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Des calculs urinaires très fréquents chez les JB en Alsace

Marc Peterschmitt, vétérinaire pour une organisation de producteurs alsacienne, a observé à l’abattoir des lésions du système urinaire graves et très fréquentes sur les jeunes bovins. Cette pathologie mal connue a des impacts zootechniques largement sous-estimés.

Durant l’été 2014, en l’intervalle de six semaines, Marc Peterschmitt, qui était alors vétérinaire conseil du groupement Copvial, a constaté huit cas d’occlusion urinaire sur des jeunes bovins à l’engraissement dans des ateliers spécialisés dont il assure le suivi en Alsace. L’autopsie et l’analyse des calculs urinaires du premier cas ont révélé qu’il s’agissait de struvites, un type de calcul urinaire relativement classique en engraissement, composé de phosphates d’ammonium et de magnésium. Cette pathologie n’étant plus réputée pour être courante sur les jeunes bovins depuis les améliorations portées en formulation minérale des rations d’engraissement, beaucoup de questions se sont alors posées. Pourquoi cette « épidémie » ? Le vétérinaire a mené l’enquête.

De juin 2014 à janvier 2016, il a contrôlé à l’abattoir le système urinaire de 6 295 jeunes bovins (soit approximativement 50 % des animaux issus sur cette période des élevages qu’il suit) dont 1 067 étaient de type laitier, 988 mixtes et 4 240 de races à viande. « Les symptômes qui peuvent être observés sur les animaux vivants et qui se soldent par leur mort ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, constate Marc Peterschmitt. Sur beaucoup d’animaux, il y a des lésions plus ou moins importantes qu’on ne décelait pas de leur vivant. Les animaux avaient ressenti un malaise, des douleurs. Ces lésions impactent forcément la santé et donc les performances des animaux. Au vu de ces résultats, on peut même se demander si les mictions saccadées, bruyantes, voire avec une cambrure et des spasmes du train arrière, ne seraient pas une expression clinique de ces lésions observées à l’abattoir. »

2,6 % des jeunes bovins de race à viande en sub-occlusion à l’abattage

Si on considère uniquement les jeunes bovins de race à viande, 2,6 % d’entre eux se sont révélés en sub-occlusion, c’est-à-dire qu’ils présentaient des calculs en quantité très importante et au moins un calcul dont la taille était à même de boucher le canal urinaire incessamment. C’est déjà considérable. Mais en plus, un jeune bovin sur deux présentait une inflammation d’origine mécanique de la vessie (cystite), pour deux animaux sur trois la présence de sable dans la vessie (éléments minéraux de moins de 3 mm de diamètre) a été observée, et un sur deux avait des calculs (éléments de plus de 3 mm de diamètre). Et pour 10 % d’entre eux, les lésions étaient sévères (sub-occlusion et/ou cystite très marquée).

Le Charolais s’est révélé la race présentant significativement le plus de risques, devant l’Aubrac, puis le Gascon, le Salers. Le Limousin, le Blond et le Rouge des Prés semblent nettement moins prédisposés. Les jeunes bovins de race mixte et laitières sont impactés eux aussi mais dans des proportions sensiblement moindres(1). Par contre, les bœufs et les taureaux de réforme, et plus nettement encore les femelles, le sont moins que les jeunes bovins d’après l’observation à l’abattoir faite sur 50 à 100 animaux de chacune de ces catégories.

Des explications difficiles à trouver en l’état des connaissances

L’interprétation de ces résultats n’est pas facile car ils montrent un très fort « effet élevage », bien difficile à explorer car résultant de conditions de logement, de pratiques de l’éleveur, de la composition de la ration…

Les élevages concernés n’utilisaient pas de moyen d’acidification des urines pour prévenir la formation de calculs (chlorure d’ammonium dans l’alimentation). Tous distribuaient du sel pur dans les mêmes proportions. « Cette quantité de sel est très probablement insuffisante pour inciter les animaux à boire suffisamment », estime Marc Peterschmitt. Il n’a pas été observé de corrélation entre les lésions et la richesse en magnésium de la ration. L’effet de la saison – les occlusions urinaires sont survenues en été – pourrait être dû à une aggravation entre abreuvement insuffisant, moindre salivation et forte transpiration. Peut-être les calculs peuvent-ils se dissoudre selon les conditions ? « Personne ne semble vraiment connaître cette maladie parmi les vétérinaires spécialistes des jeunes bovins à l’engraissement dans les autres organisations de producteurs. Il faudrait mener d’autres recherches pour en savoir plus. »

Marc Peterschmitt insiste sur une corrélation significative (0,6) entre le degré d’atteinte des organes urinaires et le niveau de GMQ : les animaux à plus fort potentiel de croissance présentent les lésions les plus graves, et en pâtissent d’autant plus qu’ils sont abattus vieux.

