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Elevage bovins viande : faut-il allonger la finition des vaches de réforme ?

Avec une conjoncture fortement remodelée depuis un an, il peut être intéressant de revoir les itinéraires techniques de finition des vaches de réforme. Pour la première fois, allonger l’engraissement et alourdir les vaches peut permettre d’améliorer la marge.

Ferme expérimentale Bordes engraissement vaches
Peser les vaches en cours d'engraissement permet de déceler certaines qui ne prennent pas plus de 300 g/jour et qu'il faut mettre en marché sans attendre.
© S.Bourgeois

Si les cours des vaches de réforme atteignent des niveaux inédits, un resserrement des cotations entre catégories de vaches s’est opéré en  même temps. Par rapport à il y a deux ans, cela vaut-il toujours le coup de finir parfaitement les réformes ? C’est une des questions qu’ont abordé Antoine Buteau, ingénieur Arvalis Institut du Végétal et co-gérant de la Ferme Expérimentale des Bordes et Jean-Jacques Bertron, du service production de viande de l’Institut de l’Elevage lors d’une conférence au Sommet de l’Elevage.

Lire aussi : Un essai à la ferme des Bordes croise l’effet de l’âge et de la note d’état sur l’engraissement de Charolaises

 « L’itinéraire de finition des vaches de réforme se définit en fonction du type d’animaux qu’on a, des ressources en stock, et du marché qui est ciblé. Les questions à se poser sont : y-a t’il un intérêt économique à finir ? avec quelle ration ? pour quelle durée d’engraissement ? et en pilotant la finition par la note d’état corporel, je m’arrête quand ? », rappelle Jean-Jacques Bertron. 

Lire aussi : Différents régimes pour l'engraissement des vaches de race Blonde d'Aquitaine

Une vache qui ne réalise pas un minimum de croissance doit toujours être mise en marché au plus vite, quelle que soit la conjoncture,  par rapport au coût de la ration et au temps de travail qu’elle engage. Rappelons que pour un élevage naisseur ou naisseur engraisseur, d’après les données du réseau Inosys en 2024 en race charolaise, les ventes de vaches de réforme engraissées apportent respectivement 40 et 30 % du produit brut des ventes des bovins.

Les vaches jeunes ont des croissances plus homogènes

Un certain nombre de références sur l’engraissement des vaches de réforme datant des années 80 et 90, et la génétique des races allaitantes ayant beaucoup évolué depuis, Arvalis a relancé à partir de 2018 des séries d’essais à la ferme expérimentale des Bordes sur des charolaises.

La première a porté sur l’étude de l’âge et de la note d’état en début d’engraissement. Les jeunes vaches (âgées en moyenne de cinq ans) ont ingéré 15 à 16 kg MS par jour et les âgées (en moyenne elles avaient 11 ans) seulement 14 kg MS/jour. Cette importante différence aboutit sur la durée de l’engraissement a un effet notable sur les performances de croissance : les lots de jeunes vaches ont pris de l’ordre de 1200 g/jour de GMQ  de façon assez homogènes sur toutes les vaches de l’essai, et les âgée seulement de 700 à 800 g/jour en moyenne, avec beaucoup de disparité entre elles. 

Certaines n’ont pris que 200 à 300 g/jour pendant les 100 jours d’essai. La note d’état initial des vaches – NEC inférieure à 1,5 versus NEC supérieure à 2 – n’a pas été discriminante sur les niveaux de croissance constatés. Les vaches recevaient une ration identique à base d’enrubannage de prairie temporaire complémenté avec du blé et du  tourteau de colza.

Lire aussi : Qualité de la viande bovine : jouer sur la densité énergétique de la ration et la durée d’engraissement pour améliorer la note de persillé

La deuxième série d’essais d’Arvalis, conduite de 2020 à 2025, portait sur la durée d’engraissement de vaches charolaises : 90 jours, 120 jours ou 150 jours ? Elle a confirmé que plus l’engraissement est long, plus le poids d’abattage est important. « Les vaches prennent 30 kilos de poids vif en moyenne entre 90 et 120 jours de finition, et 30 autres kilos entre 120 et 150 jours. Leur GMQ moyen reste stable, entre 1100 à 1200 g/jour, pour les trois durées d’engraissement », synthétise Antoine Buteau. La NEC moyenne passe de 3,2 pour le lot engraissé 90 jours, à 3,7 pour 120 jours et 4 pour 150 jours. 

