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" Plus de cohérence entre production et potentiel fourrager "

Au Gaec Meyniel, dans le Cantal, la recherche d’autonomie et de cohérence du système n’a pas empêché le développement de la production laitière. Le résultat d’une meilleure valorisation de l’herbe.

« Plus que la production par vache ou le type de ration, ce qui est déterminant dans les résultats d’une exploitation, c’est l’aptitude de l’agriculteur à donner de la cohérence à son système. Le Gaec Meyniel l’a ou est en passe de l’avoir trouvée », affirme Yann Bouchard, conseiller références à la chambre d’agriculture du Cantal. Depuis 2008, Fabien Meyniel et sa mère, Geneviève, éleveurs à Talizat dans le Cantal, à 950 mètres d'altitude, y travaillent. « Au départ, je recherchais la performance zootechnique mais je ne regardais pas l’économique, dit le jeune éleveur. Aujourd’hui, j’essaie de mettre la technique au service de l’économique. » Le déclic ? Une situation sanitaire dégradée suite à des troubles métaboliques, des achats de fourrages (25 tonnes de maïs épi pour 30 vaches) et des coûts de concentrés élevés, et enfin la mise en place du nouveau cahier des charges de l’AOP cantal. Le système était intensif sur l’animal (7 860 l par vache) et extensif sur les surfaces (60 ares par vache à la pâture) et donc pas autonome. Pour s’engager dans le nouveau cahier des charges, le Gaec devait supprimer le maïs épi et réduire les apports de concentré. « Je croyais à cette nécessité de se démarquer. C’est l’élément qui a fini de nous décider à changer le système. »

Le cheptel a rapidement augmenté

Dix ans plus tard, la production laitière (400 000 l) a presque doublé tout comme l’excédent brut d’exploitation (134 000 € en 2016-2017). L’autonomie alimentaire est en grande partie retrouvée avec seulement neuf hectares supplémentaires de SAU (155 ha aujourd’hui). « Geneviève et Fabien ont réorienté leurs choix vers plus de cohérence entre le potentiel fourrager de l’exploitation, le niveau de chargement et le rendement laitier », poursuit le conseiller. La première décision a été de composer la ration uniquement avec les fourrages de l’exploitation (ensilage d’herbe, foin), de réduire la distribution de concentrés et donc accepter une baisse de la moyenne économique par vache, qui se situe désormais entre 6 000 et 6 500 litres. Ce qui n’a pas empêché d’accroître les livraisons au fur et à mesure des dotations ou achats de quotas. Le cheptel a rapidement augmenté pour se stabiliser à 70 vaches (Prim’Holstein). Pour supprimer des bouches à nourrir, la décision a été prise dès 2008 de réduire l’âge au premier vêlage de 34 à 25 mois (soit 10 % d’UGB en moins). Un petit cheptel allaitant valorise des surfaces éloignées et des fourrages de qualité plus médiocre. Sa réduction progressive - 35 vaches au départ - a contribué aussi à ajuster les besoins aux disponibilités. De 2008 à 2016, le nombre d’UGB est tout de même passé de 94 à 138.

Inversion de la priorité entre pâture et stocks

La quête de l’autonomie fourragère a donc reposé sur une meilleure valorisation de l’herbe et l’inversion des priorités entre pâture et stocks. Pour ne plus gaspiller d’herbe, les associés ont mis en place un pâturage tournant bien construit sur la base de 35-40 ares par vache pour tous les lots d’animaux, y compris allaitants. Ainsi, au printemps, les 55 à 57 vaches à la traite tournent sur 22 hectares divisés en 16 paddocks avec une parcelle de jour et une parcelle de nuit. « Au début du printemps, nous calons précisément les surfaces nécessaires pour chaque lot d’animaux, nous faisons pâturer au maximum et nous récoltons tout ce qu’ils ne peuvent pas manger, explique l’éleveur. En 2018, nous avons débrayé beaucoup de surface de pâture, que nous avons récoltée en foin. »

La mise à l’herbe est plus précoce (20 mars pour une altitude de 950 m), avec une fin de transition alimentaire à 300 °C cumulés (cumul quotidien de températures à partir du 1er février), soit le 20 avril. Le Gaec a travaillé également sur la qualité des fourrages récoltés. Du déprimage est réalisé sur les parcelles récoltées en foin. L’ensilage est effectué un peu plus tôt, à 670 °C cumulés, soit quelques jours avant l’épiaison, ce qui permet de récolter un peu plus de deuxièmes coupes. La réintroduction de céréales a permis « de remettre en place une rotation et de renouveler un peu mieux les prairies temporaires avec des mélanges de ray-grass hybride, fétuque et trèfle violet. » La fertilisation azotée a été quelque peu renforcée, passant de 15 à 30 unités par hectare en moyenne. Le pâturage représente désormais 50 % de la ration annuelle, contre 40 % dix ans plus tôt. Pendant tout le printemps, aucun fourrage n’est distribué à l’auge et les apports de concentré baissent drastiquement (125 g/l et même 70 g/l cette année pendant une période de monotraite en début d’été). En moyenne annuelle, la consommation de concentré est de 200 g par litre (contre 335 g en 2008).

