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D’un système naisseur conventionnel à un système naisseur-engraisseur bio

Au Gaec des Hautes Broudières à Tourouvre au Perche dans le Perche ornais, le passage à l’agriculture biologique a été synonyme d’engraissement de tous les animaux nés sur l’exploitation.

Angeline et Thierry Radiguet se sont installés sur une ancienne ferme laitière, en 1996, à Tourouvre au Perche, dans l’Orne. Pendant vingt ans, ils ont conduit leur troupeau de 125 mères charolaises (quelques limousines au départ) en conventionnel naisseur en tout herbe, avec achat d’aliments pour les broutards. Puis, leur fils Martin leur faisant part de son envie de s’installer, ils ont commencé à réfléchir à l’évolution de leur système.

« Au départ, on souhaitait passer à 150 vaches et engraisser les mâles en taurillons. Les cours ne nous ont pas incités à le faire et les vêlages représentaient un travail important. On avait déjà pensé à l’agriculture biologique et réalisé des formations. L’idée s’est imposée à nous en assistant à des portes ouvertes organisées dans le département », se souvient Angeline Radiguet. Cependant, pour réussir leur conversion, il apparaissait essentiel au couple d’engraisser la totalité des animaux nés sur l’exploitation.

L’opportunité leur a été donnée grâce à l’agrandissement de la SAU de 60 hectares dont 30 labourables. Sur ces parcelles, les exploitants implantent 15 hectares de mélange céréales-protéagineux (70 % de triticale, 10 % d’avoine et 20 % de pois fourragers) et 15 hectares de trèfle violet, en rotation tous les deux ans. La conversion en agriculture biologique a ainsi été engagée en 2016. Martin Radiguet a, quant à lui, rejoint officiellement l’exploitation le 1er janvier 2017.

Le nombre de mères a été progressivement réduit pour atteindre 88 vêlages par an. « Ainsi, nous disposions de la trésorerie nécessaire pour nous lancer dans la finition des mâles en bœufs. Les quarante premiers broutards ont été castrés en 2016 pour être commercialisés dès 2018-2019 », explique Angeline Radiguet.

Des vêlages d’hiver

Les vêlages sont groupés sur janvier-février-mars. De cette manière, les lots des futures reproductrices sont constitués pour une mise à l’herbe fin mars-début avril, en fonction des taureaux présents sur l’exploitation. Au passage en bio, les éleveurs avaient arrêté de donner des bolus. « Nous avions quelques problèmes au moment des mises bas avec des veaux mous. Depuis, nous avons trouvé un bolus bio enrichi en sélénium. Les veaux sont plus vigoureux à la naissance. »

La génétique représente un point important dans la gestion du cheptel des exploitants. Pour les génisses, les éleveurs recherchent des taureaux avec des facilités de naissances, dociles et du lait. En trois ans, une seule césarienne a été réalisée sur une génisse qui a donné naissance à des jumeaux. La production laitière des mères doit être importante car les veaux ne sont jamais complémentés. Les femelles ont un GMQ moyen de 1 100 g/jour, les mâles de 1 151 g/jour. Les éleveurs pèsent eux-mêmes leurs animaux. Pour cela, ils disposent de deux balances, une dans le bâtiment des mères (pesées à l’entrée et à la sortie du bâtiment, pesées des veaux à la mise à l’herbe) et une dans le bâtiment d’engraissement.

La rentrée en bâtiment pour l’hivernage s’effectue le plus tard possible. Généralement en décembre. Les futures mères sont alors alimentées avec du foin, de la paille, du sel et des minéraux. Un hangar, construit lors de l’installation de Martin Radiguet, avec une aide de la région, permet de stocker le foin suivant sa qualité. Le moins bon est accessible en premier, pour réserver ensuite le foin de meilleure qualité aux mères. Après les mises bas, les vaches disposent de foin et de luzerne enrubannée.

Des terres pauvres

« On achète de la luzerne, environ 90 boules minimum. On est obligé d’acheter du fourrage presque tous les ans », note Martin Radiguet. Bien que l’exploitation se situe en Normandie, les terres sont pauvres et les épisodes de sécheresses sont réguliers et conséquents. La moyenne annuelle des précipitations s’élève à 700 millimètres. Les bêtes sont affouragées neuf années sur dix durant la période estivale.

Le sevrage des veaux intervient fin octobre, début novembre. « On en profite pour les peser, les tondre, leur couper le poil au bout des queues et des oreilles et faire le rappel contre l’entérotoxémie. On les pèse à nouveau un mois avant la mise à l’herbe. On réalise également un vaccin antidiarrhéique sur les mères et les veaux », précise le jeune éleveur.

À 1 an et 2 ans, les bœufs ressortent au pâturage. Les différents lots d’animaux sont répartis sur les 13 îlots (de 16 à 35 hectares) dont dispose la ferme. « On a seulement 65 hectares autour des bâtiments. Les autres parcelles sont assez dispersées, jusqu’à 10 kilomètres du siège. » En fin de deuxième année, les 10-12 meilleurs bœufs sont ramenés près des bâtiments pour commencer leur engraissement au champ. Ils partent avant leurs 3 ans.

