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Rapport
La Ferme France recule : constat alarmant et solutions du Sénat

Un rapport sénatorial transpartisan appelle à mettre en place un plan d’urgence pour redresser la compétitivité de l’agriculture française.

Pierre Rouault (Union centriste), Laurent Duplomb (LR) et Serge Mérillou (socialiste) trois sénateurs dans une exploitation agricole.
De gauche à droite : Pierre Rouault (Union centriste), Laurent Duplomb (LR) et Serge Mérillou (socialiste) trois sénateurs auteurs du rapport sur la compétitivité de la Ferme France.
© Compte twitter Pierre Rouault

« La Ferme France décroche. A l’heure où le commerce international de produits agroalimentaires n’a jamais été aussi dynamique, la France est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent », déplorent les sénateurs Laurent Duplomb (LR), Serge Mérillou (Socialiste) et Pierre Louault (Union centriste) dans un rapport transpartisan adopté le 28 septembre par la commission des affaires économiques du Sénat. Un rapport écrit après l’audition de plus de 200 experts et professionnels.

En s’appuyant sur l’exemple de cinq denrées alimentaires parmi les plus consommées par les Français (pomme, tomate, blé, lait, poulet), le rapport dresse « un constat sans appel des lacunes de notre politique agricole ».


La puissance agricole française décline

Le rapport sénatorial dresse d’abord un constat alarmant, sources sérieuses à l’appui :
 

  • La France est passée de deuxième à cinquième exportateur agricole mondial en vingt ans
     
  • En retrait, « son excédent commercial agricole et agroalimentaire, en retrait, n’est plus tiré que par l’effet prix des exportations, surtout des vins et spiritueux, et non par les volumes »
     
  • « En parallèle, les importations alimentaires en France explosent » : elles ont doublé depuis 2000 et représentent parfois plus de la moitié des denrées consommées en France, dans certaines familles, affirme le Sénat.

 

La perte de compétitivité des exploitations agricoles en cause

Et le rapport sénatorial affirme que « 2/3 des pertes de marché de l’agriculture française proviennent de sa perte de compétitivité », en citant une analyse de 2021 du Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Une analyse partagée par la Direction générale du Trésor (dans une étude d’octobre 2018, Comment expliquer la réduction de l’excédent commercial agricole et agroalimentaire) mais aussi par l’Inrae et FranceAgriMer que les sénateurs ont auditionné.

En cause :

  • Un coût du travail élevé en France par rapport à ses partenaires européens
     
  • La « surtransposition de règles environnementales »
  • Un coût des consommations intermédiaires (engrais et produits phytosanitaires) plus élevé que chez nos concurrents étrangers, selon FranceAgriMer
  • « Une taille des exploitations (surface et cheptels) en moyenne plus petite que celle des concurrents, ce qui réduit les économies d’échelle » écrivent les sénateurs
  • Une fiscalisation de production plus élevée (selon des études datant d’avant 2017)
  • Des frais de mécanisation et des frais d’entretien des matériels et bâtiments relativement élevés

 


La montée en gamme vue comme un mauvais calcul

Et face à ces constats, les trois rapporteurs étrillent la stratégie de montée en gamme menée par Emmanuel Macron depuis 2017. « Faire de la montée en gamme le principal moteur de la politique agricole sans un raisonnement adapté par filière, par culture, par territoire, par marché, c’est méconnaître les réalités économiques agricoles de notre pays. Pis encore : c’est une erreur stratégique qui envoie l’agriculture française dans le mur », peut-on lire dans le rapport.

En suivant cette « unique stratégie », le risque est réel de voir un affaissement du potentiel productif agricole français, au détriment de notre souveraineté alimentaire, alertent les sénateurs.

Selon eux, à terme, « cette dynamique conduira à réserver l’alimentation française à ceux qui peuvent se le permettre, condamnant les plus modestes à se nourrir de produits importés des quatre coins du monde ». Un phénomène qu’ils estiment déjà visible aujourd’hui.

Les rapporteurs illustrent leurs propos par des expressions imagées :

  • « l’absence de politique de compétitivité troue le portefeuille des agriculteurs et mite la filière laitière : c’est l’effet emmental ». 61% des éleveurs n’atteignent pas le salaire médian, le cheptel devrait reculer de 800 000 vaches laitières entre 2005 et 2030 (-20%) et 1 agriculteur sur 2 n’est pas remplacé dans la filière laitière, affirme le rapport citant l’Idele.
     
  • Sur la farine et la pomme, en se concentrant sur son marché intérieur et en ouvrant ses portes aux importants, l’Etat a favorisé « le renversant effet tarte tatin », ironisent les sénateurs qui expliquent leur théorie graphique à l’appui.
     
  • Finalement tous les producteurs sont menacés « de connaître l’effet « repas du dimanche » » que connaissent déjà les filières tomates et poulet, affirment les sénateurs. « Les produits français sont servis en de plus en plus rares occasions, laissant la place aux produits importés pour les repas du quotidien, en restauration hors foyer ou dans les plats transformés des familles plus modestes », tancent les sénateurs.
     

Un plan compétitivité de la Ferme France avec 24 recommandations

Face à la « crise du pouvoir d’achat » et une hausse des charges historique des agriculteurs et des industries agroalimentaires, sur fond de guerre en Ukraine, le rapport sénatorial estime qu’il est urgent de mettre en œuvre un plan « Compétitivité de la Ferme France » à horizon 2028, piloté par un haut-commissaire chargé de la compétitivité de la Ferme France et proposent 24 recommandations.

Parmi lesquelles :

  • Rendre obligatoire la production d’une estimation du surcoût d’une surtransposition par le gouvernement dans un délai bref
  • Renforcer les missions de l'Anses afin qu'elle dresse, dans ses avis et retraits d'autorisation de mise sur le marché, un bilan « bénéfices risques » d'une interdiction, notamment pour mesurer les effets de bord environnementaux d'une éventuelle interdiction à court terme d'une substance active, le cas échéant en prévoyant un laps de temps nécessaire à l'émergence d'alternatives crédibles
  • Pérenniser le dispositif TODE et l’étendre à certains secteurs, et en sortant les entreprises agroalimentaires saisonnières de l’application du bonus malus sur les contrats courts
  • Mettre en place un mécanisme de suramortissement ou un crédit d’impôt pour les investissements de mécanisation dans l’agriculture ou l’agroalimentaire
  • Prendre dès la loi de finances 2023 plusieurs mesures de baisse d’impôt en faveur de la production agricole ou agroalimentaire
  • Augmenter les crédits des plans d’investissement portant sur l’innovation agricole
  • Limiter « le champ des procédures administratives qui ralentissement aujourd’hui trop les agrandissements ou le développement de site de production dans des secteurs stratégiques »
  • Créer un livret Agri sur le modèle du livret de développement durable et solidaire
  • Durcir les contrôles sur les denrées alimentaires importées

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