Mildiou de la pomme de terre : diversifier les modes d’actions des fongicides pour éviter les résistances
Avec l’arrivée d’une souche de mildiou résistante à l’un des principaux fongicides utilisés, il convient plus que jamais d’adopter la stratégie d’alternance des modes d’actions des produits à chaque traitement. Explications.

Le mildiou de la pomme de terre se rebiffe. « La souche 43_A1 comporte une bonne part de mildiou résistant aux fongicides de la famille des CAA, notamment la mandipropamide (produit Revus…), présente Pierre Deroo, spécialiste des maladies pomme de terre à Arvalis. Elle a d’abord été sélectionnée au Danemark entraînant des pertes d’efficacité importantes de Revus, puis a migré au Benelux et arrive maintenant en France. Toutefois, il est nécessaire de faire des analyses complémentaires pour détecter la présence ou l’absence de mutations responsables de la résistance car il n’y a pas de lien strict entre la lignée clonale et le caractère de résistance. » En 2023, moins de 10 % du mildiou comportait cette race dans les Hauts-de-France. En 2024, cette proportion a atteint 17 %, selon le réseau de surveillance et les analyses menées par l’Inrae et Arvalis.
Les populations de mildiou évoluent sans cesse. Certains fongicides appliqués engendrent la sélection de souches résistantes. Tel a été le cas pour le fluazinam assez récemment et pour le métalaxyl dans un passé plus lointain. Outre la mandipropamide (et aussi la valifénalate) touchée par la résistance de la souche 43_A1 actuellement en Europe, l’oxathiapiproline (Zorvec) est également confrontée à cette résistance, mais dans de moindres proportions.
Pas de baisse d’efficacité pour le moment en France
Sur pomme de terre, l’utilisation répétée du produit Revus aux Pays-Bas et au Danemark a amené à la chute d’efficacité de ce produit en sélectionnant de la résistance au sein de la lignée 43_A1. Même si cette souche de mildiou commence à être détectée en France, une baisse d’efficacité de fongicides n’a pas été constatée pour le moment. « Pour préserver l’efficacité des traitements, la meilleure stratégie consiste à alterner les modes d’action des produits à chaque application, conseille Pierre Deroo. Nous avons douze modes d’action parmi les produits en France, mais six d’entre eux représentent à eux seuls 80 % des usages et pour deux modes d’actions, 45 % des traitements. On n’exploite pas suffisamment les différentes possibilités. »
En phase de croissance active de la pomme de terre, Arvalis préconise par exemple une alternance de produits entre Infinito, Revus + partenaire, pack Zorvec, Santhal Gold + partenaire, Areli ou Ranman Top. La stratégie est la même à la levée de la pomme de terre ou en végétation stabilisée, avec des produits différents parfois. Le tableau ci-dessous diffusé par Arvalis fait la synthèse des utilisations préconisées.
Le métalaxyl fait son come-back contre le mildiou
Des fongicides à base de métalaxyl n’étaient plus utilisés depuis dix ans pour cause de sélection de souches résistantes de mildiou à cette molécule. « Ces populations résistantes ont régressé en l’absence d’usage du produit, observe Pierre Deroo. Le nouveau produit Santhal Gold à base de métalaxyl-M s’avère très efficace aujourd’hui. Mais compte tenu du risque élevé de sélection à nouveau de souches résistantes, il doit être utilisé avec un autre fongicide au moment de l’application. » Pour les mêmes raisons, son usage n’est pas autorisé au-delà de deux applications par cycle de pomme de terre. Produit de Syngenta, Santhal Gold contient 465 g/l de métalaxyl-M et constitue une nouveauté pour 2025 dans la panoplie de lutte anti-mildiou dans une stratégie d’alternance des modes d’action. Il est recommandé de l’utiliser lors de la phase de croissance active de la pomme de terre.
Contre-productif de mélanger tout le temps les fongicides
En plus de l’alternance des différents fongicides, faut-il mélanger les produits entre eux ? « Ce ne doit pas être systématique. Ce serait contre-productif de mélanger tout le temps des fongicides, car cela exercerait une pression de sélection supplémentaire sur les souches de mildiou et, en outre, une augmentation d’utilisation de phytos », souligne le spécialiste d’Arvalis. Le mélange doit être réservé à des fongicides à modes d’action unisite pour lesquels le risque de résistance est fort ou connu (oxathiapiproline, métalaxyl, CAA). Très vulnérable dorénavant, le produit Revus sera associé à un partenaire, telle la spécialité de biocontrôle Pygmalion qui a l’avantage d’être à action multisite. Pygmalion sera privilégié également en mélange avec Ranman Top ou Infinito, mais seulement en phase de croissance active de la pomme de terre. Le nouveau produit Santhal Gold doit aussi être mélangé à un autre produit.
« Le premier levier pour lutter contre le risque de résistance est d’éviter d’utiliser des fongicides, souligne Pierre Deroo. La prophylaxie, en détruisant les repousses sur les tas de déchets ou dans les cultures, ainsi que l’utilisation de variétés résistantes, sont deux moyens efficaces de réduire le développement du mildiou. » Une marge de progrès est possible concernant les variétés, puisque celles qui sont sensibles au mildiou représentent actuellement 80 % des surfaces de pomme de terre en France.
