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Disparition des haies : la tendance peut-elle s'inverser ?

Le phénomène de disparition des haies se poursuit malgré un contexte réglementaire censé les protéger. Des leviers sont pourtant accessibles pour favoriser leur maintien. D’autant que les services qu’elles rendent aux agriculteurs et au territoire sont de plus en plus reconnus.

Au-delà des projets de nouvelles plantations, le maintien et la réhabilitation des linéaires existants est l'un des enjeux autour des haies.
Au-delà des projets de nouvelles plantations, le maintien et la réhabilitation des linéaires existants est l'un des enjeux autour des haies.
© C. Gloria

Le gouvernement vient de présenter son pacte en faveur de la haie. Une réponse à la perte annuelle moyenne de linéaires de haies qui serait passée de 10 400 km par an entre 2006 et 2014 à 23 571 km par an entre 2017 et 2021 malgré une dynamique de plantation de 3 000 km/an. Ces chiffres rapportés par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) à partir de données Agreste traitées par l’Afac Agroforesteries (Organisme national à vocation agricole et rurale) et l’association Solagro, ont de quoi questionner mais sont à rapprocher de l’évolution de la réglementation, qui pourtant semble protéger les haies.

L’état actuel des haies est également pointé par le rapport. Héritées de l’embocagement de la France il y a plusieurs centaines d’années, les plus anciennes sont victimes de dépérissement. Les agriculteurs les considèrent alors comme contraignantes, leur reconnaissant difficilement une valeur technique ou économique. Elles deviennent alors subies pour les agriculteurs, qui ont parfois du mal à y trouver un intérêt dans leur système d’exploitation. Pourtant, les arguments en faveur de leur préservation ne manquent pas, bien que les incitations financières soient encore timides.

« La gestion d’emprise de la haie, qui consiste à tailler mécaniquement les haies au cordeau, grâce à des broyeuses ou des épareuses, contribue à accélérer le vieillissement des haies, précise Catherine Moret, secrétaire générale de l’AFAC-Agroforesteries. À cela s’ajoutent les effets du réchauffement climatique. Des trouées s’installent, on ne laisse pas repousser entre les arbres. Quand il n’en reste plus que trois, il ne s’agit plus d’une haie bénéficiant de la protection réglementaire face à l’arrachage. »

cartographie des haies en France

La gestion actuelle des haies est donc l’un des enjeux clés de leur maintien. Sur ce point, les agriculteurs peuvent se retrouver démunis, puisqu’il s’agit de mettre en œuvre de véritables techniques sylvicoles pour le renouvellement des haies. « La dynamique de repousse sur la souche mère va dépendre des conditions de coupe, qui sont très importantes, poursuit Catherine Moret. Il faut pouvoir raisonner les haies comme un véritable atelier, à l’instar du blé ou des vaches. On a besoin de faire reconnaître la valeur de l’arbre pour l’agriculteur, au travers du service rendu au système agronomique, mais aussi par le biais d’un atelier dédié à sa valorisation économique, quand la production de biomasse est possible. » Sur ce point, la mise en place d’une dynamique multipartenariale et territoriale est déterminante.

Des insectes auxiliaires au service des cultures

Pour autant, certains agriculteurs sont déjà convaincus des effets bénéfiques des haies, au-delà de la valorisation du bois qu’ils peuvent en tirer. « On constate l’effet des haies en système de grandes cultures sur les insectes auxiliaires, constate Yann Pivain, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Eure et animateur d’un GIEE rassemblant une douzaine d’agriculteurs autour de l’agroforesterie. Des agriculteurs nous rapportent l’intérêt du caractère brise-vent, surtout face à des vents d’est desséchants au printemps. Sur les sols sensibles à la battance, dans un contexte d’évolution du climat où nous sommes parfois confrontés à des pluies intenses, les haies sont intéressantes face au ruissellement et limitent l’érosion. On peut également mentionner la valorisation du bois déchiqueté en amendement organique des sols. »

Pour Bernard de Franssu, producteur de grandes cultures à Villers-Chatel dans les Hauts-de-France, l’implantation de haies dans son système a d’abord été réalisée dans une optique de réduction de l’érosion des sols. Mais au fur et à mesure, la vision des haies sous le spectre du service rendu à la population s’est imposée. « La haie plaît aux habitants, et elle freine les coulées de boue, explique Bernard de Franssu. L’intérêt pour la biodiversité est également à souligner : les haies sont habitées par des oiseaux et des insectes qui peuvent avoir une influence positive sur les cultures annexes. »

Gains de rendement de 10 à 20 %

Le programme Resp’Haies a permis de travailler sur les atouts de la haie à l’échelle de la parcelle. « La diminution de rendement sur les bords de la parcelle, où sont positionnées les haies, va être compensée par des gains de rendement au milieu du champ, de l’ordre de 10 à 20 % dans les blés », relate la secrétaire générale de l’Afac Agroforesteries. Les données technico-économiques et les références de Resp’Haies sont étoffées par le biais de calculs de marges brutes à l’hectare ou de coûts de production, permettant aux agriculteurs de mieux appréhender les haies comme un véritable atelier de production.

Concernant l’incitation financière pour favoriser les haies, 2023 marque un tournant dans le regard politique porté sur la haie. « Cette année, pour la première fois, la PAC reconnaît la valeur sociétale de la haie et octroie notamment un bonus dans l’écorégime, se réjouit Catherine Moret. Pour autant, peu d’agriculteurs bénéficient de ce bonus, qui équivaut à 7 euros de l’hectare. Il faudrait qu’il soit plus rémunérateur. De plus, il faut pouvoir faire labelliser ses haies. »

Le Label Haie vise à mettre en avant une gestion durable tout en assurant un ancrage local et durable du bois issu du bocage. Des dispositifs incitatifs comme les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) vont également en faveur du développement des haies en France. D’autres acteurs économiques prennent part à l’engouement, c’est notamment le cas au travers du Fonds pour l’arbre qui, grâce à la collecte de financements privés, contribue au développement de projets liés aux haies. Enfin, d’autres moyens de valorisation économique tels que les crédits carbone s’invitent aux débats quant à la gestion des haies en France.

L’effet contreproductif de la PAC sur les haies

« Depuis la réforme de la PAC de 2013, entrée en vigueur en 2015, les haies bénéficient de deux protections contre la destruction, expliquent les rapporteurs du CGAAER. De nombreux exploitants agricoles auraient supprimé des haies avant ou au cours de l’année 2015, de crainte de les voir sanctuarisées. » De plus, dans le cadre de la précédente PAC, la définition induite par la BCAE 7 (qui concernait le maintien des particularités topographiques), caractérisée par une végétation continue, a pu accentuer le phénomène. « Cette situation a conduit certains exploitants agricoles à supprimer la végétation ligneuse entre des arbres au sein d’une haie afin de pouvoir requalifier la haie en alignement d’arbres et la soustraire aux exigences de la BCAE 7 », conclut le CGAAER.

Qu’est-ce qu’une haie ?

Dans le cadre de la PAC, il s’agit d’une unité linéaire de végétation ligneuse, d’une largeur inférieure ou égale à vingt mètres, implantée à plat, sur talus ou sur creux, avec :
- une présence d’arbustes et, le cas échéant, une présence d’arbres et/ou d’autres ligneux (ronces, genêts, ajoncs…) ;
- ou une présence d’arbres et d’autres ligneux (ronces, genêts, ajoncs…).

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