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"L’analyse du cycle de vie ne peut pas servir de base à un affichage environnemental "

Interbev est engagé de longue date dans une posture d’ouverture sur l’évaluation de l’impact environnemental de la production de viande bovine. Il est nécessaire de poursuivre les travaux pour proposer une méthode complète et robuste pour l’affichage environnemental. Le point avec Jean-François Guihard, son président.

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© S.Bourgeois

Comment analysez-vous le contexte actuel autour des sujets sur la durabilité de la production de viande bovine ?

Jean-François Guihard, président d'Interbev
Jean-François Guihard - Depuis plusieurs années, Interbev s’engage pour faire progresser et évoluer l’ensemble de la chaîne de production de viande vers un modèle encore plus durable et responsable, via notamment son Pacte sociétal, sa démarche collective de responsabilité sociétale lancée en 2017. Cette démarche qui a de nouveau été labellisée par l’Afnor Engagée RSE de niveau 3 sur 4, l’amène à conduire des concertations étroites avec la société : associations, pouvoirs publics et ONG. Mener des concertations avec des parties prenantes parfois en désaccord au premier abord n’empêche pas l’interprofession d’avancer sur différents sujets grâce à sa posture d’ouverture.

Par exemple, dans le cadre de l’expérimentation sur l’affichage environnemental des produits alimentaires, Interbev a organisé des concertations avec plusieurs ONG de protection de l’environnement afin de dialoguer sur les objectifs essentiels à prendre en compte pour évaluer la durabilité d’un élevage et les intégrer à la notation environnementale.

Ces ONG ont notamment rappelé qu’"au regard des méthodes et des données disponibles liées à l’Analyse du cycle de vie (ACV), un affichage environnemental construit uniquement sur cette base serait contreproductif pour les systèmes de production vertueux comme l’élevage de ruminants ».

Sur l’expérimentation de l’affichage environnemental, quelle est votre position ?

J.-F. G. - Interbev estime qu’une méthode d’évaluation reposant uniquement ou très majoritairement sur l’ACV ne peut pas servir de base à un affichage environnemental sur les produits alimentaires, en raison des limites soulevées au cours de l’expérimentation menée en 2021 et à laquelle elle a participé.

Car la base de données Agribalyse de l’Ademe, reposant uniquement sur l’ACV, comporte des lacunes dénoncées à plusieurs reprises par l’Interprofession et rappelées aussi par de nombreux acteurs. En effet, cette méthode ne permet pas de rendre compte des atouts des systèmes de polyculture-élevage en matière d’économie circulaire (bouclage des cycles de l’azote et du carbone, autonomie), ni des bénéfices liés à la valorisation de l’herbe et des surfaces non labourables (question de l’empreinte sol, non concurrence alimentaire, biodiversité).

De plus, l’ACV donne un poids prépondérant aux émissions de gaz à effet de serre, ce qui pénalise systématiquement les systèmes herbivores, du fait des émissions de méthane entériques intrinsèques à ces espèces et de l’utilisation de l’unité du kilo qui impacte fortement les productions à cycle de vie long.

Le rapport gouvernemental, remis récemment au Parlement, fait état de deux scénarios méthodologiques pour la réalisation des calculs de l’impact environnemental des produits alimentaires. Aucun des deux n’est adapté à la viande bovine ?

J.-F. G. - Si l’ajout d’indicateurs complémentaires est bien proposé dans le scénario A, celui-ci n’envisage que des avancées « à la marge » et ne permet pas d’intégrer pleinement des enjeux environnementaux primordiaux tels que la biodiversité.

En effet, la valorisation de la biodiversité n’est proposée qu’au travers des labels de qualité, ce qui exclut la prise en compte de pratiques vertueuses en systèmes conventionnels et ne permet pas de corriger un défaut majeur de l’ACV, à savoir ne pas valoriser les bénéfices des systèmes herbagers et de l’agroécologie au sens large.

De même, le scénario B, même évolutif, ne semble pas une voie souhaitable. Il est donc nécessaire de poursuivre les travaux pour proposer une méthode complète et robuste.

Quelle est votre réaction à cette publication dans une revue scientifique émanant d’Inrae, qui conclut à l’intérêt d’éliminer la viande rouge des menus de cantine scolaire ?

Tout d’abord, l’interprofession alerte sur le fait que dans cette étude, la mesure de l’impact environnemental porte uniquement sur des indicateurs estimés par une approche ACV de chaque aliment. En effet, comme pour toutes les études actuellement réalisées par des nutritionnistes, des économistes ou autres chercheurs, les effets des scénarios sur l’impact environnemental reposent uniquement sur les données d’Agribalyse.

Pour les raisons évoquées précédemment, cette approche est très limitante et ne rend pas compte de l’ensemble des interactions de l’élevage avec l’environnement et néglige des composantes territoriales et agronomiques fondamentales. Rappelons que sans l’élevage ruminant en France, de nombreuses surfaces destinées à l’élevage ne pourraient pas être converties en terres cultivées, car seuls les herbivores ont la capacité de les valoriser pour produire des aliments consommables par l’homme.

Au-delà de l’utilisation même de ces surfaces, le retournement des prairies est à l’origine du relargage du stock de carbone présent sous ces surfaces et conduit à une hausse rapide et importante des émissions de GES. De plus, l’élevage joue un rôle majeur dans la fertilisation des cultures en fournissant des effluents organiques (qui devraient être remplacés par des engrais de synthèse en l’absence d’élevage).

Un rapport du Comité économique et social européen (CESE) publié en décembre 2021, souligne d’ailleurs le rôle central de l’élevage extensif et des engrais organiques dans le maintien d’un système alimentaire efficace et durable, conformément aux nouvelles orientations fixées par le pacte vert pour l’Europe.

Par ailleurs, sur le plan nutritionnel, l’équipe de chercheurs souligne elle-même des limites à cet article, qui remettent en cause la conclusion. Tout d’abord, la biodisponibilité du fer et du zinc n’a pas été prise en compte, ce qui remet en question la bonne couverture des besoins nutritionnels des enfants pour ces deux minéraux. Ensuite, la couverture des besoins pour certains nutriments tels que les acides gras, le calcium, le potassium, le zinc et les vitamines des groupes B, C, D… risque d’être problématique pour certains enfants qui n’ont pas une alimentation équilibrée en dehors de la cantine.

Enfin, nous avons pu remarquer que la base de données des menus ne concerne que des repas servis en école primaire. Ces résultats ne sont donc pas extrapolables à des adolescents en collège et lycée, dont les besoins nutritionnels sont supérieurs à ceux des adultes.

Cette étude oublie enfin le rôle social et éducatif de la cantine qui se doit de proposer à tous les enfants (quelles que soient leurs habitudes alimentaires, leur situation socio-économique, etc.) des menus diversifiés et équilibrés avec des aliments non transformés, dont des viandes rouges de qualité.

Interbev au travers sa démarche de responsabilité sociétale « Aimez la viande, mangez-en mieux. » soutient une consommation de viande rouge française responsable et durable en restauration.

De plus, dans un contexte où la Restauration Hors Domicile reste le premier débouché des viandes importées, l’Interprofession demande la mise en œuvre de moyens pour atteindre les objectifs d’approvisionnement en viandes durables fixés par la loi Climat, soit 60 % minimum de viandes produites durablement dans la toute la restauration collective.

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