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Qui sont les Nima ? Comment une étude déconstruit le mythe des néoruraux

Il n’existe pas un profil type des agriculteurs non issus du milieu agricole, dits Nima. Une étude d’AgroSup Dijon et de l’Inrae Bourgogne Franche Comté s’est attachée à le montrer à travers l’analyse de 41 installés dont les parents ne sont pas eux-mêmes agriculteurs dans la Nièvre.

  Jeune éleveuse de bovins au milieu de sa stabulation.
Selon l’étude, les personnes précocement socialisées à l’agriculture ont plébiscité l’élevage de ruminants, principalement en conventionnel, modèle dominant dans la région du Morvan.
© Pascal Xicluna/agriculture.gouv.fr

Agés de 21 à 52 ans, citadins, ruraux ou enfants de salariés agricoles, ils sont issus de familles des classes populaires, moyennes ou supérieures et ont occupé des emplois d’ouvriers agricoles, de l’industrie, d’agents de maîtrise, de cadres, de fonctionnaires ou de professions libérales : contrairement aux idées reçues le monde de ce que l’on appelle communément les Nima (Non issus du milieu agricole), de plus en plus nombreux parmi les nouveaux agriculteurs, s’avère très hétérogène.

Lire aussi : Qui s’installe sur des micro-fermes en France ?

La trajectoire de 41 agriculteurs Nima du Morvan étudiée

Une étude d’AgroSup Dijon et de l’Inrae Bourgogne Franche Comté publiée le 10 juin le montre à partir de l’analyse en 2024 des trajectoires d’un échantillon de 41 agriculteurs non issus du milieu agricoles, installés dans le Morvan (Nièvre) (1). Retenu dans l’appel à projets de recherche financé par le Centre d'études prospectives du ministère de l’agriculture sur le thème des nouveaux actifs agricoles, ce projet baptisé RenouvAgri propose quatre types de trajectoires d’installation des exploitants non issus du milieu agricole.

Lire aussi : Qui sont les nouveaux installés en agriculture ? Cinq profils types définis par l’ESA

Quatre types de trajectoires d’installation des Nima 

Des individus en déclassement

Un premier ensemble de trajectoires concerne 10 agriculteurs et agricultrices issus des classes moyennes (professions intermédiaires du secteur public) et surtout supérieures (professions artistiques et intellectuelles, professions libérales, cadres du privé). Aucun d’entre eux n’a de liens familiaux même distants avec le monde agricole. Certains ont connu des parcours scolaires chaotiques, exerçant des emplois ne correspondant pas à leurs aspirations initiales, d’autres ont réussi à débuter une carrière correspondant à leurs aspirations mais dans des positions précaires et ont dû accepter des emplois alimentaires. « Ils ont tous connu un déclassement au regard de la situation sociale de leur famille, assorti d’une frustration par rapport à leurs aspirations initiales » énonce Daniele Inda, coordinateur de l’étude. Pour ces personnes âgées de 32 à 44 ans, la reconversion en agriculture représentait une voie potentielle de reclassement à travers un métier qu’ils valorisaient symboliquement pour sa valeur environnementale ou son utilité sociale.

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Des trajectoires d’ « exit professionnel »

Un autre groupe de 14 agriculteurs aux origines sociales plus hétérogènes est identifié. Ces individus ont obtenu des diplômes et occupé des emplois d’encadrement dans la fonction publique ou le secteur privé avec des niveaux de vie confortable. Ils ont des attaches avec le monde agricole que ce soit par leurs origines familiales, leurs trajectoires scolaires ou un métier en lien avec l’agriculture. L’installation en agriculture représente pour eux « une bifurcation » (se distinguant des retours à la terre des années 70) suite à un « désenchantement » et une érosion progressive de leur conviction dans le métier précédemment exercé.

Lire aussi : Maraîchage bio : une « bifurcation » qui prend fin pour Benjamin Polle

Des mobilités sociales ascendantes ou horizontales

Un troisième groupe de Nima comprend des nouveaux entrants dans le métier agricole davantage issus des mondes ouvriers et indépendants. Ils se distinguent par leur fort ancrage local. Au cours de leur scolarité, ils se sont orientés vers une filière professionnelle, CAP, BEP ou bac pro en proche. La reconversion dans l’agriculture leur permet de gagner en autonomie après avoir occupé des emplois jugés pénibles, peu payés et aux horaires contraignants. L’installation en agriculture constitue donc souvent une forme d’ascension sociale.

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Des vocations agricoles précoces

Un dernier groupe d’agriculteurs comprend 10 individus ayant développé dès l’enfance ou l’adolescence un vif intérêt pour le secteur agricole. Leurs origines sociales et géographiques sont hétérogènes, leur point commun étant une sociabilisation précoce au travail agricole, via la fréquentation d’une ferme voisine, d’un proche ou d’un camarade de classe ou des séjours de vacances en zone rurale. Dès leur formation initiale, ils se sont orientés vers des filières d’enseignement agricole et ont consacré une partie de leurs vacances à travailler à titre bénévole ou rémunéré dans des exploitations agricoles. 

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Quelles orientations technicoéconomiques agricoles par trajectoire ?

Le projet Renouvagri s’est ensuite attaché à analyser les effets de ces trajectoires sur les modes de production et l’insertion dans le groupe professionnel agricole.

Conclusions : si les individus du groupe « en exit professionnel » se sont principalement dirigés vers le maraîchage bio, ceux «  en mobilité ascendante ou horizontale » ont majoritairement opté pour l’élevage de volailles quand les personnes précocement socialisées à l’agriculture ont plébiscité l’élevage de ruminants, principalement en conventionnel, modèle dominant dans la région du Morvan. Les personnes en déclassement ont quant à elles privilégié des orientations plus atypiques (plantes à parfum, aromatiques ou médicinale, boulangerie, production de laine, petits fruits rouges, pépinières), le plus souvent en agriculture biologique.

Lire aussi : « Contrairement aux idées reçues, qu’ils soient issus ou non issus du milieu agricole les nouveaux installés se ressemblent beaucoup »

Quant à leur intégration dans le monde professionnel agricole, Daniele Inda note sans surprise une grande facilité pour les individus ayant connu une socialisation précoce, et à l’inverse plus compliquée pour les personnes ayant connu une trajectoire de déclassement ou d’exit professionnel, parfois en opposition avec « les agriculteurs héritiers » sur les sujets tels que l’entretien des haies, l’utilisation des produits chimiques ou encore le rapport aux nuisibles.

Les orientations technico-économiques par trajectoire d’entrée en agriculture

orientation techniquoéconomique agricole en fonction de la trajectoire des Nima
Source : Renouvagri

Comme les quatre autres projets de recherche retenus dans l’appel à projet du Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’agriculture sur les nouveaux actifs agricoles, cette étude tend à montrer « l’hétérogénéité de la catégorie Nima » et « la déconstruction nécessaire de la figure du néorural », conclut Daniele Inda qui réaffirme «  l’importance de l’analyse des trajectoires biographiques dans l’étude des dynamiques de renouvellement générationnel en agriculture ».

Relire : Recensement agricole : portrait-robot d’une nouvelle génération d’agriculteur

(1) Echantillon sélectionné par « effet boule de neige » ce qui peut représenter un biais

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