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EARL des basses vallées : un système d'élevage bio productif et rentable

À l’EARL des Basses vallées dans le Maine-et-Loire, le système d'élevage de bovins viande est centré sur le pâturage et exploite les opportunités commerciales permises par la proximité d’Angers. Les 65 vaches Limousines valorisent des surfaces d'herbe dont 75 % sont inondables.

David Gélineau est installé à Cantenay-Épinard, dans le Maine-et-Loire. Son troupeau limousin, créé en 2008, est monté jusqu’à un effectif de 120 vaches puis a été réduit pratiquement de moitié quand a été opérée la séparation du Gaec qu’il gérait avec ses deux frères, en 2014. « Nous nous sommes séparés avant de nous fâcher, souligne l’éleveur, ce qui nous a permis de préserver la qualité des relations de famille. Nous travaillons toujours ensemble pour les chantiers de foin en particulier. » Cette année-là est aussi celle où David Gélineau a entamé la conversion de son exploitation au bio, et est passé progressivement en système bœufs. « Cela faisait quelques années que je travaillais pour une Amap, et ce sont ces personnes qui m’ont conduit sur le chemin du bio. Une Amap, ce sont des gens fiables, solidaires. C’est très gratifiant de travailler avec eux et cela permet une augmentation de valeurs pour l’élevage. »
En 2020, l’éleveur entre en phase de croisière pour la sortie des bœufs de 30 mois et il n’aura plus de broutards à vendre (sauf exceptions). Les mâles sont castrés et élevés avec les femelles. Ils sont sevrés à 10 mois. De faibles croissances sont recherchées en phase d’hivernage (500 g/j) avec du foin et un kilo de céréales. Daniel Gélineau retire cependant quelques mois les bœufs du lot au printemps quand le taureau est présent avec les génisses, à l’âge de 21 mois. Les bœufs sont ensuite intégrés au lot des vaches à l’engraissement.

Objectif 100 % de veaux vivants

Le troupeau, de niveau génétique moyen, est conduit de façon très rigoureuse de façon à minimiser les UGB improductifs. Sur ce plan, tous les voyants sont au vert avec un IVV autour de 365 jours et un taux de mortalité des veaux inférieur à 5 %. « Je passe beaucoup de temps à faire de la surveillance pour maintenir ces résultats », observe David Gélineau. Son prochain point d’attention sera de faire partir dès que possible les vaches de réforme qui ne profitent plus en fin d’engraissement. « Je ne fais plus d’IA pour simplifier l’organisation du travail, et j’oriente la sélection sur les facilités de naissance, avec un objectif de 100 % de veaux nés vivants. » La reproduction est assurée par quatre taureaux, dont trois peuvent être accouplés avec des génisses. Le troupeau est organisé en double période de vêlage, avec une moitié entre le 25 août et le 25 octobre, et l’autre moitié entre le 15 janvier et le 15 mars – soit un mois plus tôt que les pratiques habituelles, pour pouvoir faire pâturer plus tôt ce lot.
Toutes les femelles vêlent sous la caméra de surveillance dans le bâtiment. Pour le lot de celles qui vêlent en fin d’été, les premières repartent pâturer dans les basses vallées puis sont hivernées en plein air. Sur un hectare, 27 vaches suitées sont nourries tout l’hiver avec des balles de foin en rateliers, et elles reçoivent dans une auge un mélange triticale-pois. Les génisses et bœufs de 18 mois et 24 mois sont eux aussi hivernés en plein air, sur une parcelle plus grande. « Nous sommes sur un plateau de graves, avec 20 centimètres de sol. Deux jours après de fortes pluies, c’est ressuyé, explique David Gélineau. En tout, cinq hectares sont occupés par des animaux de novembre à février-mars, et ne donnent pour le reste de l’année qu’un seul tour de pâturage en mai. » Par contre, toutes les autres surfaces en prairies sont conduites dans l’optimisation du pâturage.

