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De la sécurité avec des méteils semés sous couvert de prairies

Chez Denis Briantais en Indre-et-Loire. L’éleveur s’est relevé des crues de 2016 et a passé 2018 sans trop de problèmes, grâce en particulier à un méteil seigle-vesce enrubanné, à une association triticale-féverole et à une bonne gestion du pâturage.

Installé à Huismes en Indre-et-Loire, Denis Briantais fait vêler 60 Limousines sur six semaines, entre septembre et octobre, et engraisse les femelles de réforme et quelques veaux rosés. Le troupeau valorise en particulier 55 ha de prairies inondables situées entre l’Indre et la Loire. La partie en cultures de l’exploitation présente des sols dans l’ensemble à faible réserve en eau. Le potentiel est même très limité (35 qx en blé) sur une partie des surfaces. Denis Briantais produit 8 ha de blé, 16 ha de triticale, 6 ha de tournesol et des semences de luzerne (13 ha) sur une SAU totale de 160 ha. Dans ce système en conversion bio depuis l’automne dernier, la luzerne fourrage occupe une place croissante dans l’alimentation du troupeau et occupe cette année 15 ha.

Denis Briantais pratique le semis de luzerne sous couvert d’une association seigle-vesce. Cette année, il en a implanté sur 10,5 ha. Après deux déchaumages, il sème 40 kg de seigle forestier, 20 kg de vesce et 30 kg de luzerne en un passage. Le semis a été réalisé tard, le 22 octobre, car le sol était trop sec auparavant. Mais en ce printemps, les trois espèces sont bien là et en forme. Aucune autre intervention n’est réalisée. Le même itinéraire est suivi pour l’implantation d’une prairie multiespèce. Denis Briantais a choisi un mélange du commerce composé de 30 % de fétuque, 15 % de dactyle, 15 % de RGA diploïde, 10 % de pâturin, 20 % de lotier et deux trèfles blancs (5 % chacun). Gros bémol cependant pour cette année : l’éleveur est dépité car il a subi d’importants dégâts de cervidés sur une des parcelles située en bordure de la forêt domaniale de Chinon. « Les clôtures ne font que déplacer le problème. Il faut absolument une gestion responsable des populations. »

En avril, le seigle et la vesce avec ce qui a poussé de luzerne ou de multiespèce fournissent une première coupe, qui est enrubannée au stade dernière feuille du seigle. Puis l’exploitation de la luzerne ou de la prairie multiespèce se poursuit de façon classique en enrubannage et en foin. « J’engraisse les génisses et les vaches avec ce méteil enrubanné. C’est très économique et très simple. Je déroule simplement une balle devant les cornadis », explique Denis Briantais. L’an dernier, avec une récolte le 20 avril, le rendement a été de 4,2 tMS/ha. « Ce fourrage contient 19 % de MAT et apporte 1 UF. Après trois mois de distribution à volonté, mon lot de génisses et vaches de l’année dernière a donné des carcasses de 450 kg, classées U- ou U =, avec une note d’engraissement correcte. » Du foin leur était proposé mais elles n’en ont pas consommé. Ce fourrage est aussi distribué rationné en complément d’un foin aux vaches suitées pendant la période de reproduction. Sachant que pour le reste de l’hiver, elles consomment du foin de prairie et de luzerne.

Triticale et féverole : une association passe-partout

Denis Briantais produit également depuis cette année une association récoltée en grain, qui est destinée aux veaux. Il s’agit d’un mélange triticale féverole. Derrière un blé, sont semés 100 kg de triticale et 100 kg de féverole. « Cette année, j’ai semé en deux passages la même semaine : la féverole avec un semoir à dents à 8 à 9 centimètres de profondeur pour éviter qu’elle ne gèle, et le triticale au semavator dans le flux de terre », explique l’éleveur qui pratique deux faux semis avant cela. Cela a été début décembre. Un passage de herse étrille est réalisé en mars. Du fumier ainsi que du soufre (50 unités) avaient été apportés à l’automne, et de la magnésie (20 unités) au printemps. Un autre passage de herse étrille sera probablement utile en fonction du salissement et si la météo le permet au cours du printemps. Ce mélange se récolte à la moissonneuse juste après le blé. « Nous avons essayé beaucoup d’associations dans nos conditions ici, et celle-ci est la plus passe-partout », explique Stéphane David, expert fourrages à la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. « Le méteil grain triticale et féverole a toujours assuré jusqu’à présent un rendement, variant de 40 à 62 quintaux, et sa valeur alimentaire est stable et bonne, à 1 UF et 18 % de MAT. » Denis Briantais distribue ce mélange aux veaux. L’aplatissage est confié à un prestataire passant sur l’élevage avec son camion, (coût 3 euros/t environ). Les veaux commencent à en consommer vers l’âge de 4 mois, de façon rationnée au départ puis pratiquement à volonté. Ils sont séparés des mères la journée. Au moment du sevrage et de la vente, les mâles en consomment 3 à 4 kg par jour. Les femelles sortent au pâturage avec leurs mères et sont sevrées plus tard.

