MSA et mal-être agricole : « Il faut lever les tabous, il faut en parler »
Comment la MSA gère la prévention du mal-être agricole ? Entretien avec Magalie Rascle, Directrice déléguée en charge des politiques sociales à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA).
Comment la MSA gère la prévention du mal-être agricole ? Entretien avec Magalie Rascle, Directrice déléguée en charge des politiques sociales à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA).

Comment s’organisent les dispositifs de prévention du mal-être agricole ? Les services sont-ils disponibles dans toutes les caisses MSA ?
Magalie Rascle : Nous avons mis en place depuis 2021 un programme de prévention du mal-être agricole, en lien avec le plan interministériel du mal-être en agriculture initié la même année, dans lequel la MSA a un rôle de pilier. Dans le cadre de ce programme, il y a un certain nombre de dispositifs qui sont déployés dans les 35 caisses de MSA à l’aide d’un référent dans chaque caisse qui est responsable du déploiement des dispositifs liés. Il y a un socle solide d'actions de prévention du mal-être agricole en direction de nos adhérents, et ce quelle que soit la caisse de MSA.
« Cette aide permet aux personnes en difficulté d’avoir accès à un accompagnement psychologique, à la prise en charge du service de remplacement ou à des séjours répits »
Concrètement, il existe des actions qui sont menées au niveau national, comme par exemple la plateforme téléphonique Agri’Ecoute. Chaque caisse est également dotée d’une cellule pluridisciplinaire qui traite les signalements de mal-être. Ces cellules sont généralement composées d’un travailleur social de la MSA, un contrôleur, un conseiller en prévention, un conseiller en protection sociale, un médecin du travail, un médecin de contrôle, voire un psychologue, etc. Elles permettent de prendre en compte chaque situation dans sa globalité, dans le cadre de notre rôle de guichet unique. Aussi, toutes les caisses MSA proposent une aide au répit pour les personnes en situation d'épuisement professionnel. Cette aide permet aux personnes en difficulté d’avoir accès à un accompagnement psychologique, à la prise en charge du service de remplacement ou à des séjours répits.
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Quels sont les dispositifs locaux ?
Magalie Rascle : Il existe aussi des dispositifs nationaux qui sont déclinés localement, comme le dispositif des Sentinelles, où des personnes sont formées à détecter et orienter les personnes en situation de mal-être. Enfin, il peut y avoir des actions développées localement, que nous encourageons. Un appel à projet a notamment été déployé au niveau national depuis 2022, pour soutenir les initiatives liées à des problématiques locales, et qui ont un intérêt à être essaimées.
« Une caisse MSA peut proposer un accompagnement particulier pour faire face à la problématique des attaques de loup sur les troupeaux »
Par exemple, une caisse MSA peut proposer un accompagnement particulier pour faire face à la problématique des attaques de loup sur les troupeaux, qui génèrent des situations de mal-être. Certains territoires proposent des initiatives en direction des jeunes, via notamment des théâtres-forums ou des actions de sensibilisation des jeunes en Maisons familiales rurales (MFR).
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Quels sont les récents dispositifs mis en place par la MSA pour la prévention du mal-être en agriculture ?
Magalie Rascle : Nous avons déployé en 2024 le portail Soutien agri’ dans le contexte des crises agricoles. C’est un portail qui sert de point d’entrée unique vers tous les dispositifs de la MSA pour le monde agricole, qu’ils soient économiques, sociaux, de prévention du mal-être, etc. Nous travaillons sur notre communication pour rendre plus lisibles ces aides et ces dispositifs. L’an dernier, nous avons aussi expérimenté l'aide au répit administratif, qui permet d’apporter un soutien administratif pour les personnes débordées sur ce point.
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Les dispositifs sont-ils mobilisés par les agriculteurs et agricultrices ? Comment évoluent-ils ?
Magalie Rascle : Nous suivons l’utilisation de ces dispositifs de très près, à la fois au niveau quantitatif et qualitatif. Pour la plateforme Agri’Ecoute, nous avons constaté une hausse de près de 50 % du nombre d’appels aboutis entre 2023 et 2024. La MSA a aussi formé plus de 8 000 sentinelles, dépassant l’objectif de 5 000 sentinelles fixé dans le plan interministériel du mal-être en agriculture. Nous observons aussi une forte attente d’acteurs proches du monde agricole comme les vétérinaires, les secrétaires de mairie, ou les salariés des chambres d'agriculture, qui demandent de pouvoir se former à ces problématiques, parce qu'ils font face à des signaux de mal-être. Au niveau de l’aide au répit, nous avons enregistré une augmentation de 27 % du nombre de bénéficiaires en un an.
Nous avons aussi observé une hausse de 30 % des signalements de mal-être entre 2023 et 2024. C’est dû à la fois à une augmentation du mal-être, mais aussi à une augmentation de la détection, notamment grâce aux nombreuses sentinelles formées. La MSA communique beaucoup pour faire connaître au plus grand nombre ses dispositifs de prévention, et ainsi lever les tabous sur la question du mal-être et de la santé mentale. Nous pensons vraiment qu’il faut lever les tabous, qu’il faut en parler.
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Dans le cadre de la prochaine Convention d’objectif et de gestion signé entre la MSA et l’État, est-ce que certains dispositifs de prévention du mal-être agricole vont être renforcés ? Peut-on même attendre de nouveaux dispositifs ?
Magalie Rascle : Suite aux récentes élections MSA, un nouveau conseil d’administration centrale va être élu. Ce conseil aura à se prononcer sur le prochain projet de Convention d'objectifs et de gestion (COG) avec l'État pour un mandat de cinq ans sur la période 2026-2030. En parallèle, le projet stratégique à horizon MSA 2030 a été adopté par l'Assemblée générale de la caisse centrale l'année dernière. Ce projet est notre feuille de route politique et stratégique pour négocier la prochaine COG.
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Dans le projet stratégique MSA 2030, l'accompagnement du monde agricole et de toutes les difficultés potentielles auquel il peut faire face est une priorité, et se traduit de différentes façons. D’abord, globalement, nous souhaitons renforcer nos actions qui visent à « simplifier la vie » de nos adhérents. L'idée est de permettre un accès plus facilité à la protection sociale agricole, et donc à tous les dispositifs proposés par la MSA. Et ce, quelle que soit la situation : une naissance, une installation, une cession, un départ à la retraite, une difficulté de santé, …
Ensuite, la MSA continue à jouer pleinement son rôle d'accompagnement des transitions du monde agricole, qui fait partie du projet MSA 2030. Enfin, il est important que la MSA continue son soutien face aux crises agricoles, via ses dispositifs économiques et sociaux. Car ces crises, certaines conjoncturelles mais d’autres plus structurelles, risquent malheureusement de se poursuivre.
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