 

 

 

Multiespèce, luzerne, féverole et pois-triticale

David Gélineau a commencé à porter des efforts particuliers sur la gestion des prairies en 2012, en débutant avec un herbomètre et en installant des clôtures électriques sur batterie. Désormais, il pilote à l’œil. « Pour sortir en début de saison, je n’attends pas une portance maximale. Je lâche un lot d’une trentaine de vaches suitées sur six hectares et on commence à tourner après, explique l’éleveur. À ce moment, trente couples mères veaux se voient attribuer six parcelles de 1,5 hectare et tournent tous les cinq jours, avec un temps de retour de 30 jours. » Il récolte prioritairement du foin, à raison de près de 1 500 rounds par an (il en vend un peu). Les prairies inondables des basses vallées de la Loire sont avantageusement complétées par des prairies multiespèces (RGA, trèfle blanc, fétuque et lotier). Elles restent en place quatre ou cinq ans et sont suivies de trois années de cultures, dont une culture de printemps. « Ceci permet de gérer plus facilement les cycles des adventices. »
Pour assurer la complémentation protéique des rations hivernales, David Gélineau cultive aussi de la luzerne, et tous les deux ans, neuf hectares de féverole sont semés. « Il me faut 150 quintaux de féverole par an. J’obtiens en général un rendement de 20 quintaux. » La féverole est semée en novembre sur un labour à 9 cm pour ne pas qu’elle gèle. Elle est broyée le lendemain de sa récolte et stockée à plat. Elle vient compléter la ration des vaches de réforme à l’engraissement et des génisses d’un an à raison de 1 kg par animal. Pour les veaux sous la mère, David Gélineau cultive un mélange pois triticale ou pois orge. Ils en consomment au nourrisseur environ 4 tonnes sur quatre mois d’hiver pour 27 veaux. Les vaches suitées l’hiver ont du foin de luzerne, du foin de prairie naturelle et 1,2 kg de mélange orge et pois aplati. Celles qui vêlent en fin d’hiver reçoivent du foin moyen jusqu’au vêlage, et après vêlage du foin de prairies multiespèces et 1,5 kg de mélange orge pois.

Rester à 50 % d’EBE sur produit brut

L’éleveur n’apporte jamais de minéraux ni même de pierres à sel. « La minéralisation se fait au pâturage et avec des fourrages produits sur un sol en équilibre. » Un seul vaccin est administré, celui contre les diarrhées néonatales pour le lot des vaches vêlant en fin d’été. Côté matériel, David Gélineau a choisi d’investir dans un seul tracteur de 130 CV très bien équipé pour préserver son dos, et dans un 4x4 puissant pour passer en toutes circonstances dans les prairies de basses vallées et tracter la remorque frigorifique. Presque tout le reste est en Cuma ou copropriété. David Gélineau part du principe que le rapport EBE sur produit brut doit rester au-dessus de 50 % et qu’il dispose de plus de 2 500 euros par mois de prélèvements privés (en rémunérant en plus un mi-temps salarié, pour l’instant des apprentis). « Il y a beaucoup de travail sur l’exploitation, qui en plus est morcelée. Je réfléchis pour l’avenir à trouver un salarié ou un associé. » David Gélineau passe aussi pas mal de temps hors de l’élevage. Il fait partie du groupe bio de la chambre d’agriculture, des groupes du GAB et du Civam, et consomme son plafond Vivea annuel de formations. Il est aussi conseiller municipal de sa commune de 2 500 habitants. Et il part trois semaines par an en vacances.