Moins de surfaces récoltées en foin

Denis Briantais a également travaillé, pour apporter encore de la sécurité au système fourrager, sur la productivité de ses prairies de bord de rivière (80 % d’entre elles sont classées « espace sensible »). Il enrubanne systématiquement des fauches précoces vers le 25 avril. Depuis cinq ans, il a mis en place du pâturage tournant. La méthode est issue de celle d’Arvalis, diffusée dans le cadre du programme Herbe et fourrages Centre-Val-de-Loire, avec une exploitation des parcelles entre 5 et 15 cm de hauteur et des paddocks correspondants à 4 ou 5 jours de pâturage au printemps. Pour le lot de vaches suitées de femelles, l’an dernier, la croissance des veaux a été de 1 100 g/j entre la sortie à l’herbe et le sevrage. « Certaines parcelles étaient petites et bien dimensionnées pour le pâturage tournant. D’autres ont été recloisonnées. Je me suis équipé d’un électrificateur autonome solaire », explique Denis Briantais. Deux parcelles, de 5 et 3 ha, après arrachage des peupliers sous maîtrise d’œuvre du Parc naturel régional, ont été implantées avec une multiespèce. « Ces prairies ont survécu à juin 2016, alors qu’elles sont restées très longtemps sous l’eau. Mais une partie a dû être refaite et la flore a évolué vers moins de qualité fourragère. Les prairies naturelles, elles, sont bien reparties et ont conservé leur flore d’origine après cet épisode, observe l’éleveur. Les crues d’hiver sont moins importantes ces dernières années. Nous craignons beaucoup plus que les crues de printemps soient plus fréquentes. »

Ces dernières années, le système fourrager a évolué vers moins de surfaces récoltées en foin. Ce dernier représente désormais moins de la moitié des stocks. Beaucoup plus de fauches précoces sont réalisées. « Au 1er mai, j’ai récolté de quoi assurer le stock hivernal. » Dans le plan fourrager, une marge de 20 % par rapport aux besoins hivernaux est incluse pour disposer de fourrage à distribuer l’été. L’an dernier, c’est à partir de mi-juillet que du foin a été apporté au pré aux animaux mais le pâturage a été poursuivi tout l’été. Et à l’issue de cet hiver, il reste en stock un certain nombre de balles d’enrubannage, représentant deux à trois mois d’alimentation pour tout le troupeau soit un demi-hiver. De quoi rester assez serein en consultant les prévisions météo durant les mois à venir.

 

 

Avis d’expert, Stéphane David, expert fourrages à la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire

"Pouvoir semer plus tard et assurer du rendement"

"Semer des fourragères sous couvert d’un méteil seigle vesce permet de décaler la date de semis des fourragères à une période où on se donne davantage de chances de tomber au moment du retour de la pluie. Ce type d’association se sème en effet fin septembre-début octobre, au lieu d’entre le 15 août et 1er septembre – préconisations pour le semis des fourragères seules. En Indre-et-Loire, à l’automne 2018, la pluie est revenue vers le 15 septembre.
L’autre avantage de ce méteil est de doper la première coupe. Si la date de récolte a varié entre le 10 et le 20 avril dans nos essais en 2018, le rendement a très peu varié et s’établit entre 4 et 4,5 tMS/ha. Cette culture apporte donc une certaine assurance sur le niveau du rendement. La valeur alimentaire est stable autour de 0,85 UF et 179 g de MAT.
Enfin, cette technique évite le salissement de la prairie, qui ainsi n’a pas besoin d’être desherbée au printemps et présente une bonne implantation."

En savoir plus

Un groupe de développement dans le cadre d’Écophyto2

Le groupe « 30000 polyculture élevage herbager de Touraine » dont fait partie Denis Briantais est l’un des groupes mis en place par la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire dans le cadre du plan Écophyto 2, qui a pour ambition d’engager 30 000 exploitations agricoles dans la transition vers l’agroécologie à bas niveau de produits phytopharmaceutiques. L’objectif est de diffuser les résultats obtenus sur les différentes fermes du réseau Dephy et d’autres réseaux, et de passer du stade expérimental à une application concrète à grande échelle.

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