Baisser la production pour encore plus d’autonomie

Fabien Meyniel reconnaît néanmoins que la situation reste « un peu tendue » au niveau des stocks fourragers. Il n’y a jamais de stock d’avance, alors que le plateau où se situe l’exploitation (Planèze de Saint-Flour) est souvent affecté par des sécheresses estivales. Des achats de foin sont parfois nécessaires pour compenser ces aléas. L'année 2018 n'est pas la pire. Les deuxièmes coupes ont été normales. La distribution de fourrage (10 kgMS/VL/j) a démarré début août, mais le surplus de foin récolté au printemps dernier couvrira ces besoins. Fabien Meyniel ne prévoit pas d'achat pour l'hiver prochain. Mais le Gaec est contraint de revoir le cheptel à la baisse, s'il veut rester autonome et retrouver de l'aisance, car il n’a pas pu pérenniser l’usage à mi-fruit de surfaces qui se rajoutaient à la SAU, un usage qui permettait de récolter ces dernières années une trentaine de tonnes de foin et de faire un pâturage d’automne. « Nous aurions pu conserver une partie de ce foncier, mais à un tarif que nous avons jugé anti-économique, explique l’éleveur. Nous avons préféré baisser légèrement la production pour rester autonome en ramenant le cheptel laitier à 65 vaches. Depuis cette année, nous réduisons le nombre de femelles de renouvellement en ne conservant que 4-5 génisses pour 100 000 litres de lait. Et nous avons continué à réduire le cheptel allaitant (23 mères cet automne). » Cet été, il n’y avait plus que 121 UGB à nourrir. « Pour sécuriser le système fourrager et réaliser un stock de secours, nous allons vendre une vingtaine de génisses en trop (tous âges confondues), soit 9 UGB, et abaisser encore la production en diminuant le cheptel à 58-60 vaches laitières, poursuit Fabien Meyniel. Les annuités ayant baissé, nous pouvons accepter d’être un peu moins performants sur le plan économique. »

Un coût de concentré très bas

Pour baisser la charge alimentaire, Geneviève et Fabien Meyniel ont travaillé sur la réduction du prix des concentrés. « Nous avons recommencé à produire des céréales », raconte l’éleveur. Neuf hectares d’orge et mélange céréalier (blé, triticale, avoine, épeautre) qui correspondent à la SAU supplémentaire louée en 2008. Malgré des rendements pas très élevés (40 à 50 q/ha), l’exploitation couvre selon les années de 35 à 47 % des besoins en concentrés des cheptels laitiers et allaitants. Pour compléter, elle achète du maïs grain (28 t en 2017/2018), du tourteau de colza (34 t) et de l’aliment mash déshydraté (pulpe de betterave, luzerne, drèche de blé) à 18 % de MAT (12 t). Le Gaec Meyniel a toujours utilisé des matières premières ,mais, en 2012, il a investi dans une fabrique d’aliment à la ferme automatisée et dans des cellules de stockage.

Depuis, le Gaec fait des achats groupés avec deux autres élevages. Ils achètent le colza sur le marché à terme. En 2016-2017, le prix moyen du concentré était de 208 €/t pour le troupeau laitier, sur la base d’un prix des céréales autoconsommées de 125 €/t. Combinant maîtrise des quantités et du prix, l’élevage a un coût de concentré des vaches laitières (39 €/1 000 l) et un coût alimentaire (61 €/1 000 l) parmi les plus faibles du groupe de référence régional Inosys dont le coût alimentaire moyen est de 87 €/1 000 litres (il est en deuxième position sur 46 fermes). Les premières estimations pour l’exercice 2017-2018 montrent que le lait a été produit avec seulement 170 g de concentré par litre.

Alléger la charge de travail

La main-d’œuvre était aussi un enjeu essentiel de la cohérence du système : à l’installation de Fabien, elle est en effet passée de 4 à 2 UMO. Le Gaec emploie un salarié à mi-temps, en groupement d'employeur, mais a beaucoup fait pour alléger la charge de travail : construction d’une stabulation pour le troupeau laitier en remplacement des étables entravées, distribution de la ration par une mélangeuse automotrice en Cuma, fabrique d’aliment à la ferme, rationalisation de nombreuses tâches (groupage des vêlages des allaitantes à l’automne, stockage de la paille et du foin des veaux sur un plancher au-dessus de logettes des laitières situées à proximité des parcs, regroupement des travaux extérieurs par tâche, tels que le labour, les semis...). Les éleveurs ont entrepris récemment de grouper les vêlages des laitières en deux périodes : 3 mois à partir du 10 janvier et 3 mois à partir du 20 juillet pour des raisons de travail et mieux "cadrer l'élevage des génisses".

Chiffres clés

En 2016-2017

70 Prim’Holstein(1) à 6 000 l (41,2 g/l de TB, 31,7 g/l de TP) et 23 Blonde d’Aquitaine
155 ha dont 9 ha de céréales, 1 ha de lentille blonde (vente), 35 ha de prairies temporaires, 110 ha de prairies permanentes
0,9 UGB/ha
417 000 l de lait produit
206 g/l : quantité de concentré VL
61 €/1 000 l : coût alimentaire VL
22 €/1 000 l : coût fourrager (approvisionnement des surfaces + achat foin)
39 €/1 000 l : coût du concentré
356 €/1 000 l : prix du lait
321 €/1 000 l : marge brute lait
134 000 € d’EBE (46 % d’EBE/PB)
(1) 63 vaches en 2018

Les leviers

Meilleure valorisation de l’herbe par le pâturage tournant
Ajustement de la moyenne économique et des cheptels au potentiel fourrager des surfaces
Réintroduction des céréales dans l’assolement

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