Amandine Bernard, consultante et formatrice : « Prendre du recul et agir »
Climat, maladies bovines émergentes, repères économiques bouleversés… l’environnement des élevages de bovins viande paraît de plus en plus imprévisible. Prendre du recul et agir est nécessaire, selon Amandine Bernard, consultante et formatrice.
Climat, maladies bovines émergentes, repères économiques bouleversés… l’environnement des élevages de bovins viande paraît de plus en plus imprévisible. Prendre du recul et agir est nécessaire, selon Amandine Bernard, consultante et formatrice.

Ces dernières années sont ressenties comme particulièrement déstabilisantes pour le secteur de l’élevage allaitant : comment ne pas se laisser gagner par le stress et le découragement ?
On peut déjà jeter un coup d’œil dans le rétroviseur. Si on prend le temps de retracer l’historique d’un élevage, très souvent, on s’aperçoit qu’il a déjà traversé de nombreux aléas. Au niveau collectif en élevage bovins viande, depuis la fin des années 1990, il y a eu la crise de la vache folle, les premières fortes sécheresses, l’arrivée du premier sérotype de la FCO en 2006, le début de la décapitalisation qui remonte déjà à 2016… Des évènements individuels humains (accident, maladie, mésentente, séparation) ou matériels (incendie, défaillances) peuvent s’y être entremêlés. Se rappeler comment l’élevage a évolué au travers de ces étapes renforce son ancrage.
L’élevage bovins viande est-il particulièrement exposé aux aléas ?
Non, toutes les filières agricoles le sont. Par contre, en élevage bovins viande, ils sont parfois plus diffus. Par exemple, le stress thermique ne se mesure pas en direct sur le remplissage du tank à lait, mais il est ressenti de façon diffuse sur des performances de repro ou de croissance inférieures aux attendus, qui ont parfois aussi d’autres causes mêlées. Les ventes sont souvent concentrées sur une période de l’année, donc entre deux ventes, il se passe beaucoup de choses. Cela participe au ressenti d’une perte de contrôle.
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Vous prônez une approche globale et humaine pour évaluer la vulnérabilité d’un élevage face aux aléas. Comment procédez-vous ?
J’ai vu trop souvent cette problématique évaluée et traitée en silo : 1 problème = 1 solution. Par exemple, hausse de fiscalité = il faut investir ou risque d’aléas climatique = assurance… La réalité est beaucoup plus complexe… Je propose une méthode simple qui consiste à lister les aléas, par catégorie (internes, externes…), et à les classer par priorité en fonction de quatre critères : l’échéance (court, moyen, ou long terme), la fréquence, l’intensité, et aussi notre sensibilité pour chacun de ces risques. Et ensuite d’envisager toutes les options de solutions possibles. On se rend compte que beaucoup de choses sont liées, qu’en mettant en place une solution, on peut traiter différents risques. Pour que cela fonctionne et soit efficace, il est important de cibler celles qui correspondent le mieux à nos objectifs et ceux de notre exploitation. C’est un exercice qu’il est très intéressant de réaliser en groupe pour faire jouer l’intelligence collective.
Pour adapter son élevage, vous conseillez de panacher résilience et robustesse. Qu’est-ce que cela signifie ?
C’est la fable Le Chêne et le Roseau de La Fontaine : le roseau, c’est la résilience ; et le chêne, la robustesse. Il faut un peu des deux pour traverser les aléas. La robustesse appliquée à l’élevage revient à la notion de pilotage. Si la ferme est rentable, solvable et dispose de trésorerie, elle est robuste. Il faudrait travailler beaucoup plus ces fondamentaux et arrêter de voir la gestion des élevages uniquement par le bout de la fiscalité et des charges sociales. J’encourage les éleveurs à reprendre la main sur le pilotage de leurs exploitations, à travailler avec des prévisions qui permettent de prendre des décisions éclairées et ainsi de gagner en sécurité et sérénité.
Face aux risques, le plus grand risque justement est de ne pas en prendre, de rester dans le fatalisme, l’attente et l’impuissance. Il n’y a pas d’autre solution que de bouger pour adapter son élevage.
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Vous distinguez trois niveaux dans les adaptations que l’on peut envisager. Lesquels ?
Par exemple, face au risque de sécheresse sur la production des prairies, on peut dans un premier niveau simplement augmenter les surfaces récoltées en foin. Dans un second niveau, on peut diversifier son assolement avec d’autres cultures fourragères, faire de l’agroforesterie, de l’irrigation ou encore de l’agrivoltaïsme. Et le troisième niveau d’adaptation peut consister à créer un nouvel atelier sur l’exploitation qui peut être une diversification, mais aussi de la transformation et/ou de la vente directe. Le plus important est de faire ce qu’on aime et ce qui nous motive. Chacun devrait choisir sa voie, qui n’a pas à ressembler à celle des autres.