Des automatismes se déploient peu à peu sur tous les matériels de chai
Conscients des difficultés rencontrées par les caves pour trouver de la main-d’œuvre qualifiée, les constructeurs misent sur l’automatisation des différentes étapes de la vinification.
Conscients des difficultés rencontrées par les caves pour trouver de la main-d’œuvre qualifiée, les constructeurs misent sur l’automatisation des différentes étapes de la vinification.
« À terme, il ne faudra plus qu’un caviste et un œnologue dans les chais », prédit Yacine Amami, directeur général de l’entreprise italienne Della Toffola et chantre de la « linéarisation des flux ». Si les choses n’en sont pas encore là, on s’en approche sur certains postes. Les constructeurs de matériel de chai rivalisent d’inventivité pour automatiser au maximum leurs outils ou développer des appareils réalisant seuls des opérations fastidieuses et répétitives.
Tri : quand l’optique remplace l’œil
Il en va ainsi pour les matériels de tri. La dernière décennie a en effet vu débarquer des trieurs optiques chez plusieurs constructeurs. Ces outils, qui détectent les baies et déchets non conformes en termes de couleur, de forme et de taille à l’aide de caméras et les éjectent via un jet d’air ou une aspiration en fonction des seuils choisis par l’utilisateur, remplacent les salariés dédiés au tri, notamment dans les domaines prestigieux.
Proposés par Pera Pellenc, Bucher Vaslin, Defranceschi-Sacmi, CITF ou plus récemment par Weco, ces appareils sont néanmoins onéreux (compter au minimum 60 000 euros), ce qui explique qu’ils restent cantonnés aux exploitations valorisant bien leur vin.
Levurage : de la multiplication automatique des levures à l’ensemencement
Second poste à pouvoir être automatisé : le levurage. Plusieurs machines visent à réhydrater, multiplier ou inoculer les levures sèches actives. Les levureurs lancés il y a une dizaine d’années par Œnobrands et Silverson ou les réactivateurs de levures de AEB Spindal, d’ID Fluides ou encore Kreyer, permettent de s’affranchir d’une surveillance du levain.
De nombreuses caves coopératives ont ainsi investi dans ces outils, avec à la clé, un gain de temps conséquent. La cave coopérative de Tutiac, à Marcillac, en Gironde, possède un matériel de multiplication des levures. « Un automate gère automatiquement la température du levain, le cycle de réhydratation, décrit Paul Oui, responsable technique vin de la cave. La multiplication se déroule par exemple à 28 °C, puis la température diminue pour éviter tout choc thermique lors de l’introduction dans la cuve. » Selon lui, cet appareil est une vraie avancée technique qui permet une meilleure cinétique de fermentation, l’absence de problèmes de réduction ou d’arrêt de fermentation alcoolique (FA) et des vins plus propres. « Les levains sont beaucoup plus actifs, ce qui nous permet de gagner un jour de FA », souligne l’œnologue. En outre, là où il fallait auparavant une personne à temps complet, il n’y a plus besoin que d’un contrôle en début de journée.
Pressurage : un fonctionnement de plus en plus automatisé
Autres outils automatisés chez la plupart des constructeurs : les pressoirs. Bucher Vaslin propose par exemple différents niveaux d’automatisation. Les pressoirs XPlus peuvent être équipés d’un système de nettoyage automatique nommé Aqua Pulse. Ce dernier déclenche automatiquement le lavage de la cage, sans intervention humaine. Une option qui permet en outre de diminuer la consommation d’eau au nettoyage d’au moins 30 %, avance Yannick Cadot, chef de produit filtration et pressurage chez Bucher Vaslin, et de réduire le temps dédié à cette tâche. Elle ne prend plus que 5 à 10 minutes, contre 20 à 30 minutes lorsqu’un opérateur la réalise. Ce qui libère le pressoir plus vite.
