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Diversification viticole : « Le kiwi est un fruit demandé »

Camille Hauselmann cultive, avec son frère et son cousin, des kiwis en Charente-Maritime, en complément de leur activité viticole. Une diversification qui élargit leur clientèle.

Chez les Hauselmann, au domaine de la Chauvillière, à Sablonceaux, en Charente-Maritime, le choix de la diversification en kiwi a été engagé par la génération précédente, dans les années 1980. Aux manettes du domaine depuis 2014, les cousins Yannick et Antoine Hauselmann continuent d’exploiter 2,5 hectares de kiwi vert Hayward. Ils ont été rejoints par Camille Hauselmann, la sœur de Yannick, en 2021. Cette production s’ajoute à celle de vin IGP charentais, de cognac, de pineau-des-charentes sur 65 hectares et à 40 hectares de céréales.

« Ce fruit a de l’avenir. Nous n’avons aucun problème de vente, se réjouit Camille Hauselmann. Nos vieux pieds donnent des gros fruits que nous valorisons bien. Nous les vendons en direct. Les gens font des kilomètres pour venir en chercher ». La plantation de kiwis est installée sur une parcelle d’un seul tenant, proche de l’exploitation. Elle est entourée d’arbres et de haies pour protéger les kiwis du vent.

L’irrigation est assurée par aspersion et alimentée par un forage. Un petit fossé est aménagé dans chaque interrang pour drainer le sol car « le kiwi aime l’eau mais n’aime pas avoir les pieds dans l’eau », résume Camille Hauselmann.

Les investissements en matériel sont limités et amortis. La chambre froide installée dans un bâtiment est d’origine, tout comme les palox utilisés pour la récolte et le stockage. Le tracteur sans cabine de l’exploitation passe entre les rangs. Il s’équipe d’un broyeur déporté pour tondre l’herbe, qui sert également pour les parcelles de vigne et leurs abords.

Le calendrier de culture est compatible avec celui de la vigne

Il n’y a pas besoin de pulvérisateur car la culture du kiwi ne requiert pas de traitement. L'enherbement est géré par trois tontes par an environ. Il arrive qu’un désherbage chimique soit effectué en cas de débordement comme en 2024, mais ce n’est pas systématique.

Le palissage est établi et ne nécessite pas de travail annuel, à part quelques réparations éventuelles. Il n’y a pas d’attachage des rameaux, ils retombent librement. Avant la récolte, les branches qui pourraient gêner le tracteur sont taillées.

 

 
<em class="placeholder">Une parcelle de kiwis à Sablonceaux en Charente-Maritime.</em>
La parcelle a été aménagée pour faciliter le draînage, le kiwi appréciant l'eau mais sans excès. © C. Gerbod

La floraison intervient en juin et ne dure que trois ou quatre jours. La récolte a lieu vers la Toussaint. « Elle prend quatre jours à six personnes », précise Camille Hauselmann. Et les fruits sont récoltés en une fois car le kiwi est un fruit dit climactérique, qui continue de mûrir après cueillette. Il se conserve bien en chambre froide. « Si un fruit s’abîme, il ne contamine pas ses voisins », apprécie la jeune femme. 

La taille des actinidias est chronophage

Le point le plus compliqué est la taille. Elle intervient en même temps que celle de la vigne. Elle n’est pas complexe techniquement mais chronophage et physique compte tenu de la vigueur de l’actinidia, nom de la plante liane qui produit les kiwis. Pour ne pas prendre de main-d’œuvre en plus, c’est Antoine Hauselmann qui l’assure. Il met « un bon mois pour tailler les deux hectares et demi, là où un hectare de vigne prend une semaine », détaille Camille Hauselmann. Les bois sont broyés sur place. Ce temps de taille exigeant a conduit les Hauselmann à arracher un demi hectare sur les trois originellement plantés dans les années 1980. Cette décision a aussi été motivée par la phrophylaxie alors que la bactériose du kiwi menaçait certains pieds.

De la trésorerie qui rentre rapidement

La commercialisation est en revanche facile. Les Hauselmann commercialisent tout en direct, au domaine, de décembre à mars. Le prix était de 4 euros le kilo cette année. « En janvier et février, où l’on ne vend pas beaucoup de vin, les kiwis animent le caveau. Ils attirent une clientèle différente », relève Camille Hauselmann. La part du kiwi dans le chiffre d’affaires ne dépasse pas 2 à 3 % mais le fruit est vendu rapidement après récolte donc apporte de la trésorerie. Il y a peu de manipulation, aucun frais et travail de transformation, juste du stockage.

