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Engraisser des jeunes bovins avec des perspectives incertaines

Le coût alimentaire des ateliers d’engraissement a subi une hausse de 25 % depuis l’an dernier. Parallèlement, le prix de vente des taurillons a, lui aussi, augmenté, compensant ainsi le surcoût des charges opérationnelles. Cette conjoncture inédite interroge sur les possibilités de sécuriser davantage le coût de production de l’éleveur.

jeunes bovins blonde d'aquitaine à l'engraissement
Pour réduire le coût de l’alimentation, la luzerne est un bon compromis dans le contexte actuel de prix élevé des tourteaux de soja. Elle se mélange bien aux autres matières premières.
© J.Guichon

Olivier Devloo, directeur adjoint chez EMC2 élevage, se veut rassurant : « dans ce contexte économique inédit, les sorties d’animaux en 2022 ne posent pas d’inquiétude sur la rentabilité d’un atelier d’engraissement. Par contre, quid d’un effet ciseaux pour les prochaines sorties prévues d’ici huit à neuf mois ? » Selon l’indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa), tous les indicateurs de charges restent à la hausse. Pour 2023, il prévoit un coût des tourteaux et des céréales encore élevé. « Cet automne, contrairement à d’habitude, nous n’avons pas connu de baisse du prix du broutard car les naissances sont moins nombreuses, indique Olivier Devloo. Si le prix de vente de la viande venait à retrouver la situation de l’an dernier avec un coût alimentaire aussi élevé qu’aujourd’hui, alors la situation pourrait devenir inquiétante. Pour atténuer les impacts économiques, plusieurs solutions sont envisageables pour le producteur : achat des aliments selon le principe de couverture, sécurisation du prix de vente du kg de carcasse et développement de l’autonomie alimentaire. »

Le principe de couverture pour sécuriser le coût alimentaire

En 2007, le prix des céréales a flambé. À l’époque, le contexte ne laissait pas présager que cette situation allait durer, contrairement à aujourd’hui. Les conditions actuelles laissent les éleveurs face à un dilemme : interrompre la production en attendant que les marchés se détendent ou continuer de produire malgré des perspectives incertaines ? « La plupart des éleveurs poursuivent l’engraissement malgré ce contexte d’inconnues, constate Olivier Devloo. Par contre, nous rencontrons aussi des situations plus délicates où les éleveurs ne peuvent pas remettre en place des broutards. Suite à une mauvaise récolte de maïs, ils ne disposent plus de fourrage de base et ne prennent pas le risque d’acheter de l’aliment en remplacement. »

Face à cette conjoncture instable, de plus en plus d’éleveurs s’interrogent sur le principe de couverture pour limiter l’effet de la hausse des coûts de production. « L’achat des aliments ou des matières premières en couverture s’effectue pour une durée de 6 à 12 mois à un prix donné et définitif jusqu’à l’échéance du contrat, explique Sébastien Hiblot, technicien en suivi d’engraisseurs spécialisés chez EMC2 élevage. L’éleveur s’engage pour un tonnage donné. Il prend des risques mais s’assure de la disponibilité et du coût de la matière. » Avec du recul, ceux qui ont travaillé en couverture pour la campagne 2022 ont eu raison. « Lorsque le coût des matières premières a tendance à augmenter, ce principe est plus simple à adopter pour l’éleveur, convient Olivier Devloo. C’est un choix sous la responsabilité de chacun. » Sébastien Hiblot précise que « le principe de couverture permet à l’éleveur de quasiment fixer le coût de production de l’animal. Ainsi, le risque d’une augmentation rapide de celui-ci est plus limité durant le cycle de consommation et de présence des animaux ».

Un prix final sécurisé par la coopérative

Depuis plusieurs années, la coopérative EMC2 élevage sécurise les nouveaux investisseurs à travers un prix qui intègre le prix de marché et tient compte du prix de revient des animaux. Ce dernier est calculé mensuellement par la coopérative en fonction des races. Un prix minimum garanti est également défini. En 2022, ce principe s’est étendu à une large majorité des jeunes bovins produits par les adhérents.

« La luzerne en substitution des tourteaux de soja »

Concernant l’engraissement, Quentin et Pascal Bigard (à gauche et au milieu sur la photo), Gaec des Tamaris, à Soncourt-sur-Marne (Haute-Marne), sont conseillés par leur technicien Sébastien Hiblot.

