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Bio, Demeter, HVE, AOP, Nature et progrès : quels labels ont le plus d’impact sur la biodiversité ?

A la demande des ministères de l’Agriculture et de la transition écologique, Inrae et Ifremer viennent d’étudier l’impact des modes de production labellisés sur la biodiversité. Que retenir de l’étude ?

Coquelicot dans un champ de blé
Si selon la littérature scientifique, l’agriculture biologique présente des gains estimés autour de 30% sur la biodiversité à l’échelle de la parcelle par rapport à l’agriculture conventionnelle, il existe peu de littérature sur l’impact des autres labels sur la biodiversité.
© Gabriel Omnès

Sur dix labels agricoles étudiés, « l’analyse des cahiers des charges des trois labels biologiques (règlement européen bio, Déméter et Nature et progrès) atteste de leur effet positif sur la biodiversité car ce sont ceux qui intègrent le plus de pratiques identifiées comme favorables, de manière exigeante et ambitieuse ». Telle est la conclusion principale de l’étude sur les impacts des modes de production labellisés sur la biodiversité (BiodivLabel), commandée par les ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie et l’Ademe, à l’Inrae et Ifremer et rendue publique le 29 avril dernier.

Lire aussi : Restauration de la nature : la Commission européenne lance une consultation en ligne sur le modèle des plans nationaux

Biodiversité et label : pourquoi cette étude a-t-elle été commandée ?

La loi Climat et résilience de 2021 a instauré la mise en place d’un affichage environnemental sur les produits alimentaires. Or basées essentiellement sur l’analyse du cycle de vie, les expérimentations en cours sur cet affichage font quelque peu l’impasse sur la biodiversité. D’où la demande des deux ministères et de l’Ademe en 2022 à l’Inrae et à l’Ifremer (sur la pêche et l’aquaculture) de mieux documenter le volet biodiversité des impacts environnementaux sur notre alimentation.

Relire : Affichage environnemental : que veulent les Français ?

Comment l’étude BiodivLabel a-t-elle été réalisée ?

Pendant deux ans et demi, 29 experts affiliés à 9 organismes ont étudié près de 1200 références bibliographiques (articles scientifiques et documents techniques, rapports institutionnels ou d’ONG) pour faire un état des connaissances sur l’impact de 13 labels sur la biodiversité. Ces 13 labels, dont 10 labels agricoles, relèvent d’une certification publique ou privée (Siqo, label rouge, AOP Comté, Bleu-blanc-cœur, HVE, Rainforest alliance …).

8 pratiques favorables à la biodiversité identifiées

Après avoir recensé quelque 1500 effets sur la biodiversité de pratiques agricoles, l’étude bibliographique a mis en exergue 8 pratiques favorables à la biodiversité avec un niveau de confiance fort (sur au moins deux groupes taxonomiques avec un impact quantitatif et de diversité). Il s’agit de :

  • L’intégration d’éléments semi-naturels dans le parcellaire (haies, fossés, mares)
  • Les rotations diversifiées
  • Présence de prairies dans le parcellaire
  • Réduction voire absence de travail du sol
  • Absence de pesticides de synthèse
  • Fertilisation organique
  • Implantation de couverts végétaux
  • Cultures associées.
     

D’autres pratiques ont été classées au niveau de confiance modérée comme la diversification des cultures et la réduction de la taille des parcelles.

Evaluation de 10 labels agricoles en fonction de 8 pratiques favorables à la biodiversité à confiance forte

Obligations et ambitions des pratiques présentes dans les cahiers des charges des labels
Source : BiodivLabel - Inrae - Ifremer

Lire aussi : Crédits biodiversité : 3000 parcelles bientôt identifiées comme potentiels SNCRR

Quel effet théorique sur la biodiversité de 10 labels agricoles ?

Le bénéfice de l’agriculture bio sur la biodiversité avéré 

Si selon la littérature scientifique, l’agriculture biologique présente des gains estimés autour de 30% sur la biodiversité à l’échelle de la parcelle par rapport à l’agriculture conventionnelle, il existe peu de littérature sur l’impact des autres labels sur la biodiversité. L’étude BiodivLabel a donc passé au crible 10 labels agricoles à l’aune des 8 pratiques favorables à la biodiversité en regardant si ces pratiques étaient citées dans les cahiers des charges, obligatoires et avec quel niveau d’ambition.

