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Congrès de Culture Viande : une mécanique de marché encore trop figée pour enrayer la décapitalisation bovine

La fonte des cheptels, dont les effets se ressentent nettement depuis le début de l’année 2022, semblait avoir fait basculer le marché de la viande bovine dans une nouvelle ère. Certes, les contrats se sont développés, mais la hausse des prix amorcée se fait rattraper par l'inflexible loi de l’offre et de la demande. Culture Viande, le syndicat des entreprises d’abattage et de découpe, lance un nouvel appel à la solidarité.

« La valorisation d'une partie du cheptel allaitant spécialisé passe par la présence de boucheries traditionnelles et de personnel compétent », expose Baptiste ...
« La valorisation d'une partie du cheptel allaitant spécialisé passe par la présence de boucheries traditionnelles et de personnel compétent », expose Baptiste Buczinski, économiste à l'Institut de l'Élevage, lors du congrès 2023 de Culture Viande.
© L. Pouchard

« Collectivement, nous devons tenter de juguler cette décapitalisation qui continue de sévir », relève Gilles Gauthier, le président de Culture Viande, à l’occasion de l’assemblée générale du syndicat ce mardi 5 septembre 2023 à Paris. Car le bilan n’est pas au beau fixe : en juin 2023, la France a perdu 115 000 vaches allaitantes (- 3 %) et 90 000 laitières (- 2,5 %) par rapport à juin 2022. « Ce recul du cheptel n’est pas tant lié à des réformes supplémentaires, mais à une moindre rentrée des génisses », analyse Baptiste Buczinski, économiste à l’Institut de l’Élevage (Idele). Pour l’expert, elle traduit une volonté claire des éleveurs à ne pas renouveler leurs troupeaux.

Une accélération dans la signature des contrats

Et les effets sur les volumes produits sont désormais bien visibles. Paul Rouche, directeur général de Culture Viande, évoque des « baisses très sensibles dans les abattoirs, de l’ordre de 4 à 8 % selon les catégories de bovins sur le premier semestre 2023 ». Ce dernier relève tout de même une meilleure tenue des sorties en jeunes bovins (JB), qui s’explique en grande partie par un coup de collier donné dans la contractualisation. Toujours sur les six premiers mois de l’année, « 30 % des JB de races à viande et 46 % des JB laitiers seraient passés sous contrat. Pour les femelles allaitantes, la part serait de 14 %, contre 10 % en vaches laitières » révèle Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’Interbev, en appui des chiffres fournis par les abatteurs. Une proportion encore maigre alors même que la contractualisation est obligatoire en bovins viande depuis 2022, mais « il faut voir d'où on part », commente l'élu. 

Mais si davantage de broutards sont retenus sur le sol français, ce dernier met en garde sur la nécessité « d’accompagner les changements de pratiques » et de « sécuriser aussi les systèmes naisseurs par des contrats, qui n’ont pas toujours les capacités d’engraisser sur leur exploitation ». Également, Emmanuel Bernard appelle à développer au plus vite la contractualisation sur la voie femelle. Pour se donner la capacité de produire demain, « il faut commencer par garder les vaches, rappelle l’éleveur Nivernais. C’est aussi sur cette catégorie que repose notre consommation intérieure ».

Les pièces nobles boudées par les consommateurs

Mais alors que le volontarisme de tous les acteurs semble plus que jamais nécessaire pour préserver le « joyau de la filière bovine française », comme l’appelle Jean-Paul Bigard, à la tête du premier transformateur français, le manque de dynamisme de la consommation observée depuis le début de l’année 2023 complique la donne. Avec l’inflation, « les Français mettent de côté leur nationalisme et acceptent une certaine descente en gamme », fait savoir Baptiste Buczinski, de l’Idele.

Interrogé par Réussir Bovins viande, Paul Rouche évoque des fermetures de rayons traditionnels au profit du libre-service toutes les semaines dans les supers et hypermarchés. Depuis janvier 2023, les volumes de vente en boucherie traditionnelle et dans les rayons trad des grandes et moyennes surfaces (GMS) ont baissé de 15 %, selon lui. Sans parler du recours à l’importation par la restauration hors domicile (RHD) et les grandes enseignes. « On a parlé défense du prix. Moi aujourd’hui, je n’entends parler que d’appels d’offres », pointe Jean-Paul Bigard. Avant d’ajouter : « En termes de quantités disponibles en viande bovine, la plupart des entreprises croulent sous les stocks alors qu’il y a moins d’un an, les clients étaient livrés à hauteur de 60 à 70 % [ndlr : de leur commande] car nous n’étions pas en capacité de produire ».

« Hormis pendant la crise de la vache folle, nous n’avons jamais vu un accident de consommation comme celui que nous sommes en train de vivre », alerte Jean-Paul Bigard, à la tête du premier transformateur français.

Des revalorisations du prix du haché à faire passer

En lien avec les changements de consommation très rapides, davantage orientés vers la viande transformée, « se pose la question de la valorisation du cheptel spécialisé allaitant et de l’adéquation entre l’offre et la demande, notamment dans le milieu de gamme », relate Baptiste Buczinski. Pour Paul Rouche, « le prix du steak, bien que déjà revalorisé, n'est pas à la hauteur de celui des pièces nobles en termes de création de valeur ».

Et malgré des volumes en baisse constante, « la filière bovine reste dans une mécanique de flux poussé, où le marché est guidé par un signal prix (hors schéma contractuel), avec la recherche de poids et de conformation. Or, pour une partie des débouchés, notamment du haché, ces objectifs ne répondent pas forcément aux attentes », reprend le spécialiste de l’Idele.

De nombreuses réflexions restent donc encore à mener pour résoudre la difficile équation de l’équilibre matière. Au niveau interprofessionnel, les efforts se poursuivent pour développer les contrats et sécuriser la production. Des campagnes de communication sont aussi en préparation dans l'objectif de relancer la consommation. Face à l'urgence, Culture Viande lance un nouvel appel à la solidarité en direction de la RHD et de la grande distribution, sommées de privilégier l'origine France

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