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Trois ONG dénoncent « un élevage d’exportation bas de gamme » pratiqué en France, « c'est faux! » répondent les professionnels

Le Réseau Action Climat, Oxfam France et Greenpeace France ont publié le 4 octobre une étude sur les filières poulet de chair, porc et production de lait conventionnel. Une étude qui reproche aux grandes entreprises de l’agroalimentaire de les entraîner dans une course aux bas prix sur les marchés mondiaux. Une analyse fausse selon l'interprofession volaille Anvol et Culture Viande.

ONG
© Pascal Le Douarin

[Mis à jour le 7 octobre à 8h44 avec les réactions d'Anvol et Culture Viande]

Alors que s'ouvrait le Sommet de l’élevage  trois ONG Le Réseau Action Climat, Oxfam France et Greenpeace France ont publié le 4 octobre une étude intitulée « Les coulisses de l'élevage d'exportation bas de gamme » conçue par Kokkoo Conseil. 
« Si certaines pratiques d'élevage sont plus vertueuses en France que dans la moyenne des pays européens (celles notamment mises en avant cette semaine à Cournon, ndlr), cela ne doit pas occulter une réalité : une partie de l'élevage français s'intensifie toujours davantage », écrivent les auteurs de l'étude.

« Cette intensification s’explique notamment par le fait que ces filières se positionnent de plus en plus sur le marché mondial en exportant des produits très bas de gamme, alors qu’en parallèle des importations de produits animaux de plus haute gamme viennent combler une demande intérieure française en évolution », affirment les auteurs du rapport, et ce au moment même où le Sénat vient de publier un rapport sur la perte de compétitivité de l'agriculture française et la hausse des importations de produits bas de gamme, notamment pour le poulet.

Alors que les sénateurs déplorent les conséquences néfastes de la stratégie haut de gamme menée par Emmanuel Macron qui freine les exportations françaises, l'étude des ONG s’attèle, elle, à montrer que l’exportation de ces produits d’élevage est dominée par quelques grandes entreprises agroalimentaires aux dimensions internationales. « Une stratégie qui induit une transformation des produits dans des chaînes industrialisées et enferme les acteurs (éleveurs, transformateurs) dans des systèmes intensifs, seuls à même d’être potentiellement compétitifs sur le marché international », écrivent les ONG.

Et vont plus loin : « Pourtant, ces modèles ne sont pas particulièrement rentables pour les opérateurs français, qui réalisent des marges faibles voire sont fragilisés économiquement, comme c’est le cas dans la filière poulet », peut-on encore lire dans l'étude. Or la problématique de la filière poulet française est plutôt de regagner des parts de marché sur la France face aux produits d'importation, comme le souligne le plan de filière.

 

Effet négatif pour les pays du Sud

Les auteurs de l’étude dénoncent des impacts négatifs en France comme dans les pays du Sud en expliquant que « le principal effet négatif découle de la concurrence féroce que génèrent ces exportations vis-à-vis des filières locales des pays concernés ». Selon eux, les produits étudiés sont issus de filières intensives plus productives que les filières locales des marchés visés et bénéficient d’un avantage comparatif grâce aux subventions publiques (notamment de la Pac) et les différentiels de prix entre produits importés et filières locales sont souvent à imputer à des « tarifs douaniers peu protecteurs ».

Une "déstructuration des filières locales" qui pose aussi des questions éthiques ainsi que sur le bien-être animal, toujours selon le rapport qui pointe notamment la densité des animaux et leur non-accès au plein air, et des questions environnementales (pollutions aux nitrates, émissions d’ammoniac, émissions de gaz à effet de serre et déforestation importée avec notamment l’importation de soja pour nourrir les animaux d’élevage sont mises en avant par le rapport).
 

Un impact sur le modèle socio-économique de l'élevage français

Le rapport met en avant les impacts sur le modèle socio-économique de l’élevage français : « Dans un contexte où le secteur de l’élevage subit de plein fouet différentes crises économiques et climatiques, le nombre d'exploitations diminue. Entre 2010 et 2016, le nombre d’exploitations spécialisées dans l’élevage a baissé de 3 % par an, celui des élevages porcins, volailles et bovins lait a même baissé de 5 % ». Selon le rapport commandité par les ONG cela s’expliquerait notamment par« une concentration et donc un agrandissement des exploitations incité par une mise en concurrence et donc une recherche de compétitivité-prix sur la scène internationale ».

Si les auteurs dénoncent des élevages toujours plus grands, ils mettent toutefois en avant « des élevages laitiers durables plus autonomes, plus petits et mobilisant moins de moyens de production. Par exemple, les élevages laitiers durables du Grand Ouest ont un résultat par actif supérieur de 66 % par rapport à la moyenne des élevages laitiers sur le même territoire ».

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Rediriger les aides publiques vers les élevages extensifs

Pour remédier à la situation, le rapport recommande de réorienter les stratégies commerciales des filières, notamment en adoptant au niveau européen une réglementation des frontières à double sens : critères exigeants à l’entrée et critères exigeants pour les exportations. Il suggère de trouver avec les filières concernées de nouveaux débouchés et une meilleure valorisation pour certains coproduits difficilement commercialisables sur le marché européen ou encore de définir avec elles une stratégie qui s’appuie davantage sur le commerce de produits de qualité, qui mette moins de pression sur les coûts de production des éleveurs.