Ils sont engraissés avec cinq kilos de méteil broyés à la ferme et de l’enrubannage de ray-grass-trèfle. Angeline Radiguet, ancienne technicienne au contrôle laitier, se base beaucoup sur l’aspect des bouses pour adapter la ration des différentes catégories d’animaux. Les bêtes à l’engraissement sont pesées tous les mois, voire tous les 15 jours en fin d’engraissement.

Pilotage de l’exploitation par la pesée

Pour optimiser les ventes, les bœufs ne doivent pas trop dépasser les 450 kg carcasse. Ils partent donc dès que les 850 kg vif sont atteints. Les éleveurs emmènent eux-mêmes leurs animaux à l’abattoir. « On se trouve à 54 kilomètres de l’abattoir d’Alençon. On les conduit par huit (4 vaches/4 bœufs). Cela nous prend 3,5 heures mais on assure le bien-être de nos animaux jusqu’à l’abattage. On économise également 17 centimes du kilomètre pour le transport, soit une économie de 7 000 euros par an », note Angeline Radiguet.

Les bœufs sont généralement classés R + ou U- pour des poids carcasse avoisinant en général les 470 kg. Ils sont engagés deux ans avant mais un ajustement est effectué trois mois avant l’abattage pour une prime planification allant de 35 à 50 centimes du kilo carcasse.

Les génisses sont triées à 2 ans. Elles sont pesées au moment de la mise à l’herbe. Si elles atteignent les 510 kg vif, elles partent à la reproduction. Les autres (en plus des jumelles de mâles) seront engraissées. « On garde généralement les 28 meilleures. Un second tri est fait après le premier vêlage », expliquent les éleveurs.

La docilité fait également partie des critères de choix pour la sélection des futures reproductrices. Les génisses, tout comme les vaches à l’engraissement, sont conduites comme les bœufs. Elles partent à partir de 750 kg vif. « On recherche des animaux aussi profonds que longs. » Les génisses d’1 an disposent d’une ration hivernale à base d’enrubannage de prairies naturelles, d’un kilo de méteil et du foin à volonté. Celles de 2 ans ont de l’enrubannage de deuxième coupe de ray-grass/trèfle violet et du foin.

Implantation d’espèces résistantes

Pour favoriser l’immunité des animaux, des coprologies et tests sérologiques (pepsinogène) sont réalisés. L’année dernière, seuls les animaux de première année ont reçu un traitement. Les prélèvements sont effectués 15 jours à trois semaines après l’entrée en bâtiments. "On est embêté par la piroplasmose sur une parcelle. On met donc un insecticide deux fois par an uniquement sur le lot de génisses avec un taureau."

Depuis l’installation de Martin Radiguet, 60 hectares de prairies ont été ressemés. Les éleveurs ont privilégié les légumineuses dans leurs herbages ainsi que des graminées résistantes à la sécheresse (fétuque élevée et des prés, dactyle, ray-grass tétraploïde et diploïde et diverses variétés de trèfles). « On réalise un diagnostic prairial pour identifier les espèces présentes, avant de ressemer. Cette année, on a effectué un labour puis un semis. Sinon, on effectue trois passages de covercrop et un de herse avant le semis. » Sur les parcelles de méteil grain, 15 tonnes de fumier sont apportées annuellement et entre 10 et 12 tonnes pour les prairies fauchées. Un hersage est réalisé pour étaler les bouses après le retour en bâtiments. Les parcelles subissent de nombreux dégâts de sangliers car elles sont entourées de forêts.

Une castration à l’élastique

Les premiers mâles ont été castrés au torchon. « Cette pratique ne nous convenait pas car douloureuse pour les broutards », souligne Martin Radiguet, avant d’ajouter, « dorénavant, j’utilise un élastique. Il est posé entre les 15 jours à un mois de l’animal. Même si on observe une perte de performances les sept à huit premiers mois, cette technique semble moins douloureuse et les bœufs sont quand même vendus à 36 mois. » L’écornage est quant à lui réalisé au fer.

27 hectares mis à disposition par Terre de liens

Cette année, 27 hectares de la SAU du Gaec des Hautes Broudières ont été rachetés par le réseau associatif Terre de liens puis mis à disposition des éleveurs. « Nous n’avions pas la capacité financière d’acquérir ces hectares vendus par notre propriétaire. On a donc fait un bail de neuf ans, reconductible, à condition que l’on reste en agriculture biologique. Le tarif de la location a été déterminé selon le tarif préfectoral », explique Angeline Radiguet.

Terre de Liens est née en 2003 de la convergence de plusieurs mouvements liant éducation populaire, agriculture biologique et biodynamie, finance éthique, économie circulaire et développement solidaire. Ce réseau facilite l’accès au foncier agricole pour de nouvelles installations.

Chiffres clés

  • 88 mères charolaises, système naisseur-engraisseur de bœufs

  • 235 ha dont 200 de prairies, 15 de cultures (triticale + avoine + pois fourragers) et 15 de trèfle violet

  • 0,93 UGB/ha de SAU

  • 26 % de taux de renouvellement

  • 3 associés (Angeline, Thierry et Martin Radiguet)

  • 367 jours d’IVV

  • 36 mois âge au premier vêlage

 

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