Mais d’ici cinq ans, la question du renouvellement de la plantation va se poser. Kiwi ou pas kiwi ? La réponse n’est pas tranchée. Si d’un côté, Camille Hauselmann observe que « le kiwi est à la mode et ne se démode pas », son besoin en eau est problématique. « Il faut 2 000 à 3 000 m3 par hectare de mai à septembre, calcule Antoine Hauselmann. Aujourd’hui, nous avons 12 000 m3 par an autorisés pour l'ensemble de l'exploitation, dix fois moins que dans les années 2000. » « Le bassin de la Seudre est très restrictif à cause de l’ostréiculture et des irriguants en grande culture. Le kiwi sera-t-il prioritaire ? », s'interroge Camille Hauselmann.

Autre inquiétude, les aléas climatiques. La récolte atteint entre 10 et 15 tonnes par hectare mais « sur les cinq dernières années, il y a eu trois petites années », déplore Antoine Hauselmann. En 2022, le gel a même anéanti toute la récolte. Le domaine n'est pas équipé contre cet aléa. De même, le coût d’une nouvelle plantation leur pose question. Il faudrait entièrement changer de système et installer du goutte-à-goutte. L’évolution de la conjoncture du cognac sera également déterminante dans la décision.

En attendant de trancher, les Hauselmann continuent de se diversifier. Cela passe par les produits comme un jus de raisin pétillant réalisé pour la deuxième année en 2024, et qui plaît beaucoup. Côté grandes cultures, ils tentent le sorgho sur 7 hectares.

Les tops

La culture du kiwi ne nécessite pas de traitement

Pas besoin de matériel spécifique

Le kiwi est un fruit demandé

Les flops

Il est sensible aux aléas climatiques comme la vigne

L'irrigation doit être conduite avec précision

La taille des actinidias est chronophage

Menace de la bactériose du kiwi ou Pseudomonas syringae pv. actinidiae (PSA)

repères

Domaine de la Chauvillière

Surface 25 hectares vins IGP charentais, 40 hectares cognac et pineau-des-cahrentes, 5 hectares kiwis, 40 hectares de céréales

Encépagement chardonnay, sauvignon, merlot, ugni blanc

Production IGP charentais, cognac, pineau des charentes

Commercialisation locale pour le vin (moitié particulier en direct, moitié CHR) ; cognac : en contrat, en libre et en propre. Vente au domaine de cognac et de pineau-des-charentes

Effectif 3 associés + 1 salarié à 80 % + 1 temps plein + 2 personnes à mi-temps + quatre saisonniers  de décembre à juin

Certification certification environnementale cognac (CEC) en cours

 

Un temps plein pour 2 à 3 hectares

 

 
<em class="placeholder">Plante liane vigoureuse, l&#039;actinidia requiert un long temps de taille. </em>
Plante liane vigoureuse, l'actinidia requiert un long temps de taille. © C. Gerbod

Avec une production annuelle de 45 000 tonnes de kiwi, la France ne couvre que la moitié de sa consommation annuelle qui atteint 80 000 tonnes. « La filière est porteuse », argue Christophe Gautheron, directeur de la coopérative KSO – Les kiwiculteurs du Sud-Ouest, leader de la mise en marché de kiwi bio français. Il déplore le manque de renouvellement des plantations installées il y a une quarantaine d’années. Ses adhérents proviennent tous de Nouvelle-Aquitaine ; la moitié a une activité viticole. Il estime que 2 à 3 hectares de kiwi occupent un temps plein mais « permettent de vivre ». Pour une plantation nouvelle, il avance un investissement d’environ 80 000 euros par hectare, irrigation comprise, une production à partir de cinq ans, et en pleine capacité à huit ans. Le rendement peut atteindre 25 tonnes par hectare en bio. L’actinidia requiert un sol « filtrant drainant » et nécessite d'être « le plus possible protégée du vent », précise Christophe Gautheron.

Anthony Brun, viticulteur en Charente-Maritime, kiwiculteur sur 4 hectares et adhérent de KSO, juge que « la culture peut être rentable si les prix se maintiennent ». Il évoque une valorisation d’environ 2 euros le kilo (selon le calibre) et un chiffre d’affaires à l’hectare entre 30 000 à 50 000 euros pour un rendement de « 15 à 25 tonnes par hectare ». Du côté des coûts, c'est essentiellement le besoin en main-d’œuvre qui pèse. Il est surtout concentré sur la taille et le tirage des bois. S’y ajoute de l’éclaircissage. Même constat chez Jérôme Marchand, autre adhérent viticulteur de KSO, qui en cultive aussi 4 hectares. « Tout est manuel. La taille et l’attachage tombent en même temps que la vigne et l’éclaircissage au milieu des relevages », observe-t-il. Il apprécie que cette production soit rémunérée beaucoup plus vite que pour ses activités viticoles aussi en coopération. Mais comme la vigne, le kiwi subit les aléas climatiques. La bactérie PSA (Pseudomonas syringae pv. actinidiae) inquiète également. « Elle est présente plus ou moins selon la climatologie. La pression est assez importante ce printemps », informe Christophe Gautheron.

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