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L'Ifip et Uniporc Ouest évaluent une méthode de détection automatique des carcasses malodorantes 

L’Ifip et Uniporc Ouest s’intéressent de près à une méthode d’analyse en abattoir de scatol et d’androsténone, les deux principaux marqueurs d’odeurs de verrats reconnus scientifiquement.

L'association des deux technologies pourrait répondre aux exigences de rapidité imposées par les cadences élevées d’abattage 
© D. Poilvet

Pour déterminer en abattoir le taux de scatol et d’androsténone des carcasses, les deux principales molécules responsables des odeurs sexuelles, l’Ifip et Uniporc Ouest ont testé une méthode d’analyse rapide de laboratoire. Cette méthode est basée sur une analyse dite LDTD-MS/MS permettant des cadences d’analyse élevées. Elle se base sur jumelage d’une source Ionique par diode laser (LDTD) (le Luxon de la société canadienne Phytronix (1)) et d’un spectromètre de masse très sensible (MS/MS) de la marque japonaise Shimadzu. La méthode de validation scientifique de cette technique a consisté à faire analyser en aveugle 20 échantillons de gras dont les teneurs en scatol et en androsténone avaient été préalablement déterminées par le laboratoire de référence Inra. Les coefficients de corrélation entre les deux séries de mesures sont très élevés (0,95 pour l’androsténone, et 0,96 pour le scatol, la corrélation maximum possible étant de 1), ce qui prouve la fiabilité de cette méthode d’analyse.

L’abatteur pourrait disposer des valeurs de scatol et d’androsténone dans un délai de deux heures

Cette association de technologies pourrait répondre aux exigences de rapidité imposées par les cadences élevées d’abattage : elle peut analyser 350 porcs mâles à l’heure, correspondant à une cadence d’abattage de 700 porcs à l’heure si le ratio moyen est de 50 % mâles et de 50 % femelles. Elle permettrait de délivrer une analyse toutes les huit secondes. L’abatteur pourrait ainsi disposer, dans un délai de deux heures maximum, des valeurs précises en odeur de verrat pour chaque carcasse testée, et de gérer ainsi ce risque selon ses marchés. Les carcasses pourraient ensuite être orientées vers différentes destinations selon les valeurs mesurées, afin d’optimiser la valorisation des viandes.

Cependant la mise en place de cette technique en abattoir nécessite des moyens financiers et techniques très importants, essentiellement dans la préparation de l’échantillon de gras avant l’analyse de laboratoire, qui doit aussi suivre la cadence d’abattage. La robotisation de la phase de prélèvement d’un échantillon de gras de bardière est nécessaire, sinon il faut affecter plusieurs opérateurs à cette tâche. La quantité de gras à analyser en odeur doit être très précise. Il faut 0,3 gramme par échantillon, soit l’équivalent d’un cube de 4 mm de côté, d’où la nécessité de développer un appareillage très pointu de prélèvement. Ensuite, il faut assurer une traçabilité parfaite de ces échantillons, qui seront ensuite convoyés jusqu’à un laboratoire idéalement implanté à proximité de la chaîne d’abattage, sous ambiance contrôlée. Cette phase serait à concevoir au cas par cas avec les fournisseurs de matériel de chaque abattoir. Dans le laboratoire, des solvants et des étalons internes sont à rajouter à chaque échantillon avant un broyage et une homogénéisation par des robots. Enfin, il faut prévoir l’automatisation des transferts de ces échantillons sur des plaquettes qui serviront de support à l’analyse. Cette méthode d’analyse nécessite des interconnections de bases de données entre Uniporc Ouest, les sociétés Shimadzu France, Phytronix/Wynsep, et les abattoirs. Le développement d’une telle technologie de pointe sur un site pilote d’abattoir sera donc coûteux en ingénierie et bureau d’études avant qu’elle ne soit généralisée sur toutes les chaînes d’abattage françaises qui souhaiteraient l’acquérir. Une première approche financière en cours à l’Ifip annonce un coût de 1,34 euro par porc mâle analysé. Le spectromètre de masse pourrait cependant être valorisé par des analyses complémentaires telles que la détection de résidus d’antibiotiques dans le maigre, ou encore les profils d’acides gras des tissus gras.

 

Les danois travaillent déjà sur cette méthode

Le Danemark travaille officiellement sur cette technique. Claus Borggaard du Danish Meat Research Institute a publié des résultats similaires lors du congrès sur la viande ICOMST 2017 en Irlande. Leur méthode d’analyse, semblable à celle testée par l’Ifip et Uniporc Ouest, associe le spectromètre de masse de la compagnie Sciex, un concurrent de Shimadzu, et Phytronix. La corrélation annoncée entre les paramètres analysés et les taux d’androsténone et de scatol est de 0,99. Mais il semblerait que les cadences testées soient moins rapides. Le Danemark est en phase d’implantation de la technique dans un des abattoirs du groupe Danish Crown.

