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Au Gaec d’Esparou dans l’Aveyron
« Du croisement charolais pour améliorer croissance et conformation »

Avec des mères Aubrac sélectionnées sur leurs qualités maternelles et du croisement charolais, le Gaec d’Esparou produit un veau par vache par an et optimise les kilos de viande.

Une bonne vache est une vache qui produit, qui ne pose pas de souci et qui revient à l’automne avec un veau de 400 kilos. » Tout est dit ou presque. En tout cas, tout est fait pour y parvenir. Christiane et Christian Pègues du Gaec d’Esparou élèvent 50 mères Aubrac à Montpeyroux dans l’Aveyron. La structure de 70 hectares est groupée, sur deux sites, mais le relief, dans ces contreforts du plateau de l’Aubrac, est prononcé : 15 hectares ne sont accessibles qu’avec un tracteur de pente pour l’entretien. Toute la surface est en prairie permanente. La moitié du cheptel est conduite en croisement charolais. « Au départ, en 1991, nous sommes partis sur le croisement pour améliorer la croissance et la conformation, explique l’éleveur. Nous engraissons des génisses croisées en Fleur d’Aubrac. Le croisement est surtout intéressant pour la voie femelle. Sur les mâles, il n’y a plus assez de différence de prix. » « Il y a un intérêt à maintenir le croisement charolais, qui marche bien, pour valoriser des vaches de format standard mais qui ont un bon potentiel laitier, approuve Hélène Alexandre, technicienne bovin croissance à la chambre d’agriculture. On évite ainsi la moins value de génisses Aubrac qui ne partiraient pas à la reproduction. Les Italiens demandent des animaux lourds et capables de faire de la croissance, mais ils ne valorisent pas la morphologie. C’est pour cela que beaucoup d’éleveurs ont arrêté le croisement. »

« L’insémination permet de travailler avec les index »

Le Gaec achète ses reproducteurs charolais dans sa région. « Je privilégie la croissance et la robustesse. Il faut des taureaux solides dans nos pentes. » Les vaches conduites en race pure sont inséminées. « L’IA permet de travailler avec les index et on peut réutiliser des taureaux s’ils nous satisfont. Pendant vingt ans, nous avons travaillé sur la facilité de naissance, le lait et la docilité des animaux. Ces caractères étant désormais fixés, depuis quelques années, nous essayons d’améliorer la conformation et la croissance. » Les vêlages sont groupés sur janvier et février. Les vaches, à l’attache, sortent tous les jours à partir du 20 mars sur une parcelle proche de l’étable pour détecter les chaleurs. Jusqu’au 15 avril, toutes sont inséminées en Aubrac. Soit une trentaine de vaches parmi les plus précoces et les génisses. Ce qui donne une vingtaine de veaux Aubrac et donc une petite dizaine de génisses de renouvellement (17 %). À partir du 15 avril, elles sortent et rentrent tous les jours mais sur une prairie plus éloignée avec un taureau charolais car la surveillance est plus difficile. Les vaches sont mises définitivement à l’herbe avec les veaux à partir de fin avril et sont réparties en deux lots principaux avec un taureau : 12 vaches avec les mâles les plus lourds, qui seront vendus à l’automne, et une trentaine avec tous les autres veaux. Les génisses pleines vont en estive.

Les vaches font et élèvent un veau par an

Le cheptel n’est pas inscrit au herd-book mais il est suivi en VA4 depuis plus de vingt ans. Christian Pègues est très satisfait de cet outil. « Les index ont permis de travailler les objectifs de sélection — le potentiel laitier, la rusticité… — sans se tromper », appuie Hélène Alexandre. Les résultats sont au rendez-vous : l’intervalle vêlage - vêlage moyen du cheptel est de 366 jours en 2017-2018 (383 jours en moyenne pour les élevages Aubrac du département) et de 383 jours pour les primipares (413 jours pour le département). Christian Pègues n’a pour l’instant pas demandé l’inscription de son cheptel. « Ayant travaillé pendant vingt ans la facilité de naissance et le lait, ça ne se voit pas. Nos vaches ne sont pas des vaches à concours. » Il n’en reste pas moins qu’elles font et élèvent un veau par an (101 % de productivité numérique contre 93,6 % pour le département) grâce au travail de sélection rigoureux et à la technicité. L’index IFNAIS de l’ascendance maternelle est de 104 (100,2 pour la race), l’index Alait de 104,1 (99,4 pour la race), le DSsev de 105 (99,8 pour la race) et l’Ivmat de 107 (98,4 pour la race). Les autres index sont dans la moyenne de la race hormis le DMsev (96,2 contre 98,4). Mais, chaque chose en son temps. Et, les taureaux charolais ramènent ce que les vaches n’ont pas.

Des poids de vente autour de 400 kilos pour mâles et femelles

Le Gaec valorise ses animaux au mieux de leur potentiel. La diversité des productions permet de lisser la trésorerie sur l’année. « Les 12 veaux mâles les plus lourds en fin d’hiver sont menés à part à la pâture. Ce sont les seuls à disposer d’un nourrisseur, à partir de début juin. Ils sont vendus en broutards à 8-9 mois entre 380 et 400 kilos. » Mais, ils ne consomment pas plus de 280 à 300 kilos d’aliment (2 kg/bête/jour) grâce à une conduite pointue du pâturage tournant (lire ci-contre). « Si on donne de l’herbe au bon stade, les vaches ont du lait et les veaux pâturent », observe-t-il. « Les éleveurs qui ont mis en place un pâturage tournant bien suivi ont baissé les consommations de concentré, indique Hélène Alexandre. On gagne un tour de pâturage avec de l’herbe à 16-17 % de MAT, de valeur équivalente à un aliment du commerce. » Les autres mâles (12 environ) sont repoussés jusqu’en février-mars et vendus entre 430 et 450 kilos. Les femelles croisées qui ont le moins de potentiel sont également repoussées sur la même période (380 kilos vifs). Les cinq meilleures sont engraissées en Fleur d’Aubrac à un peu plus de 30 mois. Elles partent de fin octobre à décembre.

