisseurs est mise à mal par la hausse encore plus importante des prix du vif et par la forte hausse des cours du soja et des intrants. Les statistiques d’abattage sur le premier trimestre 2021 connaissent un niveau très bas, inégalé depuis 2009.

La production plafonne depuis deux ans. En 2020, elle a baissé de 2 % pour toutes les catégories et tout particulièrement pour les femelles. Toutefois, la baisse de production reste limitée par la hausse de la productivité animale. « Les poids à l’abattage sont en net progrès (270 kg équivalent carcasse, soit + 3 % par rapport à 2019), les politiques de paiements des grands groupes (JBS, Mafrig, Minerva) encourageant les éleveurs en ce sens. Les grilles de paiements visant à optimiser l’âge et le poids à l’abattage des animaux (abattus plus jeunes et plus lourds) », remarque Baptiste Buczinski.

Lire aussi : Accord UE et Mercosur : berlines allemandes contre aloyaux sud-américains

Une production très climato-sensible

Sur les cinq premiers mois de l’année, la baisse de production du Brésil se poursuit pour atteindre - 10 % par rapport à 2020. La faible pluviométrie de l’année 2020 qui s’est prolongée sur le premier trimestre 2021 constitue une autre inquiétude. Les systèmes de production brésiliens restent essentiellement liés à l’herbe, sur des cycles plutôt longs (entre 3 et 4 ans). Ce sont donc des productions très climato-sensibles. La pluviométrie influence en effet grandement les disponibilités en herbe. « Et même si les feed-lots représentent une part toujours plus importante pour la finition, 50 % des bovins sont encore finis exclusivement au pâturage. De plus, une grande partie des engraisseurs mettent les animaux en parcs d’engraissement seulement les trois derniers mois avant l’abattage », note Denise Zucato.

Lire aussi : Les exportations sud-américaines de viande bovine battent encore des records

La Chine, premier client du Brésil

Les exports de bovins vivants sont en net repli (- 41 % en 2020) en raison de la poursuite du recul du débouché turc, en crise depuis plusieurs années. Côté viande bovine, les exportations du Mercosur ont atteint à nouveau un record absolu en 2020, pour la troisième année consécutive. Cette explosion est portée par la Chine et Hong-Kong (+ 25 % par rapport à 2019) et dans une moindre proportion par l’Amérique du Nord, avec notamment l’ouverture du marché étasunien. Partout ailleurs, les expéditions sont en baisse : Russie - 21 %, Moyen-Orient - 32 %, Union européenne. La Chine a pris une place centrale dans les exportations brésiliennes en deux ans seulement. L’empire du milieu a absorbé 44 % des exportations de viande brésilienne en 2020. « La demande chinoise influence la production car elle ne demande que des animaux de moins de 30 mois or l’âge à l’abattage des animaux finis à l’herbe est de 30 à 36 mois contre 18 à 24 mois en feed-lots. À titre d’exemple, en avril 2020 le prix de l’arroba (unité de mesure brésilienne équivalente à pratiquement 15 kg de carcasse) était de 180 réals brésilien, en novembre 2020 à 280 réals et en mars-avril 2021 à plus de 300 réals. Aujourd’hui, on a les yeux rivés sur la réaction post-Covid de ce pays et son appétit pour la viande bovine », conclut Denise Zucato. Les exportations brésiliennes fléchissent sur les cinq premiers mois de 2021. Elles sont en recul de 23 % par rapport à l’année 2020, y compris vers la Chine (- 8 %).

La production abattue plafonne

Chiffres clés

- 244 M de têtes soit ¼ de la production mondiale
- 51,5 M de têtes abattues soit 17 % de la production mondiale
- 10 M téc soit 16,7 % de la production mondiale
- 8 M téc pour le marché intérieur (76 % de la production)
- 38 kg/an consommation par habitant
- 2,48 M téc exportées
- 2,6 M de producteurs ruraux
- 8,5 % part de la filière viande bovine dans le PIB Agro
- 175 M ha de pâturages
- 1,35 tête par hectare de capacité de stockage
Source : USDA 2020.

Le Brésil veut s’acheter une conduite verte

« Depuis peu, on observe un changement des mentalités concernant la déforestation au Brésil que ce soit du côté du secteur privé, public et de la recherche », souligne Denise Zucato d’Agropecuaria Vila Rica.

Côté privé, les trois plus grands abatteurs du Brésil que sont Marfrig, Minerva et JBS (43 % des tonnages abattus au Brésil) ont pris des engagements zéro déforestation. Ils ont également pris des engagements publics sur la traçabilité de leur chaîne d’approvisionnement jusqu’en 2025 et pour le Biome du Cerrado jusqu’en 2030. Aussi, dorénavant les abatteurs sont censés remonter jusqu’aux naisseurs et pas seulement jusqu’à l’engraisseur pour savoir si les animaux qu’ils abattent ne sont pas issus de la déforestation ou de conditions de travail des ouvriers agricoles qui peuvent parfois être analysées comme très proches de l’esclavage. La ferme est dans ce cas exclue de la liste des producteurs pouvant fournir l’abatteur. Autre exemple, la société JBS a créé un fond pour l’Amazonie, destiné à soutenir des projets de restauration des forêts dans cette région. Ce fond est estimé à 1 milliard de réals jusqu’en 2030.

