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Ces vignerons qui plébiscitent la vendange entière en vinification

Les pratiques et les raisons qui poussent les vignerons à utiliser les rafles sont nombreuses. Voici quatre retours d’expériences de domaines ayant mené une réflexion sur le sujet.

Certains vignerons font le choix de vinifier leurs cuvée avec tout ou partie des rafles.
© B. Compagnon
 

" Tous les terroirs ne supportent pas la même quantité de rafles "

 

 
Louis Barruol, vigneron au domaine Saint-Cosme, dans le Vaucluse
Louis Barruol, vigneron au domaine Saint-Cosme, dans le Vaucluse © Château Saint Cosme
" Nous avons toujours travaillé avec 100 % de vendange entière sur nos gigondas. Quand les égrappoirs sont apparus dans le vignoble nous avons fait pendant longtemps des expérimentations pour comparer les deux, et avons toujours eu de meilleurs résultats avec les lots non éraflés. La vendange entière donne une sensation de fraîcheur. Mais pour moi on ne peut pas parler de rafles sans regarder le contexte qu’il y a autour ; c’est une pratique qui trouve sa cohérence dans un ensemble. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un levier d’action face au réchauffement climatique. Notre idée au domaine c’est qu’il faut écouter son terroir, ne pas inverser les rôles. Chez nous ça fonctionne. Je considère que la rafle fait partie, comme le raisin, comme les pépins, du terroir. Et pour savoir si ses vins se prêtent à la vendange entière il faut expérimenter, toutes choses égales par ailleurs. C’est la base. Par exemple, je sais que nos vinsobres ne supportent pas 100 % de vendange entière, sinon les tanins sont trop forts. De même j’ai une cuvée de côtes-du-rhône que j’égrappe. Je ne me focalise pas sur la « maturité » de la rafle, ça ne veut rien dire pour moi. En pratique on se rend compte que des rafles « mûres » ne sont pas toujours bonnes, et a contrario j’ai déjà fait de très bons produits sur des millésimes où les rafles étaient vertes. Quand je vinifie en vendange entière je foule légèrement pour avoir une phase liquide, car je travaille en levures indigènes. Mais il faut que ça soit doux pour ne pas triturer les rafles. Le tout part directement via une pompe à olives pour une cuvaison longue. Du côté de la vinification ça ne change pas grand-chose. Après le décuvage je réalise un pressurage très doux lui aussi, au pressoir pneumatique, en dessous de 1 bar. "

" Cette pratique aura sa place lors de millésimes plus chauds et lourds "

 

 
Boris Gruy, directeur d’expoitation au château de la Chaize, dans le Rhône
Boris Gruy, directeur d’expoitation au château de la Chaize, dans le Rhône © Château de la Chaize
" Historiquement le domaine avait tendance à égrapper à 100 %. Récemment nous avons fait des essais en vendanges entières, pour plusieurs raisons. Nous avons cherché à voir s’il était possible de diminuer le taux d’alcool de nos vins, mais aussi d’élargir la gamme avec des profils différents qui gagneraient en fruité et en fraîcheur. Et nous sommes satisfaits du résultat. En 2020, les lots avec 50 % de vendange entière nous ont paru plus digestes, plus buvables, là où les lots éraflés ont eu besoin de plus d’élevage. Il faut dire qu’avec les rafles, l’extraction est plus douce, puisque le pigeage est difficile, et plus courte, 8 à 9 jours maximum. On gagne en fruit, en mâche, mais surtout en complexité, les vins sont plus riches avec des notes mentholées, épicées. Nous ciblons les parcelles de vieilles vignes, où la maturité des rafles semble meilleure. Et si l’on observe un décalage entre la maturité des rafles et des baies, nous ne tentons pas la vendange entière. En 2021 par exemple, millésime frais, nous n’avons vinifié qu’une seule cuvée par curiosité. En cave nous faisons très attention au pressurage et au temps de macération. La grosse difficulté c’est de ne pas aller trop loin pour ne pas avoir de notes végétales : on est sur un fil. La dégustation est donc très importante pour vérifier que les tanins ne deviennent pas désagréables en bouche. Cela nous est déjà arrivé d’anticiper le décuvage car nous trouvions l’extraction trop importante. Nous n’avons jamais eu de déviation à cause du relargage de sucres mais il faut dire que nous sommes très vigilants. Et lors des analyses, on constate souvent 0,5 voire 0,7 degré d’écart en alcool. Je pense que cette pratique aura toute sa place à l’avenir, face à des millésimes qui seront de plus en plus chauds et lourds. Pour l’instant nous faisons cela plutôt sur notre milieu de gamme, mais nous souhaitons faire évoluer cette tendance et y aller aussi pour le haut de gamme, en commençant par 10/20 %. "