Une dizaine d’animaux vendus en vente directe

Les vaches de réforme sont également engraissées, hormis les plus vieilles. La finition a lieu généralement en hiver pendant quatre mois avec le même régime que les génisses Fleur d’Aubrac. Elles sont abattues autour de 360 kilos. Quelques-unes sont labellisées Bœuf fermier Aubrac. Le Gaec d’Esparou fait découper quatre vaches et quatre à six broutards ou veaux repoussés par an pour de la vente directe. Il fait deux abattages au printemps et deux à l’automne. La découpe et la mise en colis sont sous-traitées à un atelier qui récupère directement les carcasses. La vente est organisée en deux tournées (Sud-Est et région de Toulouse) et des expéditions sont effectuées sur Paris. Veau et bœuf sont vendus en colis de 5 ou 10 kilos au prix de 13,70 €/kg. La part d’engraissement est relativement importante pour une exploitation strictement herbagère. Mais, la bonne valorisation de l’herbe permet de produire 25 tonnes de viande, soit 320 kilos par UGB, avec seulement 400 kilos de concentré par UGB. Quand il faut l’acheter, on est sans doute moins dispendieux.

Chiffres clés

70 ha de SAU tout en prairies permanentes

50 mères Aubrac

1,1 UGB/ha SFP

2 UMO (dont une part consacrée à des chambres d’hôtes)

Une longue pratique du pâturage tournant

Christian Pègues pratique le pâturage tournant depuis près de trente ans. André Voisin fut son modèle. Mais, il a dû trouver ses propres repères pour ne pas « se faire déborder ». Le relief du parcellaire pâturé ne permet pas de débrayer des paddocks vers la fauche. L’éleveur joue sur les différences de précocité et de fertilité des parcelles, orientées nord à nord-est. « Il m’a fallu un peu de temps pour trouver le bon circuit. » Point le plus important à ses yeux : « Il ne faut pas hésiter à sortir de bonne heure. On a tendance à vouloir laisser l’herbe prendre de l’avance, c’est une erreur. » Il se fie aux sommes de températures et aux hauteurs d’herbe (à vue). « La norme est de terminer le déprimage à 500 °C. Je préfère l’arrêter à 450 °C, début mai, sinon l’herbe prend trop d’avance. J’attaque le premier tour de pâturage à 12 centimètres de hauteur et les suivants à 15 centimètres. Au premier tour, j’essaie d’aller assez vite sans attendre que toute l’herbe soit consommée. Je n’attends pas que les vaches aient envie de changer de pré. J’essaye de l’avoir terminé vers le 20-25 mai. Le deuxième tour est un peu plus long. Les repousses des prairies de fauche sont pâturées à partir de fin juillet. » Les deux lots principaux de vaches tournent sur six à sept parcelles.

 

Prévenir les problèmes sanitaires

Les frais vétérinaires sont particulièrement maîtrisés (25 €/UGB) grâce à un maximum de prévention : vaccination des vaches (BVD et fièvre Q) et des veaux (entérotoxémie et maladies respiratoires). Les traitements antiparasitaires (douves, strongles) sont ciblés sur la base d’analyses de sang et de coprologies. Seuls les veaux destinés à la vente sont traités systématiquement au cours de l’été. L’homéopathie est fréquemment utilisée : « on peut traiter beaucoup de choses : grippe si on intervient assez tôt, mammites, préparation au vêlage et vêlage difficile, veau qui ne tète pas, gestion des strongles… » L’ajustement des rations avant et après vêlage a permis aussi de réduire les maladies néonatales. Elles sont calculées tous les ans sur la base d’analyses de fourrages. « Cet hiver, nous avons inversé la proportion céréale/tourteau par rapport à la campagne précédente », explique Hélène Alexandre. Les vaches ont 400 g/jour de tourteau de colza durant tout l’hiver et les primipares 600 g de céréales en plus à partir du vêlage. Les mères ont du minéral toute l’année : un mélange de 70 g de CMV et 30 g de sel par jour distribué à l’auge avec le tourteau en hiver ; un mélange comprenant un tiers de CMV et deux tiers de sel à disposition dans des bacs pendant la période de pâture. Les petits veaux ont de l’argile à disposition dans leur parc.

Avis d’expert, Hélène Alexandre, chambre d’agriculture de l’Aveyron

« Tout arrive au bon moment »

« Le système est rodé. Il est basé sur un équilibre sol-troupeau-éleveur avec un troupeau à taille humaine, une conduite raisonnée et un éleveur qui arrive à faire le travail, à l’anticiper et à tout gérer sans jamais être prix au dépourvu. Tout arrive au bon moment. L’outil génétique est optimisé grâce à une part importante d’IA et, là où il y a un peu moins de potentiel, le Charolais vient combler ces manques. Cette part de croisement est intéressante aussi pour valoriser une viande un peu plus précoce et faire vivre la filière de qualité. La gestion des rations et de la partie minérale est anticipé, avant que les bêtes ne rentrent, de façon à avoir des veaux en bonne santé et de bons résultats de reproduction. L’utilisation des médecines alternatives permet de replacer l’éleveur au centre et lui fait mieux observer ses animaux. Tout cela fonctionne bien mais rien n’est figé. L’éleveur est toujours ouvert à de nouvelles idées pour continuer à améliorer les choses. Il est moteur dans des groupes de travail, notamment sur le partage des résultats. »

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