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L’aromathérapie sur la vigne, une solution de lutte contre le mildiou prometteuse
De récents résultats indiquent que certaines huiles essentielles seraient efficaces sur le développement du mildiou au laboratoire, lorsque les doses testées ne montrent pas de phytotoxicité.
De récents résultats indiquent que certaines huiles essentielles seraient efficaces sur le développement du mildiou au laboratoire, lorsque les doses testées ne montrent pas de phytotoxicité.

Les huiles essentielles de thym, romarin, citronnelle et eucalyptus feront-elles un jour partie des produits utilisés dans le cadre de la protection du vignoble ? Pour le savoir, un projet de recherche mené à l’IFV de Rodilhan, Sustemicrop, se penche sur leur efficacité contre le mildiou, en conditions de laboratoire.
La première étape des expérimentations a porté sur la phytotoxicité des huiles essentielles, pour déterminer à quelle concentration elles pouvaient être pulvérisées. Des essais préliminaires ont été faits en laboratoire sur boîte de Petri après trempage des disques quelques minutes dans les solutions à différentes concentrations. Suite à cet essai, les concentrations retenues ont été de 0,01 % et 0,05 %.
Le thym, le romarin, la citronnelle et l’« Eucalyptus lehmannii » prometteurs
Deuxième étape : trouver les meilleures huiles essentielles candidates. Les premiers tests, à l’automne 2024, ont permis d’identifier les plus prometteuses parmi une liste d’une dizaine d’espèces : citronnelle, romarin, thym, lavande, eucalyptus (lehmannii, cinerea, citriodera, camaldulensis, bicostata), et de certaines associations. L’expérimentation de ce printemps 2025 a permis de conforter les premiers résultats et de montrer des effets significatifs de certaines huiles essentielles appliquées en préventif contre le mildiou : le thym, le romarin, la citronnelle et l’Eucalyptus lehmannii. Les autres types d’eucalyptus n’ont pas donné de résultats probants. Les partenaires recherchent toujours la raison puisque leurs compositions certes diffèrent, mais restent parfois proches.

Une seule application a été faite en traitement préventif sur disques de feuille au laboratoire à 450 l/ha (volume minimum atteint en laboratoire). Les disques ont été ensuite inoculés au mildiou en conditions in vitro. Des notations quasi journalières ont permis de suivre la cinétique d’évolution de la maladie jusqu’à douze jours après l’inoculation. Les huiles essentielles montrent un développement du mildiou freiné dans le temps, contrairement au témoin qui évolue très rapidement pour infester presque toute la surface des disques en douze jours. Certaines modalités montrent de faibles apparitions de symptômes, avec un nombre de disques touchés qui reste faible. De plus, même sur les modalités où le nombre de disques touchés est important, l’intensité de la sporulation apparaît limitée.
Des effets significatifs dès 0,01 % de concentration
Les premiers résultats montrent un effet sur l’intensité d’attaque. « C’est sur ce point que nous avons pu voir de grandes différences avec le témoin non traité. Elles existent aussi sur la fréquence mais sont moindres. Toutes les modalités permettent de limiter le développement du mildiou, au même titre que le cuivre, même si ce dernier reste le plus efficace », commente Caroline Gouttesoulard, ingénieure au pôle Rhône-Méditerranée de l’IFV dont les travaux portent sur la recherche d’alternatives aux produits phytosanitaires.

Sur les résultats détaillés sept jours après l’inoculation, un effet dose est observé sur les fréquences d’apparition des symptômes, notamment pour la citronnelle et le romarin à 0,05 %, mais il n’est pas statistiquement différent sur les intensités d’attaque. Avec si peu de différences, des doses à 0,01 % sembleraient donc plus pertinentes d’un point de vue économique.
Quid de la suite ? L’IFV étudie plusieurs pistes. En commençant par une évaluation d’association de ces huiles, qui est envisagée à l’automne pour observer la synergie. L’institut pourrait également se pencher sur l’étude d’éventuelles propriétés curatives de ces substances. En effet, des produits formulés à base d’huiles essentielles d’orange douce sont déjà sur le marché et ont pu faire leurs preuves au champ. Un essai en conditions intermédiaires pourrait également voir le jour à l’automne, sous une serre pilotée par l’IFV de Rodilhan. Et bien sûr, il serait également intéressant d’évaluer ces huiles essentielles directement au vignoble, car il est fréquent que les efficacités au laboratoire soient diminuées au champ et ce, du fait de multiples facteurs. Le passage au champ est néanmoins nécessaire afin de déterminer la meilleure façon de les utiliser et de les insérer dans un itinéraire technique. Dans le Gard et l’Hérault, certains viticulteurs utilisent déjà leurs productions personnelles d’huiles essentielles ou d’hydrolats en protection contre les maladies fongiques en complément de leur itinéraire. Affaire à suivre…
Des propriétés antifongiques conférées par les terpènes et les phénols
Lamia Hamrouni et Imtiene Hamdeni, de l’université de Carthage, en Tunisie, partenaire du projet qui produit les huiles essentielles, travaillent sur les mécanismes d’action des huiles essentielles. Ils expliquent : « Les huiles essentielles de thym, romarin, citronnelle et Eucalyptus lehmannii possèdent des propriétés antifongiques de par leur richesse en composés terpéniques et phénoliques. Elles agissent en perturbant la membrane cellulaire, la paroi fongique et les fonctions métaboliques clés, provoquant ainsi un stress oxydatif, une fuite cellulaire et la mort des champignons. Ces mécanismes multiples réduisent le risque de résistance et offrent un fort potentiel pour la protection contre les agents pathogènes. »
Ce sont ici (entre autres) les molécules de thymol, géraniol, cinéol et camphre contenues dans ces différentes huiles essentielles qui apportent leurs actions antifongiques : endommagement de la membrane fongique, stress oxydatif, inhibition de la germination des spores et de la croissance mycélienne, inhibition métabolique etc.