 

« L’alimentation de base pour l’engraissement des bovins se compose de produits issus de l’exploitation : maïs grain humide, orge, paille et depuis peu luzerne enrubannée. Seuls les tourteaux de soja et les minéraux sont achetés. Avant 2021, nous n’intégrions pas de luzerne dans la ration. La hausse du prix des tourteaux de soja nous a fait tenter l’expérience qui s’est avérée satisfaisante. Nous n’avons pas constaté de différence d’appétence pour la nourriture, ni de baisse de performance de croissance. Nous remarquons même moins de problématiques d’acidose.

La luzerne offre un bon compromis technique, économique et logistique. En plus d’être riche en protéines et en minéraux, elle produit de la fibre qui vient déduire nos achats extérieurs de paille. Elle est fauchée puis enrubannée à 50 voire 60 % de MS pour assurer sa bonne conservation. Nous la stockons sur place, ce qui facilite la logistique. Grâce à cette culture, nous réduisons le coût alimentaire de la ration quotidienne : 1 kg de MS de luzerne apporté c’est 600 g de tourteaux de soja en moins.

Depuis 2021, nous achetons 15 hectares de luzerne sur pied à un voisin. Le coût, rendu dans la cour, s’élève à environ 100 €/t de MS. Pour la campagne prochaine, nous avons décidé de produire nous-mêmes 10 ha de luzerne, récoltés en deux à trois coupes en fonction des conditions météo de l’année. Même s’il faut planifier un nouveau chantier de récolte, l’intérêt économique de la luzerne, dans le contexte actuel, est incontestable. De plus, cette légumineuse nous permet de tendre vers davantage d’autonomie protéique. Toutefois, il faut toujours avoir présent à l’esprit le coût de production du kilo de matière sèche de luzerne pour réorienter la ration, dans l’hypothèse d’un retournement du marché des matières premières et donc du tourteau de soja redevenant ainsi plus compétitif. »

168 places de broutards blonds d’Aquitaine et limousins, 240 sorties, 239 jours de présence en moyenne, ration semi-sèche. 35 vaches allaitantes blondes d’Aquitaine, 155 ha de Scop (colza, blé, orge d’hiver et de printemps, maïs, tournesol, lin semences et luzerne) et 60 ha d’herbe.

« Se couvrir pour être rassuré »

Jérémy Monsel et son père Luc à Mareilles (Haute-Marne) engraissent leurs animaux avec des matières premières achetées sur le marché à terme.
 

 

« Hormis l’orge produite sur l’exploitation, j’achète tout le reste des aliments sur le marché à terme (maïs, pulpes de betteraves, tourteaux de colza et de soja). Je m’engage sur un volume d’achat, à un prix fixé quelle que soit l’évolution du marché. J’achète pour une période de 12 mois avec une livraison étalée sur l’année. C’est une couverture qui me rassure et m’apporte la garantie d’avoir la quantité d’aliments dont j’ai besoin. En contrepartie, il faut une bonne gestion de la trésorerie. Les matières premières, soumises aux fluctuations de marché, impactent le coût alimentaire global. Avant la crise économique, la ration quotidienne me coûtait 1,80 euro par jour. Elle est actuellement à 3,21 euros/jour soit 800 euros sur le cycle de l’animal sans compter l’augmentation des frais vétérinaires. Pour optimiser mes charges d’alimentation, je dispose d’une ration flottante d’aliment protéique de 1,525 kg par jour et par jeune bovin. Selon la conjoncture et le prix des tourteaux de colza et de soja, j’adapte le ratio pour obtenir le juste équilibre protéique au meilleur coût. À ce jour, la hausse du prix de la viande compense ces charges opérationnelles, qui, d’après les perspectives, laissent à penser qu’elles ne vont pas diminuer dans l’immédiat. Par contre, quid du prix de la viande ? »

200 places de jeunes bovins blonds d’Aquitaine et limousins, 240 à 250 jours de présence, ration sèche, 100 vaches allaitantes blondes d’Aquitaine, 200 ha de Scop (colza, blé, orge, tournesol, pois et luzerne) et 120 ha d’herbe.

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