Lire aussi : En Amazonie, les arbres cèdent la place au bétail

Un partenariat privé-public a également vu le jour pour élargir l’engagement des petits et des moyens abattoirs dans le protocole de traçabilité du Biome Amazonie.

La recherche scientifique représente une troisième voie de lutte contre la déforestation au Brésil. Une question se pose sur le découplage de la production de soja, de viande et la déforestation. Aussi, des réflexions ont été engagées sur la viande d’origine certifiée, l’intensification de la production et le paiement pour les services environnementaux (loi passée en 2020).

Les crises fragilisent les pays du Mercosur

Les crises économique, sanitaire et sociale dans les pays du continent sud-américain créent un climat assez délétère dans cette zone, grande exportatrice de viande bovine.

 

 

Le bilan n’est guère plus favorable dans les autres pays du Mercosur (Argentine, Uruguay, Paraguay, Venezuela) qui comptent quatre exportateurs de viande bovine dans le top 10 mondial, Brésil en tête. En Argentine, l’inflation record que le pays a connue en 2020 (+ 54 %) se poursuit en 2021. La viande bovine, encore plus durement touchée, a atteint un taux d’inflation de + 65 % en avril dernier. Dans l’espoir de contenir la flambée des prix, le gouvernement argentin a suspendu les exportations de viande bovine au mois de mai, entraînant une grève des éleveurs. Le contexte économique difficile du pays (surendettement) et la pandémie mondiale liée à la Covid-19 n’ont pas amélioré les choses. Le Venezuela reste empêtré dans une situation compliquée et la Colombie voisine n’est pas dans de meilleures conditions. Tout cet environnement rend la situation aussi instable qu’explosive sur le continent sud-américain.

Lire aussi : L’Argentine, cette usine à bœufs qui tourne au ralenti

Une crise qui s’installe sur plusieurs années

La production de viande bovine est certes très élevée (13 millions de téc) en 2020) mais reste avant tout destinée à la consommation domestique. Cette dernière, en difficulté (perte du pouvoir d’achat) dans l’ensemble des pays du bloc sud-américain, laisse une part toujours plus importante aux exportations (nouveau record atteint en 2020). La croissance dans la zone a été très modérée en 2019 puis plombée face à la pandémie, notamment en Argentine. « Les perspectives économiques du FMI pour 2021 pourraient être revues à la baisse avec la persistance de la pandémie. Quoiqu’il arrive, elles restent plutôt limitées et au mieux, si elles se réalisent, ces pays ne retrouveront pas le PIB par habitant de 2019 avant 2023. Depuis le début de l’année 2021, les cours de la viande bovine convertis en euros comme en dollars ne cessent de progresser, rendant la viande du Mercosur moins compétitive sur les marchés internationaux », expose Baptiste Buzcinski.

Les plus lus

Nicolas Viel élève 60 charolaises en bio en système naisseur sur 105 hectares de prairies. Il travaille seul mais peut compter sur le soutien de sa mère Catherine, qui ...
Installation en bovins viande : « J’ai dû adapter mon projet bâtiment au contexte économique »

Au moment de son installation en 2021, Nicolas Viel, éleveur de charolaises dans le Calvados, s’est lancé dans un projet de…

blonde d'Aquitaine salon de l'agriculture 2024
SIA 2024 : une blonde d'Aquitaine explose les scores des enchères à 28,40 euros le kilo de carcasse

Au Salon de l’Agriculture, l'association Blonde Pays d'Oc a organisé sa fameuse vente prestige ce lundi 26 février 2024. À la…

Photo de Minette et Rafael, champions du concours de la race Blonde d'Aquitaine, et de leurs éleveurs
SIA 2024 : retrouvez la vidéo et le palmarès du concours de la blonde d'Aquitaine au Salon de l'Agriculture

Ce 29 février 2024, quarante animaux de race blonde d'Aquitaine on défilé sur le grand ring du Salon de l'Agriculture à l'…

Vidéo : retrouvez le replay du concours de la race charolaise en direct au Salon de l'Agriculture 2024

Retrouvez ici le direct vidéo du grand ring du Salon International de l'Agriculture (Sia) 2024 à Paris et suivez en live le…

SIA 2024 : retrouvez la vidéo et le palmarès du concours de la race salers au Salon de l'Agriculture

Ce mercredi 28 février 2024 s'est déroulé le concours de la race salers au Salon de l'Agriculture. Sur le ring principal, dix-…

SIA 2024 : Redoutable et Première sont les champions de Paris en race charolaise

Dans un salon de l'agriculture qui avait retrouvé une ambiance plus habituelle, le concours de la race charolaise a consacré…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site bovins viande
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière bovins viande
Consultez les revues bovins viande au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière bovins viande