Un système économe et autonome

Composer avec les crues et les mesures agrienvironnementales

Une bonne partie des prairies de David Gélineau sont classées en zone Natura 2000, et en zone de protection pour le râle des gênets, oiseau placé sur la liste rouge des oiseaux nicheurs en France. « Je respecte des dates de fauche, fixées selon les parcelles après le 20 juin, le 10 juillet ou le 20 juillet, et je conduis ces parcelles sans azote, ni épandage. » Le foin des basses vallées est très appétent mais d’une faible valeur (0,5 à 0,6 UF mais seulement 40 g de PDI). David Gélineau se souvient en particulier des crues tardives de juin 2016 et de juin 2018. « Il a fallu sortir les animaux des prairies au printemps, les moustiques ont proliféré et j’ai eu beaucoup de vaches vides. »
David Gélineau valorise en particulier une île de 29 hectares, à laquelle les animaux accèdent par un gué les jours où le courant n’est pas trop fort. Parfois les vaches et leurs veaux doivent nager quelques mètres pour passer. « J’y fais du pâturage tournant sur douze ou treize paddocks et du foin. Il y a seulement 10 % de légumineuses car le trèfle ne supporte pas certaines crues longues. Sans le troupeau allaitant, ce milieu serait fermé. »

Plusieurs créneaux de vente directe et la filière bio

Installé à 15 minutes du centre d’Angers, David Gélineau a développé la vente directe. Il livre une Amap depuis 2010 et maintenant aussi un collège. « Je compte une heure pour la livraison le mardi et une heure le mercredi. Le jeudi, les clients viennent à la ferme ce qui représente trois heures de travail. » Les clients peuvent commander en ligne sur son site personnel et sur cagette.net. Pour la gestion, une demi-journée par semaine de travail sur ordinateur est requise. Un transporteur emmène les animaux à l’abattoir municipal de Craon et la société AVS transforme et met en colis la viande après douze jours de maturation. David Gélineau a calculé la valorisation de son kilo de carcasse net de frais (avec toutes les charges dont le transport) en vente directe à 6,70 euros. Il vend d’autre part des vaches et des bœufs en filière longue bio à Ebio, association d’éleveurs des Pays de la Loire travaillant avec Unébio. Les sorties sont planifiées et la plus-value par rapport aux cotations est de 35 centimes à laquelle peuvent s’ajouter des primes bouchères. Et depuis 2018, cinq ou six animaux sont vendus à Biocoop (prix fixé à l’année, plus-value de 40 centimes/kg) ainsi que quelques veaux aussi. Avant de passer en bio, David Gélineau a été président pendant sept ans de l’association Bœuf des vallées angevines, filière longue de proximité rassemblant neuf éleveurs impliqués dans la protection du râle des genêts. Elle apporte une plus-value de 50 centimes par rapport au cours et livre environ 120 animaux par an à des collectivités de la ville d’Angers et à un Leclerc.

Chiffres clé

• 160 ha de SAU dont en moyenne 9 de triticale-pois, 7 d’orge-pois, 10 de luzerne, 5 de trèfle violet, 25 de prairies multiespèces (RGA, fétuque, trèfle blanc, lotier) et 104 ha de prairies naturelles
• 65 vêlages de Limousines en système naisseur engraisseur
• 1,5 UMO

Avis d’expert : Christophe Grosbois, chargé de missions viande bovine-référent bio, chambre d’agriculture des Pays de la Loire

« La rentabilité est là »

"David est un éleveur allaitant rigoureux. Avec 2,5 Smic par UMO en 2018, calculé selon la méthode nationale Couprod, le niveau de rémunération atteint est satisfaisant. Il a activé tous les leviers nécessaires : le prix avec la valorisation en bio et la vente directe, la productivité des UGB et de la main-d’œuvre, et surtout la maîtrise des charges. Son coût de production est maîtrisé avec 464 €/100 kg. Les deux postes de charges qui contribuent le plus à ce niveau de rentabilité sont les 415 kg de concentré/UGB et les 395 €/ha de coût de mécanisation. Ceci est valable dans tous les systèmes viande bovine, que l’on soit en agriculture biologique ou pas. Ceci est possible grâce à la place prépondérante du pâturage dans un système d’alimentation autonome. La conduite des prairies avec du pâturage tournant est la clé du succès.
David est dans une posture de chef d’entreprise, qui se remet régulièrement en question. Il participe à des groupes de formation, consulte divers conseillers et est impliqué dans des démarches commerciales pour valoriser au mieux ses produits. Son objectif est de bien rémunérer son travail en étant autonome dans la prise de décision."

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