Bucher Vaslin propose également un programme automatique de sélection des jus. À condition d’avoir connecté le pressoir à plusieurs cuves de sortie, il peut séparer les différents jus, sur simple consigne de l’utilisateur. Cette dernière peut être basée sur une pression, ou un volume écoulé. Enfin, les pressoirs XPert peuvent être dotés de l’option Maestro, qui libère complètement l’opérateur. Pour peu qu’il soit connecté aux cuves d’entrée et de sortie, le pressoir se remplit seul, lance son cycle selon la consigne donnée par l’utilisateur, s’arrête à la fin du cycle, démarre sa vidange et une fois vide, lance son nettoyage. Une application permet de visualiser l’avancée des pressoirs depuis son smartphone.
De son côté, Pera Pellenc proposera des nettoyages automatiques sur toute sa gamme de pressoirs à partir de 2024. Pour l’instant, ses unités de 40 à 600 hl peuvent disposer d’un système automatique de pressurage. « L’opérateur choisit le profil qu’il souhaite, et l’appareil choisit seul le cycle le plus adapté, décrit Kevin Sanguy, directeur du département équipements de cave chez Pera Pellenc. Cela permet un gain de temps. »
Della Toffola n’est pas en reste. Avec son système Ampelos, la firme italienne va même plus loin puisque l’appareil est capable de choisir son cycle de pressurage seul. À partir du moment où le pressoir est connecté avec une arrivée de raisins ou de vin, il gère son remplissage, la phase d’égouttage, le choix du cycle de pressurage, sa vidange, la gestion du marc et son lavage. « Un colorimètre en ligne permet de sélectionner les jus par rapport au choix du vinificateur et à la couleur de sortie, indique Yacine Amami. Par ailleurs, un algorithme gère le pressurage afin qu’il soit le plus doux et rapide possible, pour obtenir les meilleurs jus. » Il estime qu’une personne peut ainsi surveiller le pressurage de 30 à 40 tonnes par heure, et que là où il fallait auparavant quatre personnes pour un atelier de pressurage, une seule suffit à présent. Avec à la clé, une optimisation du cycle, des économies d’énergie de l’ordre de 30 à 40 % et d’eau d’environ 60 %.
Filtration : le tangentiel, 100 % autonome
Autre outil très déployé dans les grosses structures vinicoles depuis une vingtaine d’années, mais aussi adapté aux petites structures : les filtres tangentiels. Notamment proposés par Bucher Vaslin, Della Toffola, Pall, ou encore Pera Pellenc, ils sont entièrement automatisés et tournent 24 heures sur 24, ce qui permet un réel gain de temps et de main-d’œuvre. « Quand nous avons lancé ces appareils il y a une trentaine d’années, c’était dans le but de remplacer les filtres à terre manuels, se remémore Yannick Cadot. Nous y avons intégré un maximum d’automatismes afin de libérer l’opérateur. En une voire deux heures maximum, il effectue tous les branchements et réglages. Puis le filtre fait le reste. »
Mais aussi…
Flottation, prise de mousse
Della Toffola automatise également d’autres opérations, comme la flottation ou la prise de mousse en méthode Charmat. Dans ce dernier cas de figure, « le système gère tout, de l’ajout de la liqueur et des nutriments, au cycle de température, à l’agitation, et à l’injection d’oxygène pour activer les levures », décrit Yacine Amami. Dès que la cuve atteint l’objectif de pression, l’automate refroidit automatiquement la cuve.
Boisage
Pera Pellenc et Ever ont récemment lancé le Smart Oak et l’Enomatic, des outils de pilotage automatisé du boisage des vins. En 6 à 12 jours, ils permettent une extraction des composants du bois. Outre les gains de temps sur le boisage, ces outils permettent de réduire la main-d’œuvre dédiée à cette tâche, et sa pénibilité.
Manutention des barriques
Le Winebot de Lamouroux a été développé pour gérer la manutention et le déplacement des barriques de manière autonome. Il peut en outre les mettre sur les laveurs Barilav ou Barione et réaliser des contrôles.
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