" Nous avons des profils qui nous distinguent "

 

 
Sophie Jean et Florence Jean-Laguna, vigneronnes au domaine du Vieux Chai, dans l’Hérault.
Sophie Jean et Florence Jean-Laguna, vigneronnes au domaine du Vieux Chai, dans l’Hérault. © Domaine du Vieux Chai
" Nous n’avons pas d’égrappoir au domaine. Au début c’était traditionnel, car notre grand-père et notre père faisaient comme cela. Puis c’est devenu un choix : nos vins se prêtent bien à la vinification avec les rafles, et c’est une façon de se distinguer. Nous n’avons jamais eu de problèmes particuliers de verdeur. Il faut dire que nous arrivons à avoir de belles maturités. Le tout est d’arriver à vendanger au bon moment. Nos raisins ne sont pas foulés, si ce n’est légèrement par le transport et la vidange dans les cuves. Nous vinifions à une température contrôlée plutôt basse, autour de 22/23 °C, avec un remontage tous les jours. Si la température monte trop, nous faisons un délestage en milieu de fermentation alcoolique pour repartir en douceur. Le temps de macération est défini par la dégustation : nous goûtons tous les jours et dès que nous sentons que les tanins deviennent trop présents par rapport à notre objectif, nous décuvons. Pour les vins destinés à une consommation dans l’année, c’est assez rapide. Le saint-chinian demande en général une quinzaine de jours. Sur notre cuvée Terrasses de ceps, en revanche, nous faisons une macération beaucoup plus longue car nous avons besoin de matière pour tenir l’élevage un an en barriques. Elle est composée de 70 % de syrah, 20 % de grenache et 10 % de carignan. Ces cépages s’y prêtent sans problème pour nous. "

 

" J’obtiens des vins plus digestes et plus frais "

 

 
Xavier Weisskopf, vigneron au domaine le Rocher des Violettes, en Indre-et-Loire
Xavier Weisskopf, vigneron au domaine le Rocher des Violettes, en Indre-et-Loire © C. Ananiguan
" J’utilise la rafle différemment selon les cépages. Sur le côt, je mets 100 % de vendange entière depuis 2008. L’idée est d’avoir le grain le plus intact possible pour éviter d’extraire les composés de la peau. Sur une vendange éraflée, la lésion au niveau du pédicelle représente déjà une porte d’entrée dans le vin. Je réalise une fermentation semi-carbonique à basse température, environ 16 °C, quasiment sans intervenir, juste en infusion. J’effectue simplement un remontage à l’air vers 1 050 de densité pour multiplier les levures et assurer la fin de fermentation. Quand je commence à sentir la sensation tanique, après 10 jours à 3 semaines, on décuve, on presse et on finit en phase liquide. Cet itinéraire me permet d’avoir un profil plus digeste, gouleyant, fruité avec une légère structure, malgré le fait que la maturité du côt ne soit pas toujours optimale chez nous. En Touraine, un côt égrappé est généralement plus rustique que dans le Sud. Mais il faudra peut-être que je revoie ma copie en 2022, car il y a beaucoup de rafles par rapport aux baies à cause de la coulure; un égrappage partiel pourrait être nécessaire. Sur le pinot noir c’est un peu l’inverse. J’érafle sur les petites maturités, mais quand c’est bien mûr je viens chercher le côté fraîcheur de la rafle et croquant de la semi-carbonique. En général je mets alors au moins 40 % de vendange entière, voire plus si le millésime est vraiment solaire. Je commence par une macération douce, avec la vendange entière au fond de la cuve et celle éraflée par-dessus. Puis quand la fermentation est lancée je cherche à extraire un maximum et réalise un pigeage quotidien. Ça peut faire peur, mais il y a un pic tanique puis ça se calme au-delà de 21 jours ; les gros tanins tombent dans les lies. En fin de fermentation je ferme et laisse macérer un mois. Puis je réalise un an d’élevage. Cela donne un profil de vin de garde, qui a tendance à se fermer la deuxième année, mais qui s’ouvre ensuite. "

Découvrez le reste de notre dossier sur les rafles :

La rafle de raisin, une matière avec de nombreux atouts

Les grands principes pour une cuvée avec rafles réussie

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