« Nous n’avons pas constaté de différence entre les lots sur le rendement commercial. Par contre la tendance observée est que tout se joue pour la qualité de la carcasse entre 90 et 120 jours de finition », explique l’ingénieur. Les vaches abattues à 90 jours de finition étaient notées R+, celles engraissées plus longtemps étaient toutes entre R+ et U- . La couleur de la viande augmente entre 90 et 120 jours, et reste stable au-delà. Même chose pour le persillé et le marbré : ils sont plus élevés à 120 jours de finition qu’à 90 jours, et il n’y a pas de différence en moyenne entre 120 jours et 150 jours de finition. Le gras d’émoussage a été mesuré pour chaque modalité. En moyenne il passe de 20 kg pour 90 jours de finition à 30 kg pour 120 jours.

Lire aussi : Viande bovine : quel est le niveau actuel de persillé de la viande des vaches allaitantes ?

Allonger l'engraissement si la vache prend au moins 18 kg C par mois

La marge sur coût alimentaire (prix de vente de la vache finie moins le prix auquel elle aurait pu être vendue maigre et les charges d’alimentation) ne varie pas beaucoup selon la durée d’engraissement. En conjoncture très favorable comme celle de l'automne 2025 cependant, avec un cours du gras très élevé et un prix de l'aliment relativement bas, elle est quand même améliorée avec un engraissement sur 150 jours plutôt que sur 90 ou 120 jours (+50 euros de marge sur coût alimentaire entre 120 et 90 jours ; + 50 euros de marge sur coût alimentaire entre 150 et 120 jours).

 

Une marge améliorée avec 150 jours de finition en conjoncture très favorable

Marge "quasi nette" par vache de réforme engraissée (euros)

graphique marge engraissement vaches de réforme

Min = conjoncture minimum : années 2020 et 2021

Moy. = conjoncture moyenne : moyenne des années 2017 à 2024

Max = conjoncture maximum : automne 2025

source : ferme expérimentale des Bordes - Arvalis

 

Sur une marge "quasi-nette", qui tient compte du coût de la distribution de l'alimentation, du paillage, des frais vétérinaires, de l'eau et l'électricité ainsi que du taux de mortalité, les frais peuvent peser. « En moyenne sur les huit dernières campagnes, il faut que la vache gagne 18 kgC par mois supplémentaire d’engraissement, ce qui correspond à une croissance d'au moins 1200 g/j pour compenser les coûts supplémentaires », explique Antoine Buteau. « C'est tout à fait réalisable pour certaines vaches, mais pas pour toutes. Et en allongeant la durée d'engraissement, le risque de mortalité augmente. »

Dans la conjoncture de l'automne 2025, avec des prix du gras élevés et un prix de l'aliment relativement bas, augmenter la durée d’engraissement et donc le poids de carcasse est particulièrement intéressant. « Avec un blé à 190 €/t, la vache grasse à 7,2 €/kgc, la vache maigre à 3.9 €/kgV, la marge est de 63 € pour un engraissement sur 90 jours, 84 € pour un engraissement sur 120 jours et 126 € pour un engraissement sur 150 jours », calcule l'ingénieur. 

Peser les vaches de réforme au moins trois fois 

Pour être susceptibles d’être engraissées, les vaches de réforme doivent être en bonne santé et présenter de bons aplombs. Il faut vérifier que la surface de leur logement et la place à l’auge sont adéquates (8-10 m²/vache, 80 cm de place à l’auge par vache), et qu’elles disposent bien à volonté d’une eau d’abreuvement de qualité. La nature de la ration a peu d’influence du moment que l’équilibre est respecté, avec 0,85 UFV/kg MS et 90 g PDI/UFV comme référence de base. Les céréales sont à distribuer aplaties ou grossièrement moulues, et les concentrés distribués en deux fois par jour si ils représentent plus de 4 kg/jour (ou mélangés aux fourrages). « Nous  préconisons de peser les vaches de réforme au moins trois fois au cours de leur finition pour suivre leur évolution », rappellent Jean-Jacques Berton de l’Institut de l’Elevage et Antoine Buteau d’Arvalis Institut du végétal.


 

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