Autre idée : ne pas octroyer de soutiens aux exportations de produits de « dégagement », et en particulier via les aides directes ou indirectes de la Pac. Le rapport souhaite sortir des élevages intensifs et enclencher la transition vers un élevage durable, notamment en redirigeant les aides publiques (Pac) vers les élevages extensifs et en augmentant les aides à l’agriculture biologique, en ajoutant le critère « pâturage » à l’aide aux élevages bovins.

Il préconise de soutenir en particulier les élevages mixtes pour les volailles (chair/œuf) et bovins (viande/lait) et les systèmes de polyculture élevage durables. Le rapport se positionne par ailleurs en faveur de l’interdiction de la publicité pour la viande issue d’élevage intensif, souhaite encourager la consommation de viande sous signe de qualité et rendre obligatoire l’étiquetage du mode d’élevage pour toutes les filières.
 

 

Anvol et Culture Viande réagissent au contenu du rapport

Contactées par Réussir, l’interprofession volaille (Anvol) et Culture Viande dénoncent en retour les nombreuses inexactitudes du rapport.

« C’est faux. La filière volaille ne se positionne pas de plus de plus sur le marché mondial, c’est même l’inverse ! Les exportations françaises de poulet sont en constante diminution. Par ailleurs, c’est également faux de dire que les produits que nous exportons sont des produits bas de gamme, car ils respectent bien évidemment les mêmes règles sanitaires que celles que nous consommons en France. Nos exportations répondent simplement à des demandes spécifiques de l’international. A ce jour le poulet dit « grand export », à destination notamment du moyen orient, représente moins de 10 % de la production française et c’est le seul produit qui est spécifiquement destiné à l’export : il s’agit d’un marché très spécifique pour du poulet entier de petit calibre », souligne Anvol.

La filière volaille ne se positionne pas sur le marché mondial

L’interprofession affirme par ailleurs qu’il « est aussi complètement faux que les importations françaises se font sur des produits plus haut de gamme, là aussi, c’est l’inverse ! Les importations française sont en constante augmentation, avec près d’un poulet sur deux consommés en France qui est importé ! et cela concerne du poulet standard dont une bonne partie vient du Brésil, de Thaïlande, du Chili ou d’Ukraine dont les règles de production sont radicalement différentes et moins-disantes que celles de chez nous. En France nous n’avons pas besoin d’importer du haut de gamme, notre filière est largement en capacité de fournir le marché intérieur sur le segment Label Rouge ou Bio ! Nous sommes les premiers en Europe et de loin ! près de 20 % de notre production se fait en Label Rouge ou en Bio ».

Par ailleurs l’interprofession volailles rappelle que « le modèle avicole français est basé sur des élevages familiaux, c’est la raison pour laquelle la taille moyenne des élevages en France est nettement inférieure à celle des autres pays ». En moyenne, en France un élevage de volaille de chair compte 2 poulaillers sur une surface totale de 2300 m² pour 40 000 volailles, en Europe, cette taille moyenne est de 6 000 m² pour plus de 100 000 volailles, souligne Anvol.

Nous avons besoin de l’appui des ONG plutôt que l’inverse

En revanche, l’interprofession reconnaît que la filière avicole française subit une « concurrence déloyale, conséquence directe des accords de libre-échange signés par l’UE et qui ouvre grand les portes aux poulets importés qui ne respectent pas les mêmes standards de production que chez nous ». « Pour permettre de freiner l’augmentation de ces importations, nous avons besoin de l’appui des ONG plutôt que l’inverse : pour pouvoir fournir aux Français un poulet qui répond à toutes leurs attentes et dont la traçabilité et la sécurité sanitaire sont garanties il faut exiger l’origine France et permettre le développement de l’élevage familial de poulet classique sur notre territoire », interpelle Anvol.
 

Des exigences très qualitatives à l’export, souligne Culture Viande

« En bovin la décapitalisation de notre cheptel est de 700 000 têtes sur le 5 dernières années et cette décapitalisation se poursuit (ndlr : à noter que le rapport parle peu de la filière bovine). De fait l’offre française réduite est déjà destinée en priorité au marché français. Concernant nos exportations de viandes bovines elles représentent 250 000 t par an dont 92% exportés vers l’Union Européenne (Italie, Grèce, Allemagne). Notre principal pays tiers d’Afrique est le Ghana avec 3000 t exportées par an soit 1,2%. Enfin il n’existe pas de production de bas de gamme, seulement la réponse à une demande en fonction des besoins et des habitudes alimentaires de chaque pays », commente ainsi côté Paul Rouche, directeur général de Culture Viande, même si le rapport évoque peu la filière bovine.

« Concernant le porc la production est en recul de près de 4% en Europe, 2,5% pour la France. Nos exportations représentent 750 000 t par an dont 70 % vers les pays de l’UE et 30 % vers les pays tiers dont 26% vers l’Asie (Chine, Corée Philippines). L’Asie comme les pays de l’UE ont des exigences qualitatives très fortes ce qui milite pour une reconnaissance du haut niveau de qualité des viandes françaises », poursuit Paul Rouche. 

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