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Vinification en Alsace : « Avec L’Hibisbulle, j’ai voulu faire un vin effervescent décomplexé »

Matthieu Weck, vigneron alsacien, a imaginé il y a quatre ans L’Hibisbulle, un mousseux élaboré sur la base d’une de ses cuvées de crémant d’alsace et parfumé à l’hibiscus. La cuvée figure parmi ses meilleures ventes.

<em class="placeholder">Matthieu Weck, vigneron à Gueberschwihr</em>
Matthieu Weck a conçu L'Hibisbulle comme un produit à la fois décontracté et qualitatif.
© C. Gerbod

À l’affût d’idées pour répondre aux nouvelles tendances de consommation du vin, Matthieu Weck, vigneron à la tête du domaine Clément & Matthieu Weck, à Gueberschwihr, dans le Haut-Rhin, a constaté comme nous tous, l’omniprésence des verres de spritz aux terrasses des cafés. Il a voulu imaginer une bulle plaisir pour l’apéritif, à boire en toute décontraction. Sa première idée était de s’inspirer du mojito. « J’en ai parlé avec un ami d’une association de la Vallée de Thann qui fait des tisanes et des sirops. Il m’a fait remarquer que trois à quatre vignerons avaient déjà eu cette idée en Alsace. Il m’a incité à trouver quelque chose de plus innovant et parlé de l’hibiscus. »

<em class="placeholder">L&#039;Hibisbulle, un mousseux alsacien</em>
Avec L'Hibisbulle, Matthieu Weck propose une bulle résolument distincte de son offre de crémants d'Alsace. © C. Gerbod

Cette fleur, apportant en infusion un goût fruité et acidulé, devenait alors à la mode. « On a fait des essais avec mon œnologue et on a trouvé ça bon. Alors on s’est lancé sur 1 000 bouteilles », raconte le vigneron. Il a eu l’idée du nom, L’Hibisbulle, « tout de suite » et demandé à une amie artiste de dessiner une fleur d’hibiscus pour doter son produit d’une jolie étiquette. La jeune œnologue conseil qui l’accompagne l’a encouragé et conseillé dans la démarche de création de cette bulle originale. L’offre a complété sa gamme effervescente qui comporte trois autres cuvées : des crémants issus de 18 mois, 36 mois ou 60 mois de repos sur lattes.

Le choix d’un vin de base très qualitatif

La base de L’Hibisbulle est son crémant d’alsace Rêve de bulles, composé majoritairement de pinot blanc et auxerrois. La vendange est manuelle, conformément au cahier des charges de l’appellation, avec des caissettes de 40 kg. Elle a lieu début septembre, lorsque le degré potentiel est à « 10 ou 11 maximum ». Elle est légèrement sulfitée. Le pressurage est effectué sur un cycle de 4 heures. Il évoque une turbidité à 30-50 NTU et un débourbage statique à froid pendant 24-48 heures avec enzymes. « Les jus sont séparés, 60 % pour la cuvée, et environ 40 % de taille et 5 % de rebêche », précise-t-il.

Lire aussi : Alsace : des liqueurs d’expédition élevées sous bois, pour des crémants haut de gamme

Le levurage est effectué avec Selectys La Marquise d’Œnofrance et la fermentation se déroule à 18 °C. Au moment de l’assemblage, « parfois la taille n’est pas incluse pour garder la fraîcheur, ça dépend du millésime », complète-t-il. Il ajoute du riesling pour également « apporter de la fraîcheur ». Il est généralement intégré à hauteur de 25 %. Pour ce crémant, il vise un pH de 3,10. Le tirage se réalise après le 1er décembre de l’année de récolte. Le vin fait l’objet d’un élevage de 18 mois, plus long que le minimum de 12 mois requis pour un crémant. Son but est « d’avoir des bulles plus fines, un vin plus abouti ».