« J’ai, d’autre part, observé que les lésions sont plus fréquentes sur les animaux engraissés dans le Ried (NDLR : région alsacienne bordée à l’Ouest par l’Ill et à l’Est par le Rhin et qui se situe entre Strasbourg et Colmar ; elle a été modelé par les divagations du Rhin avant sa canalisation). Des analyses ultérieures des calculs m’ont amené à penser qu’il s’agissait sans doute plutôt d’une concrétion entre des struvites et de la terre ingérée, explique Marc Peterschmitt.Dans cette zone alsacienne, la nappe phréatique est peu profonde et l’abreuvement des animaux est souvent réalisé à partir de captages qui auraient pu être sujets à une pollution par ruissellement. L’élevage présentant le plus de cas mortels en 2014 (trois jeunes bovins sur 100 places) était dans sa première année de production avec un abreuvement sur forage : nous avons été obligés d’incorporer un deuxième filtre sur le circuit parce que le premier se remplissait de sable. Eau très calcaire, lavage insatisfaisant des betteraves qui avaient été récoltées dans des conditions pluvieuses l’année précédente… Cela reste des spéculations plus ou moins étayées à ce stade. »

(1) Jeunes bovins races mixtes : ¼ cystite, ½ sable, 1/3 calcul urinaire, 1/25 lésions sévères. Jeunes bovins races laitières : 1/5 cystite, ½ sable, ¼ calcul urinaire, 2/100 lésions sévères. En races laitières, le Simmental présentait le plus de risques devant le Montbéliard puis le Holstein.

Une maladie silencieuse

Les éleveurs ne constatent pas de symptômes quand des lésions urinaires se développent sur jeunes bovins. Si une colique liée à la présence de « sable » dans l’urine se développe, on observe que le jeune bovin ne va pas manger. Il n’a pas de température, mais il fait des efforts de contraction abdominale sans parvenir à uriner. Le vétérinaire peut traiter la douleur en administrant un antispasmodique et un anti-inflammatoire. Si une occlusion se produit, comme le rein continue de travailler, l’urine s’accumule ce qui conduit au déchirement de la vessie, puis à une dilatation de l’abdomen et des testicules, due à l’accumulation de l’urine. Pour ces cas observés en Alsace, les animaux ont tous dû être euthanasiés parce que les éleveurs avaient diagnostiqué les cas et appelé le vétérinaire trop tardivement. Le seul traitement possible est chirurgical, coûteux et assez compliqué, et les éleveurs n’ont pas souhaité prendre de risque.

Un abreuvoir pour 10 à 15 jeunes bovins avec un débit de 10 à 15 litres par minute

Le débit de plus de 300 abreuvoirs a été contrôlé dans le cadre de cette étude. La recommandation est qu’un abreuvoir doit être proposé pour 10 à 15 jeunes bovins et il doit assurer un débit de 10 à 15 litres par minute. « Les abreuvoirs à palette ou à pipette, bien réglés, permettent plus facilement de respecter cette recommandation que les abreuvoirs à niveau constant », constate Marc Peterschmitt. Les installations n’étaient en moyenne conformes à la recommandation que dans quatre ateliers d’engraissement parmi les trente-neuf contrôlés (et pas pour tous les abreuvoirs d’un atelier donné). La fréquentation des abreuvoirs n’a pas pu être étudiée ici. « Je suis partisan de l’installation des abreuvoirs en milieu de travée, souligne Marc Peterschmitt. Quand ils sont au fond, les animaux doivent déranger ceux qui sont sur l’aire de couchage pour aller boire, ce qui peut être un frein. De même, si les abreuvoirs sont devant, ils sont moins facilement fréquentés tout le temps que d’autres animaux stationnent à l’auge pour manger et seront plus facilement bouchés lors d’un paillage par l’extérieur. » De plus, les abreuvoirs installés en milieu de travée sont plus faciles d’accès pour les éleveurs que ceux installés au fond. Les éleveurs iront donc plus volontiers vérifier leur fonctionnement et les nettoyer.

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