En France, à l’heure actuelle, seul Cooperl Arc Atlantique détecte à grande échelle les carcasses malodorantes par une méthode de nez humain. Quelques abattoirs français l’utilisent également à plus petite échelle. Les autres refusent d’appliquer cette méthode, arguant du fait qu’elle n’est pas suffisamment fiable. La technologie testée par l’Ifip et Uniporc Ouest a l’avantage de se baser sur des données factuelles et reconnues par toute la communauté scientifique. Elle peut donc être considérée comme fiable. Sa mise en place en abattoir aux cadences actuelles est cependant un vrai challenge à relever. Le coût pour l’abattoir sera bien supérieur à celui annoncé par les abatteurs pratiquant le nez humain (ce dernier étant estimé à 1 euro en moyenne selon le guide de bonnes pratiques publié par l’Union européenne). Faut-il tenter l’aventure de la mise en place de cette technologie de pointe précise, qui permettrait à la production de basculer à plus grande échelle vers l’élevage de mâles entiers ? Tous les acteurs de la filière française sont-ils d’accord pour participer à son développement ? Faut-il démarrer une étude de mise en place de la technique dans un abattoir pilote en France ? Le débat est ouvert et les moyens financiers et humains à mettre en œuvre sont en cours de chiffrage, à la fois pour poursuivre sur une étude de faisabilité et/ou intégrer la mise en place d’un site pilote en France.

(1) Phytronix est distribué en France par la société Wynsep.
 

Témoignage : Claus Borggaard du Danish Meat Research Institute (DMRI)

« Une première implantation dans un abattoir danois »

"Après validation de la technique Phytronix/MSMS au DMRI, la méthode de mesure du scatol et de l’androsténone est sur le point d’être implantée dans un grand abattoir du Danemark pouvant traiter jusqu’à 2 880 échantillons de gras en huit heures. Cet abattoir disposait déjà d’un laboratoire mesurant le scatol depuis 1992. L’objectif est de disposer d’une chaîne d’analyse entièrement automatisée, du prélèvement de l’échantillon de gras sur la carcasse au résultat disponible dans la base de données de l’abattoir. Deux principaux challenges ont été levés : le prélèvement du gras et la phase d’homogénéisation de ce gras avec les réactifs. Dès cet été les solutions trouvées seront testées. Des logiciels très rapides ont été développés pour intégrer toutes les machines nécessaires à la réalisation de l’analyse robotisée en préservant la traçabilité individuelle. Le coût global est estimé à 1,20 euro par porc analysé. Ce coût inclut une maintenance préventive tous les 45 jours, les machines, le transfert des échantillons vers le laboratoire, les réactifs et les consommables. Une personne dans le laboratoire est affectée à la surveillance des équipements. Un système de secours est prévu en cas de problèmes selon une technique du nez humain (test eau chaude)."

 

Avis de Jean-Pierre Simon, président de la commission qualité Grand Ouest : "La filière doit continuer d’avancer sur le dossier mâle entier"

Avis de Jean-Pierre Simon, président de la commission qualité Grand Ouest.

Ce nouveau projet en cours de réflexion et proche de celui annoncé au Danemark doit amener la filière à s’interroger sur le coût de l’étude et ses sources de financement, la possibilité d’attendre qu’une technique éprouvée soit mise sur le marché, le coût de l’investissement dans une méthode pour les abattoirs et le coût final par carcasse testée. Par ailleurs, la validation et l’utilisation d’une méthode de tri des carcasses par certains abattoirs obligera la filière à s’interroger et à se positionner sur l’organisation de la gestion d’un marché du mâle entier. La demande forte des consommateurs sur le bien-être nous amènera sans doute à produire plus de mâles entiers. Cependant, il est très important de rappeler que la castration ne peut pas se résumer à la seule notion de bien-être animal. Elle est, en premier lieu, pratiquée pour assurer une qualité de viande aux consommateurs.

Depuis quasiment dix ans, la production n’est pas attentiste. Nous avions, avec les projets Drosme et Acidros (2010-2016), identifié une méthode simple, rapide et efficace pour détecter, dans le sang d’une carcasse mâle entier, la présence de deux marqueurs du scatol et de l’androsténone. Cependant, la complexité de la mise en œuvre industrielle d’une telle méthode de détection (prélèvement substrat sang, performance, traçabilité) ne nous a pas permis de proposer aux abatteurs d’opter pour cette méthode. Il faudra donc, avant tout déploiement de la production de mâles entiers, avoir une méthode de détection des carcasses odorantes efficace et reconnue par nos clients abatteurs et transformateurs.

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