La production est externalisée, du tirage au dégorgement

C’est au moment du dégorgement que naît L’Hibisbulle. Alors que son crémant est dosé à 6 grammes par litre avec une liqueur de dosage classique, L’Hibisbulle reçoit un sirop infusé à la fleur d’hibiscus dont Matthieu Weck ne divulgue évidemment pas la formule. Le dosage aboutit à une teneur en sucre résiduel entre 40 et 45 grammes par litre selon les millésimes. Le vin devient alors un mousseux demi-sec. « Après plusieurs essais avec l’œnologue, ce dosage est apparu comme celui permettant d’atteindre le profil que nous voulions », complète Matthieu Weck. Cette liqueur est sulfitée. Sa composition s’est ajustée par rapport à la première version. « Le dosage était compliqué au début car on travaille sur des gros volumes par rapport aux essais. On a retravaillé la viscosité et la composition pour assurer une bonne rapidité d’injection dans la bouteille et un bon équilibre en bouche », détaille Matthieu Weck. La formule peut fluctuer légèrement en fonction du millésime. Au final, la teneur en SO2 total est de 30 à 40 mg/l et le degré alcoolique de 11,8 %.

Lire aussi : « Grâce à l’acidité du gros manseng, notre pétillant naturel est non sulfité »

Du tirage au dégorgement, toutes les étapes sont sous-traitées à Œnofrance Alsace (groupe Sofralab), son partenaire également en œnologie. Un coût qu’il évalue à 2,50 euros par col. Il le juge rentable compte tenu de la main-d’œuvre et du temps qu’il économise. Ses chais sont en plein cœur du village, dans des bâtiments du XVIIIe siècle dont la configuration complique les opérations de vinification gourmandes en espace. Il prend en compte également le fait que le coût inclut les bouteilles et bouchons. Il considère que cette collaboration a fait progresser ses produits en qualité. La levée de la contrainte de place l’a incité à diversifier sa gamme. Résultat, les crémants représentent désormais près de 40 % de ses ventes.

L’atout de la vente directe pour vaincre les préjugés

Matthieu Weck assume son goût pour l’innovation. Mais bien que le spritz ait inspiré L’Hibisbulle, ses clients CHR ne sont pas preneurs. Il le vend essentiellement en direct et chez quelques cavistes. « Il faut beaucoup le faire goûter », admet le vigneron, qui distribue ses vins à 80 % en direct. Il n’élude pas le fait que présenter un demi-sec, qui plus est dépourvu de l’appellation crémant, suscite d’abord de la résistance. Mais elle s’évapore après dégustation. Il en a encore eu la preuve mi-mai en participant à une journée portes ouvertes chez un confrère du Beaujolais. « J’ai vendu tous les Hibisbulle, Je n’en avais pas pris assez », raconte-t-il. La cuvée est proposée en prix public à 12,50 euros, plus chère que son crémant de base qui est à 10 euros et au même prix que son crémant brut nature issu d’un élevage sur lattes de 36 mois.

Le vigneron lance régulièrement des cuvées qui sortent des classiques gammes alsaciennes comme récemment, un blanc de noirs tranquille. Ses idées ne font pas mouche à tous les coups. Ainsi son pinot gris et son riesling « élevés en barrique à la bourguignonne, n’ont jamais marché. Mes clients avaient une perte de repère au niveau des cépages », confie-t-il. Pas de problème avec L’Hibisbulle, où l’absence de repère est revendiquée. « C’est un vin pour tout le monde, décomplexé, plaisir que l’on peut boire avec des glaçons, des fruits, sans cérémonial sauf de la bonne humeur », plaisante le vigneron. Il délivre des notes fruitées, de la gourmandise et de la fraîcheur en finale. Il en fait 6 000 à 8 000 bouteilles par an et en vend surtout en période estivale et en fin d’année. Il a rationalisé sa gamme en arrêtant le crémant rosé et confié à L’Hibisbulle la mission de répondre à la demande d’effervescent demi-sec que certains clients formulaient.

Les atouts

Un nom attractif

Un produit qualitatif et distinctif

Les freins

Méfiance à lever sur la dénomination mousseux et sur le demi-sec

Difficile à vendre sans explication

repères

SAS Weck Clément & fils

Surface 10 hectares

Effectif 2 personnes

Encépagement gewurztraminer, riesling, pinot gris, auxerrois, pinot blanc, pinot noir, sylvaner, muscat

Distribution 80 % en direct (moitié domaine moitié salons), 20 % CHR, cavistes et épiceries fines

Certification HVE, bio depuis le millésime 2024

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