Lire aussi : Agriculture biologique : quels sont ses avantages environnementaux et sanitaires, d’après une étude de l’Itab ? 

Le label Bleu Blanc Cœur en bas du tableau

L’étude souligne qu’aucun label ne les mentionne tous (les cultures associées et l’absence de travail du sol sont notamment peu évoquées par les labels), tous en traitant au moins une à l’exception du Label Bleu Blanc Cœur, que les chercheurs de l’Inrae, représentés par Françoise Lescourret le 29 avril devant la presse, avouent avoir eu du mal à qualifier (notamment sur son engagement à réduire la déforestation importée). « Ce qui ne veut pas dire que ce label ne considère pas la biodiversité » peut-on lire dans le résumé de l’étude.

Lire aussi : Comment Bleu Blanc Cœur s’inscrit dans le concept One health

Demeter en tête du tableau

En tête du tableau s’affichent les trois labels bio : avec une avance pour le label Demeter (label de la biodynamique) qui coche 5 pratiques agricoles sur 8 avec la mention « ambitieuse et obligatoire », devant le label bio européen et le label privé Nature et Progrès (3 pratiques agricoles sur 8). 

Relire : Viticulture en biodynamie : une démarche, deux marques

HVE moins bien notée que l’AOP Comté

Suivent assez loin derrière les 7 autres labels dont le label HVE souvent pointé du doigt par les défenseurs de l’agriculture bio. « Nous n’avons pas de données de suivi de la biodiversité sur HVE et plusieurs pratiques sont citées dans le cahier des charges mais sans caractère obligatoire et avec une faible ambition, à l’exception de l’intégration d’habitats semi-naturels », commente François Lescourret.

A noter que l’AOP Comté est mieux notée avec au cahier des charges la présence obligatoire de prairies et la fertilisation organique.

Relire : HVE : le Conseil d’Etat valide sa légalité et déboute la Fnab

A quoi va servir cette étude sur la biodiversité ?

Cette étude a le mérite de clarifier l’état des connaissances sur l’impact des labels sur la biodiversité, lacunaire pour la plupart des labels.

Dans ses conclusions, elle incite d’ailleurs les labels à s’étoffer pour inclure les mesures identifiées comme favorables à la biodiversité mais rarement prises en compte. 

Deux méthodes de calcul de l’impact des productions sur la biodiversité mises en avant

Elle propose aussi aux décideurs trois pistes méthodologiques pour estimer l’impact des modes de production sur la biodiversité dans le cadre de l’affichage environnemental dont :

  • L’indicateur Contra-BiodivLabel (prédit en agriculture un niveau de biodiversité par unité de surface, en fonction de l’occupation des terres et des pratiques contenues dans les cahiers des charges)
  • La méthode BVIAS (permet en agriculture d’estimer les pratiques mises en œuvre et de comparer les impacts des produits labellisés et non labellisés).

Orientation des soutiens publics vers la biodiversité

« Enfin, l’inscription de la biodiversité dans les conditions de soutien public aux modes de production serait une conséquence logique des éléments de connaissance et de réflexion produits par l’étude », peut-on également lire dans les conclusions de l’étude qui incite les pouvoirs publics à s’emparer du sujet.

Si l’étude BiodivLabel fournit des clés d’analyse et de compréhension de l’impact des labels sur la biodiversité, elle montre aussi toutefois certaines limites. Comme le choix de l’unité fonctionnelle la mieux appropriée pour évaluer l’impact des produits labellisés sur la biodiversité (par kg de produit ou par ha de surface utilisée en agriculture), des interactions entre pratiques ou l’intégration des impacts au-delà de la parcelle. 

Lire aussi : Bruxelles envisage des crédits nature pour récompenser les agriculteurs

Lire aussi : « La France va émettre des crédits biodiversité » annonce Agnès Pannier-Runacher : quel impact pour l’agriculture ?

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